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La casse lors du mini-sommet de l’OMCRichard Fecteau, Vendredi, Août 1, 2003 - 13:34
Richard Fecteau
Lors des événements entourant le sommet de l’OMC, j’ai eu le malheur d'articuler une critique aux action posées en soulignant leurs limites. Mes critiques au déroulement des actions ont semé la colère chez Tony qui, c’est son droit, a répliqué par une attaque pas trop réglo à mon égard. Quand on veut tuer son chier, on dit qu’il est ufpiste Je n’ai bien sûr aucun problème à assumer mes écrits, nous y reviendrons plus loin. Ce qui me fait bucker, aujourd’hui, c’est plutôt de voir que l’ami Tony, bien qu’il ait écrit un texte très argumenté, me présente une réponse dont le style personnalisé est de fort mauvais foût. Je me serais certes attendu à mieux de la part d’un militant qui, lui-même, a régulièrement dénoncé en ma présence ce que j’appellerais « l’étiquetage du militant ». Dans un manque flagrant d’originalité, la lettre de Tony met l’accent sur ma feuille de route personnelle, plus particulièrement le fait que j’aie commis le sacrilège de me présenter aux dernières élections provinciales sous la bannière de l’UFP, dans le comté de Beauce-Nord. Dans mon hésitation à occuper le terrain miné de la politique partisanne et électorale, je prenais en considérations le fait que je m’exposais à des insinuations sur ma valeur réel comme militant. Je me doutais que je perdrais ma personne propre et serais réduit au « gars de l’UFP » aussitôt que l’occasion se présenterait, ce qui est le cas aujourd’hui. En inscrivant « candidat de l’UFP », Tony savait sans doute très bien qu’il s’agit d’une tactique rhétorique qui remonte avant Cicéron. Cette allusion est pourtant faite de la même farine qu’il m’accuse d’avoir utilisé dans mes commentaires. Rappelons que dans son texte, l’auteur me reprochait d’avoir fait usage « de la démagogie, de la calomnie et des préjugés ». Dans sa conclusion, il ne se prive toutefois pas d’insinuer que je souffrirais d’une sorte de schizophrénie du militant : je serais un radical-man en privé, mais j’aurais un discours tout autre sur le net. On repassera donc pour la cohérence : encore une fois, mes commentaires animent des vierges offensées qui utilisent la même artillerie qu’eux-mêmes déplorent. Que vient faire un tel étiquetage dans ce débat ? Comment réagirait Tony si je lui adressais une lettre en l’accolant personnellement d’un titre du genre « black blockeux professionnel » ? Poser la question, c’est y répondre : je serais accusé d’utiliser des propos démagogues, calomnieux et remplis de préjugés. Passons toutefois là-dessus, puisque le fond mérite plus de réflexion. Avant d’aborder l’argumentaire de Tony, terminons toutefois en tirant une conclusion évidente : il est d’une grande sagesse sur le CMAQ de faire usage de pseudonymes afin d’éviter la personnalisation des attaques. Je préférerai toutefois continuer à assumer mes écrits. OMC 10, militantEs 0 : mes commentaires dans leur contexte Un peu de contexte, donc. Me trouvant à Québec, j’apprends que « des centaines » de personnes se font arrêter, la plupart d’entre elles dans la zone verte. J’active donc mes réseaux personnels pour que soient donnés des appuis politiques aux manifestantEs et que soit vertement dénoncée l’attitude policière (éléments de mon action que Tony passe sous silence et c’est pour reprendre ses termes, soit une grave ignorance, soit de l’hypocrisie). Bien impuissant, à distance, je m’informe comme je peux et fais mes commentaires sur le CMAQ. Tony reprend certains passages de mes commentaires sans tenter de voir à quoi ils réagissaient. Le premier texte auquel j’ai réagi s’intitule « Casser de la vitre, le seul moyen de se faire entendre ». Presque tout le monde sera d’accord avec moi pour dénoncer une telle affirmation, au premier titre ceux qui mènent leurs actions sous la bannière de la DIVERSITÉ des tactiques. En partant d’un constat évident (la seule tactique qui a été visible pour la population, c’est celle de la destruction