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Condamné à un an de prison aux USA : Le cauchemar de Sherman AustinNicolas, Mercredi, Août 6, 2003 - 13:39
Phébus pour A-Info
Le cauchemar de Sherman Austin a commencé le 24 janvier 2002. Ce matin là, sa maison de Californie a été envahie par quelques 25 personnes armées jusqu’aux dents : un heureux mélange d’agents du FBI et des services secrets. Le jeune homme, il avait tout juste 18 ans à l’époque, a été interrogé pendant plusieurs heures à propos de ses idées politiques et de ‘Raise the fist!’, le site web à publication ouverte qu’il administre. Dans le flot d’informations et d’analyses libertaires que diffuse ‘Raise the fist!’, un petit article pratico-pratique avait attiré l’attention de l’État, à savoir un ‘manuel du manifestant’. Sherman Austin était loin de se douter que ce texte, posté sur le site par un anonyme, allait le jeter dans un cauchemar judiciaire et le mener éventuellement en prison. Explosifs « J’ai été interrogé pendant plusieurs heures, explique le webmeistre de ‘Raise the fist’, pendant qu’ils fouillait ma chambre et qu’ils saisissaient un réseau d’ordinateurs dont je me sert pour opérer mon site web raisethefist.com ». « Ils ont aussi saisi des pancartes et de la littérature politique, continue Sherman, leur excuse était un ‘guide du manifestant’ (dont je ne suis pas l’auteur) qui a été posté sur mon site et dont une petite portion contient des informations sur les explosifs ». Des explosifs! Le mot est lâché, le jeune anarchiste donnait de l’information sur comment faire des bombes, c’est tout ce dont ont besoin les flics et les médias. Il a été difficile de savoir de quoi il s’agit exactement, mais certains médias ont parlé de cocktails molotovs, de bombes fumantes et de ‘pipes-bombs’. Rien de bien dramatique ni de très ‘secret’. « ‘L’information sur les explosifs’ sur mon site, explique Sherman, ne se compare pas à ce qu’on peut trouver sur des sites web tels que howthingswork.com, Loompanics.com, Bombshock.com, Totse.com, Amazon.com, ou les nombreux sites néo-nazis qui couvrent à peu près tout, des assassinats aux explosifs, en passant par la fraude et les armes à feu. Il est évident qu’un internaute intéressé à faire une bombe ou à prendre part à des activités extra-légale n’aurait pas besoin de Raisethefist.com ». D’ailleurs, l’information n’est pas à priori illégale et Sherman a, dans un premier temps, été relâché sans accusations. L’agent spécial en charge des opérations ce jour là, John I. Pi, a simplement dit à Sherman qu’il avait « dépassé les bornes et qu’en autant qu’il revenait sur le droit chemin, tout serait correct ». Acharnement juridique Le problème c’est Sherman n’est pas « revenu sur le droit chemin ». « Une semaine plus tard, explique le militant, malgré ce qui était arrivé j’ai décidé d’aller quand même à New York pour participer aux manifestations contre le World Economic Forum. » Sur place Sherman est pris dans une rafle avec 26 autres personnes, avant même le début de la manif. Les interrogatoires reprennent et il est relâché de nouveau. Sauf qu’à la sortie du palais de justice, cinq agents du FBI le ramassent et l’informe qu’il est en état d’arrestation parce qu’il a « diffusé de l’information sur des explosifs via Internet ». Il est alors détenu dans une prison à sécurité maximum. Lors de son enquête sous cautions, le FBI le décris comme « un homme en mission » qui a parcouru tous le continent pour réaliser son « complot ». Le juge le déclare « dangereux pour la communauté » et lui refuse la caution, préférant le faire extrader en Californie où il devra faire face à ses accusations. 11 jours plus tard, il est amené sur une base militaire pour son extradition en compagnie d’autres « détenus dangereux ». Rendu à Oakland, il apprend que le procureur ne portera pas d’accusation et il est de nouveau libéré, après 13 jours de détention. De retour à Los Angeles, Sherman Austin se replonge dans le militantisme, relance ‘Raise the fist’ et le réseau national de groupes d’action directe qui en est sorti. Après six mois, les procureurs contactent son avocat et lui disent qu’ils n’ont rien contre son client mais qu’ils ne veulent pas le laisser partir comme si de rien était. Ils proposent une entente pré-sentencielle d’un mois de prison et de cinq mois de « redressement communautaire » (!?). Évidemment, Sherman refuse et préfère risquer un procès. Sauf qu’entre temps on apprend que l’affaire pourrait tomber sous le coup des lois anti-terroristes et être passible de 20 ans. Il accepte alors d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité pour s’en tirer. L’entente entre son avocat et les procureurs prévoient 4 mois de prison, 4 mois de travaux communautaires et 3 ans de probation. Sauf que... Le juge s’objecte. Il est persuadé que les procureurs ne mesurent pas la gravité des accusations et ne veut pas donner de mauvais exemple par sa clémence. Il demande l’avis du Directeur du FBI, rien de moins. S’en suit un long processus légal d’aller-retour entre le juge, les avocats et les procureurs. Au bout du compte, les procureurs signifient qu’ils ne changent pas d’avis et requiert la même peine. Le 4 août, le juge en fait à sa tête et condamne Sherman Austin à 1 an de prison et 3 ans de probation. Période pendant laquelle 1) il ne pourra pas posséder ou accéder à un ordinateur sans l’autorisation de son agent de probation et s’il en a l’autorisation, l’équipement sera sujet à surveillance et à saisie à tout moment; 2) il ne pourra pas altérer les logiciels ou le disque de tout ordinateur qu’il utilise; 3) il devra donner tous ses comptes de téléphone, d’Internet et d’électricité; 4) il ne peut pas s’associer avec toute personne ou groupe qui veut changer le gouvernement d’une quelconque façon; 5) il doit payer une amende de 2 000$. Sherman Austin a été condamné pour méfait (felony) et distribution d’information sur les explosifs avec intention (with intent). « Distribuer de l’information relative aux explosifs n’est pas illégal, rappelle-t-il, ils doivent prouver que tu as l’intention d’utiliser l’information pour causer un crime violent... » « Et comment prouvent-ils l’intention ? » demande le jeune homme. « Je pense que Bush a été très clair quand il a dit « vous êtes soit avec nous ou contre nous ». Sherman Austin est déterminer à continuer le combat. « Raisethefist.com ne fermera pas et le réseau d’action directe va continuer de grandir et d’être actif, dit-il, une sentence d’un an n’est pas la fin du monde, ce n’est que le début. »
Toutes les citations sont tirées d’une déclaration publique de Sherman Austin disponible sur ce site.
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