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Le fardeau de la guerredavidk, Vendredi, Septembre 26, 2003 - 09:17
David Kavanaght
Le suicide d'un inspecteur en armes de destruction massive et la crédibilité des médias de masse passées à la loupe dans le contexte de la guerre en Irak. La guerre contre l’Irak a débuté le 20 mars 2003. Malgré un vent d’opposition planétaire et des manifestations monstres atteignant plusieurs centaines de milliers de personnes voire des millions, les États-Unis avertissaient leur allié anglais du commencement des hostilités peu après minuit ce jour-là. Contrairement aux principes de droit international, les États-Unis enclenchaient une guerre dite « préventive ». En effet selon l’article 2 de la Charte des Nations Unies, chaque État doit, notamment, respecter la souveraineté nationale et ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures des autres États. Or, à l’article de un de la charte des Nations unies on peut lire : « Les buts des Nations Unies sont… De plus, à l’article deux on peut lire : « Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État. » http://www.un.org/french/aboutun/charte/ Il faut croire que la politique étrangère de l’oncle Sam avec d’abord l’implantation de Saddam Hussein dans les années ’80 puis son reniement en 1991 avec la guerre du golfe ne pêchait pas par excès de retenue. Finalement son indifférence au cours des années subséquentes face aux efforts répétés de soulèvement peuple irakien contre le dictateur « Américain » Hussein en dit long sur les visées américaines. Faisant fi du droit, les États-Unis, une nation, décide d’entrer en guerre avec une nation qui ne l’avait pas attaquée, l’Irak. À sa face même cette action est illégale et illégitime quoiqu’on puisse penser du mercenaire Hussein d’abord embauché par les États-Unis. Pourtant, les deux membres de la « coalition », l’Angleterre et les États-Unis, ont voulu lui donner un vernis d’approbation de la communauté internationale. La sanction pénale, que constitue la mise à prix de la tête de Saddam Hussein, sanction dont Auguste Pinochet aurait pu être jaloux parce qu’il a été lui aussi instrument de la politique étrangère sanglante des État-Unis, elle pourrait être prononcée contre un chef d’état déclaré coupable à l’issue d’un procès devant une cour pénale internationale. Devant une cour de justice plus modeste (canadienne par exemple) on exige un fardeau de preuve minimal avant de déclarer quelqu’un coupable dans un premier temps avant même de penser à une sanction. Qu’il nous suffise de demander au juge Garzon ce qui l’a mené à juger Pinochet pour ses crimes qu’il a commis alors qu’il était président (non-élu) au Chili en 1973. Le fardeau de preuve fait en sorte que la partie qui poursuit doit prouver « hors de tout doute raisonnable » la culpabilité d’un prévenu. C’est-à-dire qu’elle doit convaincre un jury ou un juge de la culpabilité sans que puisse subsister un doute raisonnable dans l’esprit du décideur. En outre, afin de s’assurer de la transparence du processus judiciaire, les débats sont publics et la défense a accès à la preuve qui est présentée contre elle. En ce qui a trait à l’invasion de l’Irak, particulièrement en droit international, qu’en est-il au juste ? Le débat a été confiné à l’ « opinion publique » mondiale. Connaissant la préférence qu’ont les médias de masse pour les sources officielles d’information, nous avons été abreuvés de déclarations de gens mieux placés. Or, la réalité est pleine de trous. Les « armes de destructions massives » sont introuvables six mois après le début de l’invasion. De la liste des arguments invoqués tous, un à un, se heurtent à l’usure du débat public. Ce ne sont plus les projets d’achat d’uranium qui servaient de prétexte à la guerre pas plus que la possibilité de déploiement de missiles de destruction massive en 45 minutes ou encore la possibilité d’une invasion. Selon George Bush junior et Tony Blair ce n’était pas ces éléments qui étaient primordiaux, il y a beaucoup d’autres arguments convaincants qui « militent en faveur » de l’occupation. Ce qui reste et non le moindre ce sont les exactions de M. Hussein. Le suicide d’un inspecteur en armes de destruction massives « David Kelly » a quand même jeté un froid