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Les Simpson et le conservatisme aux États-Unispier trottier, Mercredi, Janvier 7, 2004 - 12:05 LA INSIGNIA 20-04-2003 Les Simpson et le conservatisme aux États-Unis Maria Cristina Rosas (*) Traduction Pierre Trottier ‘’ Nous avons besoin d’une nation plus près des Waltons (1) que des Simpson ‘’ G.W. Bush ‘’ Nous sommes comme les Waltons. Aussi nous prions pour que se termine Bart Simpson ‘’ Je ne vote pas pour Bush ‘’ Omer Simpson Les Simpson constitue la série de dessins animés la plus populaire dans l’histoire de la télévision. Chaque semaine, 14.7 millions de personnes syntonisent, aux E.U., la chaîne de la Twentieth Century Fox afin d’assister aux aventures de la famille la plus disfonctionnelle de Springfield. De plus, quatre autres millions, dans l’Union Américaine, se placent devant le téléviseur afin de se repasser les vieux épisodes de la série. Plus de 180 canaux affiliés à la Fox présentent les nouveautés les dimanches dans la nuit. Aux E.U. et au Canada, 250 stations de télévision présentent les vieux épisodes, souvent jusqu’à deux fois le même jour. Dans le monde, on calcule que 60 millions de personnes dans 70 pays ont transformé les Simpson en la série la plus populaire, doublée en des douzaines d’idiomes, incluant l’espagnol, le français, le japonais, le finlandais, le portugais, l’italien, etc. Au Mexique, la chaîne Fox transmet, depuis le 1 octobre 2001, les Simpson à 20.30 heures (avant elle le faisait à 20.00 heures), un des horaires des plus grandes audiences (prime time). A la TVAzteca, l’entreprise qui a acquit les droits exclusifs de la série au Mexique, l’horaire de transmission par le canal 7 est celui de 20.00 heures. Après 14 années de mise en onde, c’est la 3è série la plus regardée de la chaîne Fox aux E.U., et elle occupa, durant la période 2000-2001, la 21è place d’entre les 150 programmes les plus populaires de la télévision étasunienne. Pour la même période, le programme a été mis en nomination pour 34 prix Emmy et a reçu la distinction Peabody crée afin de reconnaître le plus ressortissant de la radio et de la télévision dans le pays voisin du nord. La revue Time, dans son édition de 1998, affirmait que Bart Simpson, au côté de Charlie Chaplin, Albert Einstein et des Beatles, était une des personnalités les plus influentes du XXè siècle. Les Simpson constituent une expression de « l’american way of live ». Il suffit de mentionner que la marchandise, en relation avec les Simpson, constitue une industrie évaluée à mille millions de dollars. Les bandes dessinées de la série circulent dans 250 périodiques partout dans le monde et atteignent une audience de 14 millions de personnes. Parallèlement, au début des années 90, on calculait qu’il existait plus de 1000 pages sur Internet dédiées aux Simpson en général, ou à certains de leurs personnages en particulier. Le chiffre, à ce jour, est inconnu; mais on pourrait parler, sans le moindre doute, de plusieurs dizaines de mille pages en plusieurs idiomes, disponibles sur le réseau des réseaux. Les Simpson, aussi, font partie de la culture populaire étasunienne, à celle qu’ils nourrissent jour après jour. L’expression de consternation d’Omer « D’oh! » a été incorporée au Oxford English Dictionary. A l’occasion de leur dixième anniversaire, les Simpson acquirent une étoile sur la promenade des Luminaires d’Hollywood Boulevard. Comme si ce n’était pas assez, Une enquête effectuée en 1999 trouva que 91 % des enfants dont l’âge oscillait entre 10 et 17 ans et que 84 % des adultes pouvaient identifier les membres de la famille Simpson (Campolo, 2001 :2-3), chiffre beaucoup plus élevé que celui des étasuniens capables d’identifier leur propre pays sur la carte du monde, et certainement plus grand que celui des étasuniens qui connaissent le nom le nom du Vice-président du pays. Cela dit : qu’est-ce qui a fait que les Simpson soient devenus un