physique des symboles matériels du capitalisme), je ne crois pas être exagéré de réagir fortement à ce texte. L’ami Tony reprend donc cinq commentaires que j’ai fait : La casse est presque uniquement le fait de mâles bourrés de testostérone Je défendrais n’importe quand cette affirmation. Par casse, on s’entend, c’est de s’en prendre à de la propriété privée illégitime comme tactique d’action politique. Rien à voir donc avec de l’auto-défense dans une manifestation suite à une attaque policière. Quiconque a déjà participé à des manifs d’action directe – volontairement ou involontairement – sait très bien que les dames se lancent rarement dans le saccage. Quelques filles le font, bien sûr, ce qui n’enlève pas le caractère mâle de cette action légitime mais incommunicable, mais ce ne sont que les exceptions qui confirment la règle générale. Suis-je essentialiste en faisant ce commentaire comme Tony l’affirme? Je ne crois pas. Bien au contraire, la destruction physique est une réaction culturellement ancrée chez les mâles. Ce que je vois partout dans notre société, c’est un message clair aux boys : t’es pas content ? Fesse dans le tas ! Dans de nombreuses manifestations, j’ai vu des filles prendre tout leur petit change pour passer des commentaires aux principaux intéressés sur le caractère contre-productif de leur casse. Résultat bien fréquent : elle se font envoyer chier et menacer physiquement ou, plus carrément, se font accuser de ne pas être des vraies. Je ne dis pas, bien sûr, que c’est un phénomène généralisable, mais force est de constater que la casse est souvent machiste et qu’elle amène une action sur un terrain où les mâles se sentent dans leur élément. À une action d’intimidation policière, on réplique par une autre forme d’intimidation ? Les casseurs retournent pour la plupart chez eux et ont des stratégies plutôt activistes Encore une fois, gare aux généralisations ! Notons toutefois que tous ceux et celles qui se sont brassé le camarade au Sommet des Amis Riches n’ont pas nécessairement brillé par leur présence lorsqu’est venu le temps de faire de l’éducation populaire sur le sujet de la ZLÉA. Très peu d’action populaire, donc, en vue d’élargir notre base d’appuis populaires et de faire comprendre le sens de notre action. Si tous ces gens avaient investi des groupes grand public au lieu de prendre le chemin des catacombes et des micro-organisations (c’est leur choix), on aurait un surplus de militantEs pour produire du matériel d’information, le diffuser, articuler la résistance et organiser d’autres types d’action que la simple action directe confrontationnelle dans laquelle peu de gens sont à l’aise. C’est une vision par définition tronquée de la réalité que je présente là, bien sûr, et non pas de l’hypocrisie comme Tony le sous-entend dans son texte. J’ose croire que j’ai tort et qu’une part importante des groupes d’action directe ont d’autres stratégies à long terme. Une fois la sensation passée, j’ai toujours eu le malheur de constater que ce sont les groupes qualifiés de réformistes ou de collabos, que ce soit le mouvement étudiant institutionnalisé, les syndicalistes modérés, des ONG de coopération internationale et, de manière générale, les réseaux plus formels, qui poursuivent et donnent des suite à l’événement. Ce phénomène a été directement observable à plusieurs reprises, notamment au Sommet du Québec et de la Jeunesse, avec le Sommet de Québec ou dans les mobilisations contre l’invasion de l’Irak. Règle générale, les groupes axés sur la confrontation sont malheureusement occupés à passer en cour judiciaire et à se remettre des émotions. « «L’autre gauche » est souvent accusée de récupérer la lutte à son profit alors qu’elle ne fait souvent qu’occuper un espace laissé vacant. En général, ce sont toutefois d’autres réseaux qui préparent le terrain avant un événement et qui font le suivi. Ceux qui aiment l’action identifient le prochain moment fort et réorientent leur lutte en fonction de leurs priorités. C’est cet activisme que je déplore malheureusement. L’ami