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Transformation sociale et futur du syndicalisme de concertationRichard, Mercredi, Décembre 3, 2003 - 01:39
Richard
Plusieurs éditorialistes et leaders d'opinion tombent à bras raccourci sur les gestes posées par des syndiquéEs en colère. Des leaders syndicaux se dissocient de ces gestes. Il importe de ne pas faire des dénonciations morales de ces gestes mais comprendre le contexte qui en voit l'apparition. Il semble que le contexte actuel est annonciateur d'une crise du syndicalisme de concertation qui devra être remplacé. Au-delà de quelques gestes Les éditorialistes et autres leaders d’opinion s’offusquent de voir des gros bras « saccager » des bureaux de députés et ministres et empêcher la tenue de conférence par des ministres et gens des milieux d’affaires. Ils et elles accusent le milieu syndical d’irresponsabilité. Ils et elles font appel au retour au « bon sens ». Ils et elles dénoncent l’immoralité de gestes posés par des supposés « têtes brûlées ». La question se pose. Dans le contexte actuel, peut-on y aller de choix moraux ou sommes-nous obligés de prendre position dans un combat qui oppose deux camps de plus en plus tranchés; les travailleurs/euses qui voient le risque de perdre tous leurs acquis d’un côté et des gens d’affaires ainsi que des hauts fonctionnaires qui veulent remettre en question un mode d’organisation des rapports socio-politiques vieux maintenant de plus de 40 ans de l’autre bord. Jusqu’au cours des dernières années, nous avions encore des dirigeantEs du secteur public qui tentaient de faire preuve d’humanisme et de compréhension envers les employéEs. Aujourd’hui, ils et elles vivent des drames. Nous avions aussi des leaders syndicaux qui temporisaient la colère des travailleurs/euses de la base malgré une détérioration de leurs conditions de. Ces différents acteurs des relations de travail jouaient un rôle de tampon. Les gouvernements précédents leur reconnaissaient une certaine crédibilité. Maintenant, les professionnelLEs du monde syndical et les petits directeurs des ressources publiques ont perdu leur rôle d’ « interlocuteurs/trices responsables » depuis la prise de pouvoir de Jean Charest. Le syndicalisme concertationniste entre de plus en plus en crise parce que le gouvernement a enlevé aux appareils syndicaux le rôle de tampon qu’ils jouaient. Les « débordements » de la base se comprennent dans un tel contexte. Pourquoi des syndicalistes devraient-ils et elles faire des pieds et des mains pour retenir leur base en colère? Charest ne leur reconnaît même plus de rôle positif. Il se moque d’eux. Bien sûr, ils et elles peuvent espérer un retour à des relations de travail qui réaffirment leur position dans des rapports sociaux plus « harmonieux » comme en témoigne les dissociations d’Henri Massé et des dirigeantEs de la CSN envers les gestes posés dernièrement. Mais le gouvernement Charest est déterminé à détruire un des pans importants du régime des rapports salariaux au Québec, l’article 45, qui, même si c’était de manière imparfaite, limitait l’extension de la sous-traitance. Celles et ceux qui se sentent les plus concernés par cette attaque du gouvernement libéral n’ont pas grand chose à perdre si cela brasse un peu. La mise en sous-traitance de grands secteurs des services publics au niveau de la santé, de l’éducation etc. est de plus en plus à l’ordre du jour. La base sociale du syndicalisme concertationniste se trouvait porté par une couche de professionnelLEs salariéEs de l’État et d’employéEs de la fonction publique attaquée actuellement par le gouvernement. Cette couche avait réussi à imposer son agenda aux appareils syndicaux et cela aux dépens des couches de petitEs travailleurs/euses syndiquéEs du gouvernement et du secteur privé dont les salaires et conditions de travail s’étaient détériorés depuis le début des années 1980 mais qui, par démoralisation, ne pouvaient exprimer complètement leur colère par le biais de l’institution syndicale comme ils et elles avaient pu le faire dans les années 60 et 70. C’est cette couche qui risque le plus de faire les frais des attaques du gouvernement Charest. Elle en a gros sur le cœur et les leaders syndicaux ne pourront pas les retenir. De plus, et cela le gouvernement le sait, les prochaines années vont voir une pénurie de main-d’œuvre