succès? La série a été polémique à partir de ses débuts. Plusieurs personnes à l’intérieur et hors des E.U. considèrent qu’ils sont nuisibles pour le spectateur. Dans des pays comme le Costa Rica et la République Dominicaine, on défend leur transmission pour des considérations d’offenses aux valeurs familiales. Au Mexique, certains secteurs conservateurs postulent que les Simpson attentent contre la morale, et ont même réalisé d’infructueux essais afin de boïcotter TVAzteca dans leurs transmissions. Souvent on considère que les Simpson révolutionnèrent les dessins animés par leurs irrévérences. Ce qui est certain, c’est que ce que beaucoup caractérise comme stupidité chez Omer ou insolence chez Bart n’est que des expressions de ce qui est quotidien dans la vie familiale. Que l’on ne perde pas de vue que, par-dessus tout, les caractères des Simpson sont des créations de Matt Groening, lequel baptisa chaque personnage des noms de sa propre famille dans la vie réelle. De telle sorte que ce qui est révolutionnaire chez les Simpson doit être cherché dans la manière dans laquelle ils ont été convertis en un produit si attractif pour les téléspectateurs, aux moments où les choix d’amusement étaient si variés et, dans beaucoup de cas, si compétitifs. Une piste pourrait être l’investissement de temps et de ressources dont on a eu besoin pour créer chaque nouveau chapitre de la série. Ainsi, pour chaque chapitre des Simpson contribuèrent aux alentours de 300 personnes qui travaillèrent tout au long de 8 mois à un coût de 1.5 million de dollars par épisode (Irwin, Conard et Skoble, 2001 : 1). Sous ce rapport, le raisonnement de Neil Postman est éloquent : « Ce qui est singulier (…) des médias de communication est que leur rôle d’orchestrer ce que nous voyons ou ce que nous savons est rarement remarqué. Une personne qui lit un livre ou qui regarde la télévision, ou qui observe sa montre régulièrement, n’est pas intéressée dans la façon dont son esprit s’organise ou est contrôlé par ces évènements, et encore moins par l’idée suggérée par un livre, la télévision ou une montre. Mais il existe des hommes et des femmes qui ont pris note de ces choses, spécialement au temps présent (Postman, 1984 : 11). Matt Groening fut capable de créer un produit attractif pour le consommateur de masse et, afin de garantir son acceptation, il ne pouvait dépeindre des réalités étrangères au quotidien d’une société si profondément conservatrice comme celle étasunienne. Comme on verra tout le long du présent essai, les Simpson, loin de questionner le statu quo, se récréent en lui et apprennent à survivre dans le cadre de ses limites et de ses opportunités. Dans les mots de Paul Cantor : peu importe qu’ils soient si disfonctionnels, ils peuvent être les Simpson, étant donné que la famille nucléaire apparaît comme une institution qui vaut la peine d’être préservée (Cantor, 2001 :176). En tous les cas, ce qui est admirable dans ce produit de la culture de masse est la capacité de son créateur de caricaturer les vices et les vertus des êtres humains, sans proposer un nouvel état de choses ni un ordre alternatif. Les Simpson ne vont pas plus loin que la parodie. Ce n’est pas son objet. La parodie vend. Le changement social et la révolution du prolétariat non. De Mafalda à Lisa ou comment un ordre social périt devant le statu quo Lisa est une fille surdouée qui illustre dans les Simpson l’anti-intellectualisme que permet la société étasunienne. Et bien que les « petits cerveaux » soient admirés, on ne perd pas l’opportunité de les ridiculiser, peut-être parce qu’avec cela les personnes ordinaires canalisent le ressentiment que le « niais » leurs génère. Aussi, il ne faut pas perdre de vue que de nos jours la rationalité et la connaissance sont mises en question, quoique ce qui surprend c’est que cette question soit ventilée dans une série de télévision qui, sous beaucoup d’aspects, paraît exalter les vertus