Tony fait exception à la règle, mais la critique me semble néanmoins valable et ne peut être écartée du revers de la main, sinon comment expliquer les exemples que je mentionne plus haut ? Pas besoin d’un sommet pour faire de la casse et les brasseurs n’assument généralement pas leurs gestes en se cachant dans des foules Pourquoi ai-je fait une telle affirmation ? Puisque je ne donne pas un appui inconditionnel à la casse, Tony semble croire que je ne comprends pas le sens de la destruction de verre ou de tôle lors du mini-Sommet. Ce qui m’a fait réagir dans les textes que j’ai lu, c’est une absence complète d’auto-critique et de reconnaissance des limites que pose une telle action (ex : le texte La casse est la seule façon de se faire entendre). Surtout, c’est le je-m’en-foutisme exprimé clairement dans trois textes quant aux conséquences juridiques, médiatiques et politiques de tels gestes. Je n’ai pas non plus vu la reconnaissance du fait qu’il peut sembler contradictoire de profiter de ces événements pour casser du verre et de ne pas faire de destruction matérielle à l’année longue. Tony répond un peu facilement que la journée de lundi était une journée d’action directe et que les arrestations étaient à prévoir. On ne peut pas partir de l’idée que tout le monde qui veut manifester contre l’OMC en faisant de l’action directe est prêt à risquer l’arrestation. Ce que j’ai appris de l’action de lundi, c’est que bien des manifestantEs sont partis de la snake march dissoute pour aller se « réfugier » dans la zone verte. Un tel geste me semble indéfendable, il relève davantage d’une stratégie policière de criminalisation que d’une action réfléchie. Dans les trois textes que j’ai lu, je n’ai senti aucune volonté d’effectuer une auto-critique et un bilan sérieux des conséquences de la casse. J’ai eu beau ne pas condamner le geste et exprimer ma compréhension du discours classique légitimant cette action, j’ai été incapable de faire passer mon message puisque mon positionnement personnel n’est pas monolithique : mon opinion n’est pas une dénonciation, bien sûr, mais ce n’est pas un chèque en blanc non plus. Tous ceux qui cassent devraient savoir qu’une éthique et une cohérence minimales sont nécessaires dans tout ça. La stratégie/tactique de l’action directe confrontationnelle comporte de fortes limites pour le mouvement altermondialiste Voilà le point le plus sérieux du débat. Un commentaire préliminaire s’impose d’abord sur la différence entre une stratégie et une tactique. Pour simplifier, une stratégie est un plan d’ensemble, c’est le portrait global de la voie à emprunter pour arriver à un but précis. La tactique a un sens plus réduit et instrumental : c’est l’ensemble des moyens concrets qui nous mènent peu à peu à destination. Idéalement, une relation de cohérence doit être établie entre stratégie et tactique, les deux se construisant mutuellement et pouvant contribuer à remettre en question notre but final. Au cours de cette semaine, l’appellation « diversité des tactiques » a encore une fois rallié un peu tout le monde. Quelle était toutefois la stratégie globale ? Réussir un shot down est une chose. Voir à long terme de quelle façon on va réussir à faire dérailler l’OMC suppose toutefois une réflexion stratégique un peu plus poussée. Ça suppose une compréhension des préjugés qu’a la population, ça suppose de construire la légitimité de notre cause, ça suppose un appui populaire massif (je ne dis pas majoritaire, contrairement à ce que Tony croit), ça suppose surtout peut-être des alternatives viables et claires au système que l’on dénonce. De ce que j’en comprends, la stratégie dans laquelle cette « diversité de tactiques » s’inscrivait ressemblerait un peu à faire de l’action directe confrontationnelle avec les forces de l’ordre et les représentants globalisés du capitalisme. Pour que cette stratégie fonctionnelle, elle suppose des affrontements lors de tous les événements de l’OMC et ses avatars tels que la ZLÉA, finalement la réédition de Seattle. Je diverge de cette stratégie