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La peur doit changer de camp : des locataires en colère visitent des proprio qui abusent

Nicolas, Jeudi, Novembre 6, 2003 - 14:42

Nicolas pour le CMAQ

QUÉBEC [CMAQ] – Qui n’a pas rêvé de débarquer en gang chez son proprio pour lui dire tout le bien qu’on pense de ses augmentations de loyer? C’est en gros ce qu’on fait une centaine de locataires à Québec et 160 à Montréal cet avant-midi. La cible : certains des propriétaires immobiliers les plus rats de la province.

Visite chez «deux beaux porcs de Beauport»

À Québec, une cinquantaine de membres des principaux groupes populaires du centre-ville été rejoint par presque autant de membres d’associations de locataires de blocs, de camarades de Sainte-Foy, Thetford Mines et Trois-Rivières. Deux cibles avaient été choisi dans la région : les Immeubles Laberge et les blocs de Jean-Claude Saillant.

On a commencé par aller voir Jean-Claude Saillant. Pour donner une idée de la délicatesse du bonhomme, il faut simplement dire que nous avions été précédé par des journalistes de Radio-Canada qui ont été bousculés et qui se sont fait expulser manu-militari à grand coup de taloches. Depuis plusieurs années, plusieurs locataires de Québec ont «goûté» aux méthodes de Jean-Claude Saillant, un propriétaire de Beauport, bien connu à la Régie du logement. Augmentations abusives, harcèlement des locataires, coupures de chauffage, etc. Au total, Jean-Claude Saillant s'est retrouvé plus d'une douzaine de fois devant la Régie au cours des dernières années, notamment à cause du mauvais entretien des logements. Cela n'a pas empêché ce propriétaire d'augmenter certains de ses loyers de 105$ entre deux locataires. Il fallait voir les gens sortir sur les balcons lancer des cris d’approbation aux manifestant-e-s pour comprendre tous le bien que ses locataires pensent de lui.

De là, la manif s’est déplacée vers les bureaux des Immeubles Laberge, un autre gang de beaux porcs qui sévit à la grandeur de la province. Les Immeubles Laberge contrôlent maintenant plus de 4200 logements et de nombreux espaces commerciaux à Montréal et Québec. Au cours de la dernière année, des locataires des Immeubles Laberge ont reçu des augmentations de loyer 2 à 4 fois supérieures aux indices de la Régie du logement. Mais ce n'est pas tout : les immeubles Laberge ont également comme pratique d'augmenter de façon abusive le prix de «leurs» logements entre deux locataires. Pas étonnant qu'ils annoncent aujourd'hui leurs 3 1/2 à 700$ par mois... Bref, du «ben bon monde».

Un mégalomane à Montréal

À Montréal, les 160 locataires-manifestant-e-s sont allé visités un méchant mégalomane : Bon Apparte, le propriétaire et gestionnaire d'immeubles bien connu des comités logement. Bon Apparte possède ou gère des centaines de logements dans la région de Montréal. Des plaintes d'augmentations abusives contre cette société émanent de locataires d'Ahuntsic, Villeray, Petite-Patrie, Rosemont, Centre-Sud, Hochelaga-Maisonneuve, Plateau Mont-Royal et Laval. «Nombreux sont les locataires qui témoignent de leurs craintes de contester les avis abusifs de Bon Apparte et plusieurs n'exercent pas leur droit de refuser la hausse de loyer», souligne André Trépanier du Regroupement des comités logement et association de locataire (Le RCLALQ).

Ces visites collectives se faisant dans un contexte où les associations de propriétaires hurlent à la lune pour casser le [très faible et relatif] contrôle des loyers qu’exerce la Régie du logement, le RCLALQ en a profité pour rendre public un «document interne» d’un propriétaire sur lequel il a pu mettre la main. A la lecture de ce document interne («historique des augmentations de loyers»), on constate que ce propriétaire a réussi à augmenter en moyenne les loyers de 822 de ses logements de plus de 9%. «Quand on entend des investisseurs immobiliers se plaindre que l'immobilier n'est pas rentable, on peut se permettre d'en douter», ironise André Trépanier. En terminant son activité montréalaise par une visite éclair à la permanence du Parti libéral du Québec, le RCLALQ presse le ministre responsable de l'Habitation, M. Jean-Marc Fournier, de mettre de côté tout projet de délestage de l'actuelle méthode de fixation des loyers et de donner les moyens aux locataires de se prémunir contre la hausse marquée des loyers qui prévaut dans les principaux centres urbains du Québec.

Une attaque frontale contre les droits de locataires

En juin 2003, le ministre des Affaires municipales responsable de l'Habitation, Jean-Marc Fournier, a confié au Groupe Roche (une firme privé), le soin «d'évaluer la pertinence de maintenir ou de modifier le Règlement sur les critères de fixation des loyers dans un contexte de pénurie de logement». À cela se rajoute le mandat du Conseil du Trésor de réévaluer le rôle même de la Régie du logement, c’est donc d’une attaque frontale contre les droits et les recours des locataires dont on parle. D’après le RCLALQ, il est faux de rendre responsable la méthode de fixation des loyers de la pénurie de logement. La méthode existe depuis une vingtaine d'années et pendant ce temps les taux de vacances des logements ont grandement varié et actuellement, avec la présente méthode plusieurs villes (ex.: Matane, Rouyn-Noranda) ont des taux de vacances supérieurs à 10%. La pénurie s'explique par divers facteurs dont le faible nombre de logements sociaux réalisés depuis le retrait du fédéral en 1994, des facteurs démographiques, la monopolisation du parc locatif (12% des propriétaires possèdent 57% des logements), la conversion en condos de logements locatifs et la transformation de duplex en maison unifamiliale par le biais de la reprise de logement. Avant la présente pénurie, nous parlions déjà de crise liée à l'incapacité de payer les loyers demandés, de discrimination et de collecte abusive de renseignements personnels et de logements insalubres.

Avec la «réflexion» du Ministre, on doit craindre de plus fortes augmentations de loyers en cas de travaux majeurs sans agir sur l'insalubrité, des travaux majeurs non nécessaires mais uniquement pour faire augmenter les loyers et chasser les locataires, une formule plus avantageuse en cas d'augmentations des coûts de chauffage, un meilleur rendement sur le revenu net des propriétaires, abolition de la possibilité de contester le loyer après un déménagement ... et plus de locataires incapables de payer leur loyer.

En 2001, plus de 218 000 locataires consacraient déjà plus de 50% de leur revenu au loyer. Depuis, les loyers augmentent en moyenne de 5 à 6 % à Montréal (des hausses importantes ont également eu lieu ailleurs comme à Gatineau et Québec). Il est maintenant courant de voir des logements en location annoncés à 1000, 1300 ou 1800 par mois. Selon une étude de l'INRS, nos loyers généraient en 2001 des revenus bruts totaux de plus de 6 milliards de dollars annuellement. En 2001-2002, une année record, seulement 10 525 loyers ont été fixés par la Régie (même pas 1% des loyers du Québec) et un petit 480 locataires avaient contesté le prix du loyer comme nouveau locataire pour tout le Québec. C’est dire à quel point le contrôle exercé par la Régie est «contraignant»...

Nicolas pour le CMAQ

www.rclalq.qc.ca


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