d’être sot face à celles d’être intelligent (Skoble, 2001 : 25-26). Là se situe par exemple l’épisode dans lequel on découvre chez Omer – grâce à une radiographie – un crayon dans le cerveau qui pourrait être la cause de sa stupidité. A la suite d’une chirurgie dans laquelle les médecins réussissent à extraire le crayon, Omer se convertit en une personne intelligente, quoique répudié par ses amis de toujours, raison pour laquelle il opte pour que le crayon lui soit réintroduit dans le cerveau. La morale de cet épisode est : le bonheur s’appuie sur la stupidité, et les « petits cerveaux » sont profondément malheureux parce qu’ils sont condamnés à l’incompréhension et à la solitude. La relation amour-haine que les Simpson présentent autour des personnes intelligentes est expliquée par Aeon Skoble dans les termes suivants : « Nous voulons avoir un guide autorisé, mais aussi nous voulons notre autonomie. Cela ne nous plaît pas de nous sentir idiot, mais étant honnêtes nous nous rendons compte qu’il nous faut apprendre plus de choses. Nous respectons les réussites des autres, mais souvent nous nous sentons menacés ou offensés. Nous respectons les autorités lorsque nous le désirons, mais nous devenons relativistes à convenance (Skoble, Op. cit. : 33-34) ». Le malheur dont souffre Lisa ne la dissuade pas d’être différente. Lisa est végétarienne parce qu’elle a pris conscience que manger de la viande fait dommage et n’est pas salutaire. Aussi, elle a dénoncé le manque de connaissances de sa professeure, la maîtresse Stricter. Le recyclage comme mesure pour protéger l’environnement la préoccupe. Elle repoussa un chèque de 12 millions de dollars, que lui avait remit le sinistre senor Burns, lorsque la petite lui offrit de l’aide afin qu’il récupère sa fortune. Elle confessa devant les autorités de l’école primaire avoir triché dans un examen. Jusqu’ici beaucoup considéraient Lisa Simpson comme la Mafalda du XXIè siècle, prenant en compte son intelligence, son honnêteté et la maturité avec laquelle malgré ses tout juste 8 ans. Cependant, Lisa s’adapte toujours au système qu’elle questionne tant, et finit par jouer en conformité aux règles dominantes. Par exemple, Lisa démontre une dévotion pour la poupée Stacy Malibu (la Barbie des Simpson) et rie aux éclats avec la saugrenue série de dessins animés d’Itchy et Stratchy. Elle est obsédée par le fait de posséder un poney. Dans l’épisode dans lequel, après une excavation, Lisa découvre un étrange squelette que le reste de la communauté considère correspondre aux vestiges d’un ange, la petite se montre sceptique, excepté dans la partie finale, lorsque la communauté de Springfield attend l’avènement du jugement dernier, Lisa manifeste la même crainte que les autres personnes. En une autre occasion, malgré les activités qui amusent tant Omer et qui ne sont pas de l’intérêt de Lisa, cette dernière consent à l’accompagner au spectacle des autres qui lui déplaît tant. En une autre opportunité, Lisa répudie le « carnivorisme » d’Omer et ruine le buffet que celui-ci avait organisé pour tout le village de Springfield. A la fin, cependant, Lisa se réconcilie avec Omer – à la suite d’avoir été admonestée par le tendre Apou, lequel lui expliqua l’importance d’être tolérante -, et la charge de « petit cheval » au rythme de la musique fraise de Paul McCartney. Marge : une maîtresse de maison ordinaire Marge est, possiblement, le personnage le plus vertueux dans la famille Simpson. Elle prend soin de son époux et de ses enfants, accomplit les travaux du foyer, résout les problèmes quotidiens et jouit pleinement de sa vie sexuelle auprès d’Omer. Lorsqu’elle eut connaissance de l’existence d’une maison de « mauvaise réputation », elle conduisit le ‘’ comité d’hygiène morale ‘’ afin d’obliger sa fermeture. Lorsqu’un ouragan fouetta Springfield, Marge pria expliquant à Dieu que « si tu sauves ma famille je te recommanderai à mes amies ». Bien sûr, l’ouragan