parce qu’elle présuppose un appui massif au sein de la population et, à mon sens, un tel appui reste encore à construire. Les limites à cette stratégie sont nombreuses et devraient selon moi être reconnues comme point de départ de notre action, sinon on embarque dans une spirale un peu stérile. Ce que j’ai senti cette semaine, c’est un décrochage. À discuter avec M. et Mme tout le monde, à jaser avec des militantEs modéré, j’ai senti que cette fois-là, au contraire du Sommet des Amis Riches, le message ne passait pas mais vraiment pas du tout. Les appuis fondamentaux à notre lutte se sont amenuisés puisque, encore un fois, certains groupes se sont littéralement foutu de la couverture médiatique, ils ont fait comme si le quatrième pouvoir n’existait pas. Ne pas centrer notre stratégie sur les médias capitaliste, c’est une chose. Les médias, c’est risqué, ça travestit notre message. Faire comme si les médias n’existaient pas, c’est une chose. Il est toutefois incohérent d’entre les mêmes gens affirmer à la fois « les médias, on s’en fout » et « c’est la casse qui nous fait passer notre message ». Justifier après coup la casse en disant que c’est grâce à elle que le message passe, c’est un peu fort je crois. Dénoncer les médias sous prétexte qu’ils sont sensationnalistes devient par la suite incohérent puisqu’on nourrit ce goût de la sensation. Outre la marche de dimanche, les actions de cette semaine étaient, me semble-t-il, directement centrées sur la police plutôt que sur la population. La police bafoue nos droits, j’espère ne pas avoir à faire de preuve là-dessus, mais la prendre comme « média » dans nos actions est une grave erreur tactique. J’ai senti avec les snake-march une volonté d’en découdre avec eux, comme s’ils étaient des décideurs et non pas le bras armé du capital. Une meilleure tactique aurait été d’attendre que le premier coup vienne d’eux. La police n’a pas eu à porter l’odieu du blâme d’avoir attaqué la marche, puisque la casse leur a donné un prétexte bien utile. Pour la suite des choses Je renvoierais donc la balle à tous ceux et celles qui considèrent cette semaine comme réussie. Mon bilan rapide va dans le sens contraire puisque toutes les actions, depuis lundi, en passant par les réactions hystériques en cour, ont contribué à nous présenter comme l’OMC veut bien nous présenter : des crinquéEs sans grande réflexion qui cassent parce qu’ils ne veulent pas avoir à frotter leurs opinions à ceux de la majorité. Les budgets de sécurité ont été justifiés, tout comme le dispositif répressif qui empêchait des manifestations près du Sheraton. La criminalisation de l’opposition s’accélère et certains y voient une simple clarification d’une tendance déjà à l’œuvre. L’OMC a réussi à se présenter, aux yeux du public, comme l’organisation qui veut développer l’Afrique et donner accès à des médicaments génériques contre le sida. Une grande partie des organisateurs et participantEs se retrouvent face à la justice et vont investir une part non négligeable de leurs énergies à tenter de politiser des procès politiques dont un seul icône ne ressortira. J’appelle donc les gens à s’exprimer sur la question et à amorcer une réflexion calme et constructive sur la question de la diversité des tactiques et des stratégies, surtout de l’articulation entre stratégie et tactique. Comment assurer la diversité alors que seul l’image de la casse revient sans cesse pour discréditer le mouvement et le présenter comme peu articulé ? Veut-on continuer en groupe dans le sens d’un isolement accru des groupes d’action directe face à l’ensemble du mouvement altermondialiste et face à l’ensemble de la population ou, au contraire, est-on prêt à faire le pari de l’ouverture et du contact direct avec la population ? La casse lors du mini-sommet de l’OMC Lors des événements entourant le sommet de l’OMC, j’ai eu pour la première fois l’occasion de me trouver loin de l’action pendant un grand événement international qui se déroulait près de chez nous. Après avoir participé à la manifestation « Personne n’est