dans le concert d’approbation joué par la par la presse mondiale. Comme cette personne morte n’est pas Irakienne elle mérite plus qu’une mention anonyme dans la liste des dommages collatéraux. Qui plus est cette personne était la source anonyme mais « officielle » d’un journaliste de la chaîne BBC (British Broadcasting Corporation). Il s’agit d’un média de masse dont la « crédibilité » et le professionnalisme sont bien établis. Depuis la diffusion d’une émission radio par la BBC le 29 Mai 2003, le gouvernement Anglais est devenu à couteaux tirés avec sa chaîne d’information subventionnée. Voici le verbatim de ladite émission. John Humphrys Andrew Gilligan « Le plan militaire de Saddam lui permet de déployer des armes de destruction massive suite à un ordre donné dans les 45 minutes qui suivent. » Alors cette affirmation est revenue hanter M. Blair parce que si les armes avaient été si facile d’accès elles aurait été d’ores et déjà trouvées. Mais vous savez, ça aurait pu être une erreur de bonne foi. Mais ce que l’on m’a dit c’est que le gouvernement savait que l’affirmation était téméraire même avant la guerre, avant même qu’elle ne soit inscrite au dossier. J’ai parlé avec une personne responsable ayant œuvré à la préparation du dossier en Angleterre et il m’a dit que dans la semaine précédant sa publication, un brouillon a été produit par les services de renseignements qui n’ajoutait que peu de choses aux éléments déjà connus publiquement. Il a dit : « Il a été retravaillé dans la semaine précédant sa publication pour le rendre plus « sexy ». L’exemple classique, c’était l’affirmation que les armes de destruction massives pouvaient être utilisées en 45 minutes. Cette information n’était pas incluse dans la version originale. Elle a été incluse contre notre gré, parce qu’elle n’était pas fiable. La plupart des éléments au dossier avaient été contre-vérifiés, mais cette information était la seule qui n’était supportée que par une seule source et nous croyons que la source était dans l’erreur. » Maintenant, cette personne responsable m’a dit que le dossier avait été transformé à l’initiative de ( Downing Street – bureau du premier ministre) et il a ajouté : « La plupart des gens du renseignement n’étaient pas contents du dossier parce qu’il ne reflétait pas le consensus avancé par la communauté du renseignement». Alors je veux souligner que cette personne, de même que d’autres à qui j’ai parlé, croient encore que l’Irak avait certains programmes d’armes de destruction massive. « Je crois qu’il y a environ 30% de chances qu’il y ait un programme d’armes chimiques dans les six mois précédant le conflit, et il y encore beaucoup plus de chances qu’il y ait un programme d’armes biologiques. Nous pensons que Blix a minimisé certains éléments de preuve qui auraient pu se révéler intéressants. Mais les programmes d’armement étaient bien petits. Les sanctions ont limité le programme. » La personne responsable a aussi ajouté une remarque intéressante à propos du résultat de la capture de certains scientifiques Iraquiens responsables des ADM. « Nous n’avons pas trouvé beaucoup plus d’informations que ce que nous avions auparavant. Nous n’avons pas pu tirer grand chose de ces détenus jusqu’à présent. » En fait, l’enjeu des 45 minutes n’est pas seulement un détail. Cela va droit au cœur de l’argumentaire gouvernemental voulant que Saddam constitue une menace imminente, et cet élément a été répété à trois autres endroits dans le texte du dossier. Et je comprends qu’un comité parlementaire sur la sécurité et le renseignement tiendra une enquête sur les allégations du gouvernement anglais à propos de l’Irak et c’est manifestement le genre d’enjeu qui sera au cœur de leur enquête. http://media.guardian.co.uk/radio/story/0,12636,994893,00.html Ce bulletin radio a suscité des lettres du conseiller du premier ministre demandant le renvoi du journaliste et attaquant le financement de la chaîne publique. Le 30 juin 2003, David Kelly écrit au ministère de la défense disant qu’il avait rencontré Andrew Gilligan le 22 mai. Le 8 juillet 2003, le ministère de la défense publie un communiqué disant qu’une personne responsable a admis avoir parlé à Andrew Gilligan. Le 9 juillet 2003, le ministère de la défense confirme que