cessa, quoique étrangement il détruisit la maison des dévots Flanders. Marge a été exposée à de fortes tensions dérivées des tâches qu’elle réalisait, et du peu de reconnaissance que les membres de sa famille lui prodiguaient. Ainsi, Marge entra dans une étape dépressive qui la porta à perdre de sa peignure, quoique l’arrivée de Cary Bobbins sauva la situation. A une autre occasion, ayant ruiné le mariage d’Otto, le chauffeur de l’autobus scolaire, et se voyant obligée à abriter Becky, la fiancée de ce dernier, Marge s’affola croyant que la nouvelle invitée désirait séduire Omer et s’emparer des enfants Simpson. En une autre occasion, Marge dut se réfugier au « Ranch Relaxe » afin de récupérer d’une crise nerveuse. Marge, comme tout être humain, a eu des faiblesses qui, cependant, ont pu être affrontées et corrigées avant qu’il soit trop tard. Lors de son anniversaire, et que Omer oublia le jour de fête de son épouse, il se vit rapidement obligé d’aller dans une boutique chercher le cadeau « parfait ». Omer choisit une boule de quille, assumant que, étant donné que Marge n’était pas très intéressée à jouer aux quilles, le cadeau finirait dans ses mains. A sa surprise, Marge décida d’aller au bolorama où elle débuta un flirt avec un expert en quilles, lequel rapidement séduisit la nouvelle femme au point qu’il la convint d’un rendez-vous dans un hôtel où ensemble ils consumeraient l’attraction mutuelle qu’ils éprouvaient. Cheminant vers l’hôtel, Marge repensa la situation et décida de se diriger à l’usine nucléaire de Springfield afin de se retrouver avec Omer. Dans un autre épisode, étant dans une boutique de vêtements, Marge trouva une robe en solde de Coco Chanel, qu’elle acheta sur la recommandation de Lisa. Portant ce vêtement et se trouvant dans une station service, elle rencontra une vieille amie qui invita Marge à une réunion exclusive à laquelle assistaient des femmes d’un rang social plus élevé que celui que Marge avait l’habitude de fréquenter. Peu à peu Marge se vit introduite dans le monde frivole de ses nouvelles amitiés jusqu’à ce que, sous prétexte d’une réunion très spéciale à laquelle les Simpson seraient « incorporés » formellement à la « bourgeoisie » de Springfield, la même Marge jeta du revers de la main les économies de toute une vie afin d’acheter un coûteux « habillé ». Mais pour entrer dans cette strate sociale, Marge se rendit compte qu’elle devrait changer, de même que sa famille. La dévote maîtresse de maison évalua l’importance d’accepter et d’être acceptée, et d’être authentique, au lieu de s’abuser elle-même prétendant être une autre personne. Marge dédaigna l’appartenance à la high society de Springfield et s’en retourna avec sa famille souper avec des hambourgeois chez Krusty Burger. Dans tous les cas rapportés, il est évident que ni Marge ni Omer, malgré tout et malgré qu’ils ont été sur le point d’être infidèles (au couple, à la famille, au statut social auquel ils appartenaient) ont fait ce pas d’aller « plus loin ». Toujours, ils « reviennent au bercail » et maintiennent intact le noyau familial, lequel ne change en aucun sens. Notes (*) Professeure et investigatrice affectée à la Faculté des Sciences Politiques et Sociales de l’Université Nationale Autonome du Mexique. Elle fait partie du Système National d’Investigateurs (SNI). Elle a reçu la Distinction Universitaire Nationale pour ‘’ Jeunes Académiques 1999 ‘’. Son livre le plus récent s’intitule : ‘’L’Économie politique de la sécurité internationale. Sanctions, carottes et bâtons (Mexique, Université Autonome du Mexique – Secrétariat Permanent du Système Économique Latino-Américain, 2003, 316pp). Courriel électronique : mcrosas@correo.unam.mx/ (1) Les Waltons fut un programme de télévision transmit à la fin des années 70 aux États-Unis , où on exaltait les valeurs et l’unité familiale. Traduit de l’espagnol par : |
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