illégal » de dimanche, je me suis retrouvé au boulot, à Québec, pour le reste de la semaine. À distance, j’ai tenté de me faire une idée exacte sur ce qui se passait vraiment au centre-ville de Montréal à partir des informations transmises par le CMAQ, Rock the WTO ou encore les médias mainstream qui relayaient le discours officiel. Au cours de ces journées, j’ai affiché des commentaires très durs sur le CMAQ, en réaction à des textes qui présentaient les actions directes comme de francs succès, en l’absence totale d’auto-critique. Mes critiques au déroulement des actions ont semé la colère chez Tony qui, c’est son droit, a répliqué par une attaque pas trop réglo à mon égard. Quand on veut tuer son chier, on dit qu’il est ufpiste Je n’ai bien sûr aucun problème à assumer mes écrits, nous y reviendrons plus loin. Ce qui me fait bucker, aujourd’hui, c’est plutôt de voir que l’ami Tony, bien qu’il ait écrit un texte très argumenté, me présente une réponse dont le style personnalisé est de fort mauvais foût. Je me serais certes attendu à mieux de la part d’un militant qui, lui-même, a régulièrement dénoncé en ma présence ce que j’appellerais « l’étiquetage du militant ». Dans un manque flagrant d’originalité, la lettre de Tony met l’accent sur ma feuille de route personnelle, plus particulièrement le fait que j’aie commis le sacrilège de me présenter aux dernières élections provinciales sous la bannière de l’UFP, dans le comté de Beauce-Nord. Dans mon hésitation à occuper le terrain miné de la politique partisanne et électorale, je prenais en considérations le fait que je m’exposais à des insinuations sur ma valeur réel comme militant. Je me doutais que je perdrais ma personne propre et serais réduit au « gars de l’UFP » aussitôt que l’occasion se présenterait, ce qui est le cas aujourd’hui. En inscrivant « candidat de l’UFP », Tony savait sans doute très bien qu’il s’agit d’une tactique rhétorique qui remonte avant Cicéron. Cette allusion est pourtant faite de la même farine qu’il m’accuse d’avoir utilisé dans mes commentaires. Rappelons que dans son texte, l’auteur me reprochait d’avoir fait usage « de la démagogie, de la calomnie et des préjugés ». Dans sa conclusion, il ne se prive toutefois pas d’insinuer que je souffrirais d’une sorte de schizophrénie du militant : je serais un radical-man en privé, mais j’aurais un discours tout autre sur le net. On repassera donc pour la cohérence : encore une fois, mes commentaires animent des vierges offensées qui utilisent la même artillerie qu’eux-mêmes déplorent. Que vient faire un tel étiquetage dans ce débat ? Comment réagirait Tony si je lui adressais une lettre en l’accolant personnellement d’un titre du genre « black blockeux professionnel » ? Poser la question, c’est y répondre : je serais accusé d’utiliser des propos démagogues, calomnieux et remplis de préjugés. Passons toutefois là-dessus, puisque le fond mérite plus de réflexion. Avant d’aborder l’argumentaire de Tony, terminons toutefois en tirant une conclusion évidente : il est d’une grande sagesse sur le CMAQ de faire usage de pseudonymes afin d’éviter la personnalisation des attaques. Je préférerai toutefois continuer à assumer mes écrits. OMC 10, militantEs 0 : mes commentaires dans leur contexte Un peu de contexte, donc. Me trouvant à Québec, j’apprends que « des centaines » de personnes se font arrêter, la plupart d’entre elles dans la zone verte. J’active donc mes réseaux personnels pour que soient donnés des appuis politiques aux manifestantEs et que soit vertement dénoncée l’attitude policière (éléments de mon action que Tony passe sous silence et c’est pour reprendre ses termes, soit une grave ignorance, soit de l’hypocrisie). Bien impuissant, à distance, je m’informe comme je peux et fais mes commentaires sur le CMAQ. Tony reprend certains passages de mes commentaires sans tenter de voir à quoi ils réagissaient. Le premier texte auquel j’ai réagi s’intitule « Casser de la vitre, le seul moyen de se faire entendre ». Presque tout le monde sera d’accord avec moi pour