David Kelly est la source des allégations du journaliste Andrew Gilligan. Le 10 juillet 2003, les journaux publient le nom du Dr Kelly comme étant la source. Le 15 juillet 2003, M. Kelly comparaît devant le comité des affaires étrangères. Le 16 juillet 2003, il témoigne devant le comité sur le renseignement et la sécurité. À 15h20 le 17 juillet 2003, il sort pour aller prendre une marche. Vers 23h40, la famille appelle la police. On le recherche pendant la nuit. Vendredi 18 juillet 2003 : le corps de M. Kelly est trouvé dans les bois près de chez lui. Il est mort d’une hémorragie au poignet selon le coroner. Jusqu’à maintenant le débat entre la BBC et le gouvernement anglais a tourné autour du biais anti-guerre qu’aurait affecté la chaîne publique. On a fait état du manque de professionnalisme du journaliste Gilligan. Particulièrement, on lui reproche de ne pas avoir vérifié les sources officielles avant de « répandre » des « faussetés ». Les autorités anglaises ont d’abord voulu minimiser la nouvelle voulant qu’elles aient gonflé la menace justifiant la guerre en disant que la source n’était pas officielle, puis en disant que la source n’était pas crédible et finalement après que ces arguments se soient révélés inefficaces, il ont prétendu que M. Kelly n’avait point participé à l’élaboration du dossier. Pour le journaliste Gilligan le fait d’avoir utilisé le mot « erroné » au lieu de « peu fiable » ( en parlant du déploiement en 45 min) parce que supporté par une seule source a été vu par ses supérieurs comme un manquement à l’éthique journalistique. D’ailleurs on lui a reproché d’avoir guidé un interrogatoire en divulguant au préalable le nom de sa source à un député du comité des Affaires étrangères qui pouvait fournir des questions à poser à M. Kelly. Ce qui est le plus controversé ce sont les raisons qui auraient pu pousser M. Kelly, un savant renommé, au suicide. Du moins, c’est ce que suggèrent les apparences. Se serait-il suicidé suite à la publication de son nom alors qu’il a témoigné avoir rencontré Gilligan mais tout en niant être la principale source ? Se serait-il suicidé suite aux pressions exercées par le ministère de la défense qui l’a interrogé et la confiné à résidence peu après qu’il leur ait révélé qu’il avait été une source ? Une chose est claire toutefois, le fardeau de preuve d’un journaliste qui présente un point de vue opposé à celui qui est officiellement mis de l’avant en temps de conflit dépasse de loin le fardeau de preuve exigé par les médias de masse lorsque vient le temps de rapporter la propagande (lire communiqués) du centre de commandement américain. Pour justifier la guerre les membres de la « coalition », les chantres de la guerre « préventive » on utilisé les services de renseignements. Or ces dits services de renseignements ont exprimé (sous le couvert de l’anonymat sûrement par peur de représailles) des réserves sur l’utilisation qui a été faite du fruit de leur travail. L’opinion des citoyens mérite-t-elle de savoir au moins la nature des sources sur lesquelles on s’est basé pour justifier une guerre de plusieurs milliards de dollars ? En démocratie doit-on demander à voir les preuves de l’existence des armes de destruction massive avant d’entrer en guerre ? Une fois la guerre finie y a-t-il un moment à partir duquel en l’absence d’armes de destruction massive on pourra inculper les auteurs d’un massacre inutile ? Un bon point pour le gouvernement anglais est qu’il a ordonné la tenue d’une enquête publique sur la mort de David Kelly. Toutefois les médias de masse continuent de s’en tenir à des sources officielles alors même qu’elles ont le nez collés sur les multiples tractations visant à manipuler l’opinion mondiale. Elle ne font aucun cas de la témérité et de l’aplomb démontré au martèlement de l’affirmation des 45 minutes. Le nombre de morts et l’argent dépensé jusqu’à présent militent pour un examen de la question. En démocratie, en occident et du côté de ceux qui se disent pour la liberté, quelle incidence cette perte de crédibilité peut avoir sur le gouvernement, sur les médias de masse et finalement sur nous-mêmes citoyens ? Quel est votre seuil de preuve pour juger de qui a menti dans ce débat ? |
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