de plus en plus importante. Les courbes démographiques démontrent que l’effectif des baby doomers vont se retrouver à la retraite. La population en âge de travailler des 18-65 va voir son poids démographique diminuée. Dans ce contexte, les taux de chômage vont diminuer et cela signifie que les travailleurs/euses seront plus enclin à se battre pour améliorer leurs conditions de travail. Le patronat n’est pas intéressé à voir le mouvement syndical se renforcir du fait que ce dernier pourrait profiter d’un marché du travail qui pourrait lui être plus favorable que celui des années 80 et 90. Pour limiter l’extension du syndicalisme, cela est bien connu, le patronat a intérêt à réduire la grosseur des unités de travail et limiter tout ce qui favorise une intervention nationale des syndicats. L’inquiétude gouvernementale face à ce phénomène de prochaine pénurie de la main-d’œuvre se manifeste au niveau des réformes que le gouvernement veut entreprendre au niveau du régime d’aide sociale. Le gouvernement s’inquiète de voir le vieillissement des populations assistées sociales et chômeuses. 55% des adultes prestataires à l’aide sociale ont plus de 45 ans. Il trouve aussi inquiétant le fait que le 2/3 des adultes prestataires ont été sur l’aide sociale plus de deux ans consécutifs. Le prochain plan d’action de la supposée loi pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale devrait annoncer un raidissement des pénalités contre les prestataires aptes au travail qui ne chercherait pas à réinsérer le marché du travail rapidement. Gageons qu’une grande partie des prestataires forcées de réintégrer le marché du travail se retrouverons dans des entreprises de sous-traitance nées des modifications de l’article 45. Un autre fait est important à prendre en compte dans la compréhension des actes des derniers temps. Dans les dernières décennies, le milieu d’affaire a réussi a tellement remplir ses coffres qu’il faut bien trouver des lieux où investir les capitaux accumulés. Cet argent pourrait être exporté ailleurs, dans d’autres pays, ou encore aller dopper un marché boursier, ce qui pourrait provoquer des crises économiques d’une ampleur indescriptible. Une privatisation des services publics apparaît une manière profitable de faire fructifier un capital local pour nos gens d’affaires. Le patronat ne peut voir que d’un bon œil les mesures du gouvernement Charest. Une série de conditions objectives militent dans le sens de dire que les bases de la paix sociale s’étiolent de plus en plus. Des gros bras, on en verra de plus en plus. Les travailleurs/euses qui subiront des diminutions dans les conditions de travail n’auront plus rien à perdre. Le mouvement syndical qui pourrait voir une baisse d’effectif suite aux attaques du gouvernement Charest devra trouver des moyens pour convaincre les travailleurs/euses oeuvrant pour des firmes de sous-traitance. Il ne pourra convaincre que s’il est effectivement capable d’organiser des luttes combatives. Par ailleurs, étant donné une pénurie de main-d’œuvre, les salariéEs n’auront pas grand chose à perdre de se battre, puisqu’ils et elles pourront se trouver des emplois de remplacement si leurs revendications mènent à la fermeture de leurs entreprises (leurs petites bineries). À quoi peut bien servir des gestes qui, dans un avenir plus ou moins proche, pourrait devenir la norme. En fait, compte tenu du contexte, les dénoncer revient à s’attaquer à celles et ceux qui sont les premières victimes du gouvernement Charest et qui, par colère, prennent ces moyens pour s’exprimer. Il serait illusoire de croire qu’un syndicalisme de concertation sera viable pour les années qui s’en viennent. De larges pans de travailleurs à moyens revenus (des employés de soutien dans les écoles ou les hôpitaux) pourraient se retrouver dans des petites entreprises en sous-traitance difficilement syndicalisables. Le syndicalisme deviendrait l’apanage de quelques professionnelLEs salariéEs de l’État. D’un autre côté, si le syndicalisme renoue avec ses racines combatives comme ce fut le cas dans les années 50, 60 et 70, il pourrait conserver cette couche de travailleurs/euses à moyen revenu. D’une manière ou d’une autre, le syndicalisme, pour survivre, est pris pour remonter sur les barricades du combat social.
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