dénoncer une telle affirmation, au premier titre ceux qui mènent leurs actions sous la bannière de la DIVERSITÉ des tactiques. En partant d’un constat évident (la seule tactique qui a été visible pour la population, c’est celle de la destruction physique des symboles matériels du capitalisme), je ne crois pas être exagéré de réagir fortement à ce texte. L’ami Tony reprend donc cinq commentaires que j’ai fait : La casse est presque uniquement le fait de mâles bourrés de testostérone Je défendrais n’importe quand cette affirmation. Par casse, on s’entend, c’est de s’en prendre à de la propriété privée illégitime comme tactique d’action politique. Rien à voir donc avec de l’auto-défense dans une manifestation suite à une attaque policière. Quiconque a déjà participé à des manifs d’action directe – volontairement ou involontairement – sait très bien que les dames se lancent rarement dans le saccage. Quelques filles le font, bien sûr, ce qui n’enlève pas le caractère mâle de cette action légitime mais incommunicable, mais ce ne sont que les exceptions qui confirment la règle générale. Suis-je essentialiste en faisant ce commentaire comme Tony l’affirme? Je ne crois pas. Bien au contraire, la destruction physique est une réaction culturellement ancrée chez les mâles. Ce que je vois partout dans notre société, c’est un message clair aux boys : t’es pas content ? Fesse dans le tas ! Dans de nombreuses manifestations, j’ai vu des filles prendre tout leur petit change pour passer des commentaires aux principaux intéressés sur le caractère contre-productif de leur casse. Résultat bien fréquent : elle se font envoyer chier et menacer physiquement ou, plus carrément, se font accuser de ne pas être des vraies. Je ne dis pas, bien sûr, que c’est un phénomène généralisable, mais force est de constater que la casse est souvent machiste et qu’elle amène une action sur un terrain où les mâles se sentent dans leur élément. À une action d’intimidation policière, on réplique par une autre forme d’intimidation ? Les casseurs retournent pour la plupart chez eux et ont des stratégies plutôt activistes Encore une fois, gare aux généralisations ! Notons toutefois que tous ceux et celles qui se sont brassé le camarade au Sommet des Amis Riches n’ont pas nécessairement brillé par leur présence lorsqu’est venu le temps de faire de l’éducation populaire sur le sujet de la ZLÉA. Très peu d’action populaire, donc, en vue d’élargir notre base d’appuis populaires et de faire comprendre le sens de notre action. Si tous ces gens avaient investi des groupes grand public au lieu de prendre le chemin des catacombes et des micro-organisations (c’est leur choix), on aurait un surplus de militantEs pour produire du matériel d’information, le diffuser, articuler la résistance et organiser d’autres types d’action que la simple action directe confrontationnelle dans laquelle peu de gens sont à l’aise. C’est une vision par définition tronquée de la réalité que je présente là, bien sûr, et non pas de l’hypocrisie comme Tony le sous-entend dans son texte. J’ose croire que j’ai tort et qu’une part importante des groupes d’action directe ont d’autres stratégies à long terme. Une fois la sensation passée, j’ai toujours eu le malheur de constater que ce sont les groupes qualifiés de réformistes ou de collabos, que ce soit le mouvement étudiant institutionnalisé, les syndicalistes modérés, des ONG de coopération internationale et, de manière générale, les réseaux plus formels, qui poursuivent et donnent des suite à l’événement. Ce phénomène a été directement observable à plusieurs reprises, notamment au Sommet du Québec et de la Jeunesse, avec le Sommet de Québec ou dans les mobilisations contre l’invasion de l’Irak. Règle générale, les groupes axés sur la confrontation sont malheureusement occupés à passer en cour judiciaire et à se remettre des émotions. « «L’autre gauche » est souvent accusée de récupérer la lutte à son profit alors qu’elle ne fait souvent qu’occuper un espace laissé vacant. En général, ce sont toutefois d’autres réseaux