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La ZLÉA après Miamisimms, Lundi, Novembre 24, 2003 - 22:51
simms
Après les arrestations, la brutalité, et la repression généralisée autour du sommet néolibéral à Miami ces derniers jours, célébrer une victoire contre la ZLÉA peut sembler bizarre, voire naïf. Malgré cela, il est à noter que le sommet de Miami n'a pas vraiment réussi à faire avancer le projet du « libre-échange » panaméricain, même si les têtes enflées de la Maison Blanche en disent autrement. C'est que, tout comme au sommet de l'OMC à Cancún en septembre, il semble que la convoitise corporatiste régionale s'est heurtée à l'unilatéralisme acharné de l'administration Bush. Mis à part l'opposition clairsemée des « nouveaux » régimes sud-américains (Brazil, Vénézuela, Argentine), c'est cet « égoïsme économique » qui a entravé les négociations à un tel point que le sommet fut conclu avec une journée d'avance. D'ordinaire, le représentant-chef américain Robert Zoellick (USTR) agite sans cesse contre le protectionnisme supposé des pays résistant aux politiques néolibérales, mais à Miami il dût défendre les intérêts politiques louches de son patron, George W. Bush, qui prône un protectionnisme spécial pour, entre autres, l'agribusiness et l'industrie de l'acier américains. En d'autres mots, ce projet néolibéral est en train de nous exposer ses failles. Selon Mark Engler (dans un article sur ZNet), l'élite économique américaine exige une ouverture des marchés sud-américains dans presque tous les domaines, mais refuse d'offrir les mêmes concessions quant aux marchés états-uniens. Le « posse » de Bush se trouve pris entre son fondamentalisme « libre-marché » messianique et ses obligations face aux producteurs domestiques (particulièrement ceux qui, comme les agriculteurs petite-échelle et certains producteurs d'acier importants pour Bush, ne sont pas nécessairement en mesure de se gaver de profits grâce aux projets comme la ZLÉA). Il va sans dire que les différentes administrations à la Maison Blanche ont, historiquement, depuis longtemps incanté la mantra de l'ouverture des marchés étrangers tout en renforçant les industries américaines avec des protections cachées telles que, par exemple, la subvention continuelle du secteur high-tech via le nexus militaire-industriel. Ce qui est particulier dans la situation présente, c'est le désir de codifier ces protections ouvertement et de façon permanente, tout en se couvrant de rhétorique « libre marché ». Impasse ? Même si les négociateurs ne trouvent pas d'accord à Cancún, Miami, et lors des prochaines rencontres ministérielles sur la ZLÉA en février 2004, le pouvoir économique inégalé des États-Unis leur permet de contourner le problème en passant du pseudo-multilatéralisme de la ZLÉA à des accords bilatéraux. Une telle stratégie permettrait de forcer les exigences des multinationales sur chaque pays individuel concerné. Tout comme avec la ZLÉA, ceci pourrait prendre la forme d'une « course vers le fond » si le géant américain place différents pays en compétition entre eux pour obtenir les meilleures conditions d'échange. Ce genre de stratégie « bilatéraliste » est déjà de rigueur à Washington pour ce qui est de la Cour Pénale Internationale (CPI): désireux de « protéger ses citoyens » (lire: soldats, politiciens, agents) de poursuites judiciaires futures initiées par cet organe indépendent international, le gouvernment Bush tente de saboter les pouvoirs de la CPI en forçant une multitude de pays à signer des accords bilatéraux qui exemptent les citoyens américains de la juridiction CPI sur leur territoire. Pour la plupart, ces mini-accords sont signés sous menace de représailles économiques / militaires. Par exemple, le gouvernment colombien dût signer ce genre d'exemption en septembre pour continuer à recevoir ses énormes subventions militaires de Washington. La même méthode servit aussi à convaincre d'autres pays comme l'Antigue et Barbade, le Botswana, le Ghana, le Malawi, l'Uganda et le Timor Oriental. Le « bilatéralisme » semble donc porter fruit, du moins dans ce dossier. C'est pour cela qu'il est peut-être prudent de ne pas partager la joie de certains face à l'écroulement probable de l'OMC -- et même celui de la ZLÉA. Avec les négociations multilatérales récentes à l'OMC et celles pour la ZLÉA, il y avait au moins une façade de discussion multilatérale, un faible succédané de démocratie, même si c'était à huis clos derrière des barbelés. À plusieurs reprises, certains pays du Sud global ont pu se mettre en bloc pour améliorer leur position face aux géants du Nord. Ce genre de backlash démocratique interne est en train de dérailler certains projets des pays riches et de leurs multinationales pour le système global, et leurs stratégies pourraient bientôt être ajustées en conséquence. À présent, si les bushistas décidaient d'abandonner les pourparlers ZLÉA en faveur d'une approche « bilatérale », chaque pays de la zone se retrouverait seul face aux pressions américaines. Toute solidarité potentielle en sera-t-elle ainsi « divisée et vaincue » par des ZLÉAs multiples, en miniature ? Et que pouvons-nous faire pour éduquer le monde à résister au néolibéralisme peu importe les acronymes qui l'accompagnent ?
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