qui préparent le terrain avant un événement et qui font le suivi. Ceux qui aiment l’action identifient le prochain moment fort et réorientent leur lutte en fonction de leurs priorités. C’est cet activisme que je déplore malheureusement. L’ami Tony fait exception à la règle, mais la critique me semble néanmoins valable et ne peut être écartée du revers de la main, sinon comment expliquer les exemples que je mentionne plus haut ? Pas besoin d’un sommet pour faire de la casse et les brasseurs n’assument généralement pas leurs gestes en se cachant dans des foules Pourquoi ai-je fait une telle affirmation ? Puisque je ne donne pas un appui inconditionnel à la casse, Tony semble croire que je ne comprends pas le sens de la destruction de verre ou de tôle lors du mini-Sommet. Ce qui m’a fait réagir dans les textes que j’ai lu, c’est une absence complète d’auto-critique et de reconnaissance des limites que pose une telle action (ex : le texte La casse est la seule façon de se faire entendre). Surtout, c’est le je-m’en-foutisme exprimé clairement dans trois textes quant aux conséquences juridiques, médiatiques et politiques de tels gestes. Je n’ai pas non plus vu la reconnaissance du fait qu’il peut sembler contradictoire de profiter de ces événements pour casser du verre et de ne pas faire de destruction matérielle à l’année longue. Tony répond un peu facilement que la journée de lundi était une journée d’action directe et que les arrestations étaient à prévoir. On ne peut pas partir de l’idée que tout le monde qui veut manifester contre l’OMC en faisant de l’action directe est prêt à risquer l’arrestation. Ce que j’ai appris de l’action de lundi, c’est que bien des manifestantEs sont partis de la snake march dissoute pour aller se « réfugier » dans la zone verte. Un tel geste me semble indéfendable, il relève davantage d’une stratégie policière de criminalisation que d’une action réfléchie. Dans les trois textes que j’ai lu, je n’ai senti aucune volonté d’effectuer une auto-critique et un bilan sérieux des conséquences de la casse. J’ai eu beau ne pas condamner le geste et exprimer ma compréhension du discours classique légitimant cette action, j’ai été incapable de faire passer mon message puisque mon positionnement personnel n’est pas monolithique : mon opinion n’est pas une dénonciation, bien sûr, mais ce n’est pas un chèque en blanc non plus. Tous ceux qui cassent devraient savoir qu’une éthique et une cohérence minimales sont nécessaires dans tout ça. La stratégie/tactique de l’action directe confrontationnelle comporte de fortes limites pour le mouvement altermondialiste Voilà le point le plus sérieux du débat. Un commentaire préliminaire s’impose d’abord sur la différence entre une stratégie et une tactique. Pour simplifier, une stratégie est un plan d’ensemble, c’est le portrait global de la voie à emprunter pour arriver à un but précis. La tactique a un sens plus réduit et instrumental : c’est l’ensemble des moyens concrets qui nous mènent peu à peu à destination. Idéalement, une relation de cohérence doit être établie entre stratégie et tactique, les deux se construisant mutuellement et pouvant contribuer à remettre en question notre but final. Au cours de cette semaine, l’appellation « diversité des tactiques » a encore une fois rallié un peu tout le monde. Quelle était toutefois la stratégie globale ? Réussir un shot down est une chose. Voir à long terme de quelle façon on va réussir à faire dérailler l’OMC suppose toutefois une réflexion stratégique un peu plus poussée. Ça suppose une compréhension des préjugés qu’a la population, ça suppose de construire la légitimité de notre cause, ça suppose un appui populaire massif (je ne dis pas majoritaire, contrairement à ce que Tony croit), ça suppose surtout peut-être des alternatives viables et claires au système que l’on dénonce. De ce que j’en comprends, la stratégie dans laquelle cette « diversité de tactiques » s’inscrivait ressemblerait un peu à faire de l’action directe confrontationnelle avec les forces de l’ordre et les représentants globalisés du capitalisme. Pour que cette stratégie fonctionnelle, elle suppose des affrontements lors de tous les événements de l’OMC et ses avatars tels que la ZLÉA, finalement la réédition de Seattle. Je diverge de cette stratégie parce qu’elle présuppose un appui massif au sein de la population et, à mon sens, un tel appui reste encore à construire. Les limites à cette stratégie sont nombreuses et devraient selon moi être reconnues comme point de départ de notre action, sinon on embarque dans une spirale un peu stérile. Ce que j’ai senti cette semaine, c’est un décrochage. À discuter avec M. et Mme tout le monde, à jaser avec des militantEs modéré, j’ai senti que cette fois-là, au contraire du Sommet des Amis Riches, le message ne passait pas mais vraiment pas du tout. Les appuis fondamentaux à notre lutte se sont amenuisés puisque, encore un fois, certains groupes se sont littéralement foutu de la couverture médiatique, ils ont fait comme si le quatrième pouvoir n’existait pas. Ne pas centrer notre stratégie sur les médias capitaliste, c’est une chose. Les médias, c’est risqué, ça travestit notre message. Faire comme si les médias n’existaient pas, c’est une chose. Il est toutefois incohérent d’entre les mêmes gens affirmer à la fois « les médias, on s’en fout » et « c’est la casse qui nous fait passer notre message ». Justifier après coup la casse en disant que c’est grâce à elle que le message passe, c’est un peu fort je crois. Dénoncer les médias sous prétexte qu’ils sont sensationnalistes devient par la suite incohérent puisqu’on nourrit ce goût de la sensation. Outre la marche de dimanche, les actions de cette semaine étaient, me semble-t-il, directement centrées sur la police plutôt que sur la population. La police bafoue nos droits, j’espère ne pas avoir à faire de preuve là-dessus, mais la prendre comme « média » dans nos actions est une grave erreur tactique. J’ai senti avec les snake-march une volonté d’en découdre avec eux, comme s’ils étaient des décideurs et non pas le bras armé du capital. Une meilleure tactique aurait été d’attendre que le premier coup vienne d’eux. La police n’a pas eu à porter l’odieu du blâme d’avoir attaqué la marche, puisque la casse leur a donné un prétexte bien utile. Pour la suite des choses Je renvoierais donc la balle à tous ceux et celles qui considèrent cette semaine comme réussie. Mon bilan rapide va dans le sens contraire puisque toutes les actions, depuis lundi, en passant par les réactions hystériques en cour, ont contribué à nous présenter comme l’OMC veut bien nous présenter : des crinquéEs sans grande réflexion qui cassent parce qu’ils ne veulent pas avoir à frotter leurs opinions à ceux de la majorité. Les budgets de sécurité ont été justifiés, tout comme le dispositif répressif qui empêchait des manifestations près du Sheraton. La criminalisation de l’opposition s’accélère et certains y voient une simple clarification d’une tendance déjà à l’œuvre. L’OMC a réussi à se présenter, aux yeux du public, comme l’organisation qui veut développer l’Afrique et donner accès à des médicaments génériques contre le sida. Une grande partie des organisateurs et participantEs se retrouvent face à la justice et vont investir une part non négligeable de leurs énergies à tenter de politiser des procès politiques dont un seul icône ne ressortira. J’appelle donc les gens à s’exprimer sur la question et à amorcer une réflexion calme et constructive sur la question de la diversité des tactiques et des stratégies, surtout de l’articulation entre stratégie et tactique. Comment assurer la diversité alors que seul l’image de la casse revient sans cesse pour discréditer le mouvement et le présenter comme peu articulé ? Veut-on continuer en groupe dans le sens d’un isolement accru des groupes d’action directe face à l’ensemble du mouvement altermondialiste et face à l’ensemble de la population ou, au contraire, est-on prêt à faire le pari de l’ouverture et du contact direct avec la population ?
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