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Les animaux sont-ils des personnes ?Anonyme, Jeudi, Juillet 24, 2003 - 18:58
Catherine
Pour Gary Francione, les animaux sont conscients de leur propre existence. Et celle-ci doit être protégée dans tous les cas. Plus de chasse, donc, mais plus d'élevages non plus, ni de zoos, de courses, de cirques. ILS NE LE DISENT PAS, MAIS ILS VEULENT VIVRE Les animaux sont-ils des personnes ? Pour Gary Francione, les animaux sont conscients de leur propre existence. Et celle-ci doit être protégée dans tous les cas. Plus de chasse, donc, mais plus d'élevages non plus, ni de zoos, de courses, de cirques. De nombreuses personnes estiment que les animaux n'ont absolument aucun droit. Récusant l'idée qu'ils puissent être doués de raison ou de conscience, Kant pensait que les animaux étaient des "instruments" méritant la protection des hommes au seul bénéfice des relations humaines. Jeremy Bentham [philosophe britannique (1748-1832), l'un des pères de l'utilitarisme] avait une approche différente. "Le jour viendra peut-être où le reste de la création animale obtiendra ces droits que seule la main de la tyrannie a pu lui refuser. Les Français ont déjà découvert que la couleur de la peau ne justifie en rien l'abandon sans recours d'un être humain aux caprices de son bourreau... Un cheval ou un chien adulte sont, indéniablement, des animaux bien plus rationnels, mais aussi bien plus loquaces qu'un nourrisson d'un jour, d'une semaine ou même d'un mois. Et, s'il en était autrement, qu'est-ce que cela changerait ? La question n'est pas : peuvent-ils penser, ni peuvent-ils parler, mais : peuvent-ils souffrir ?" Les défenseurs de la cause animale se divisent en deux courants. Certains insistent sur la protection du bien-être des animaux, d'autres défendent les droits de l'animal. Les premiers militent pour la création de lois destinées à interdire toute cruauté envers les animaux et à leur offrir des traitements plus humains. Les champions des droits de l'animal, eux, s'opposent à toute forme d'"exploitation" des animaux par les hommes. Ils s'appuient sur le principe kantien qui veut que les êtres humains soient traités comme des fins et non comme des moyens, et ils transposent cette idée aux animaux afin de remettre en cause un grand éventail de pratiques, soit l'utilisation des animaux dans les rodéos, les cirques, les zoos, l'agriculture, la chasse et même les expériences scientifiques. L'Américain Gary Francione, avocat et professeur de droit, a consacré une grande partie de sa carrière à la protection des animaux. Il défend non seulement leur bien-être, mais également leurs droits. Sa lutte vise principalement à empêcher toute souffrance animale inutile. De nombreux défenseurs des droits de l'animal s'appuient sur les capacités cognitives des animaux pour étayer leurs thèses - en rappelant, par exemple, que les chimpanzés peuvent apprendre le langage des signes, ou en démontrant l'intelligence des chiens et des chevaux. Francione considère la preuve cognitive comme très intéressante, mais inutile, voire déplacée. D'après lui, seule la capacité de souffrance est importante. Le problème ne réside pas dans nos engagements moraux, précise-t-il, mais dans nos actes. Francione est convaincu que nos agissements envers les animaux sont en complète inadéquation avec nos convictions. Son propos est de montrer à quel point nos mentalités actuelles doivent changer pour simplement empêcher ces souffrances inutiles auxquelles nous prétendons nous opposer. Nous ne devrions jamais "infliger des souffrances à des animaux pour notre seul plaisir, notre divertissement ou des raisons pratiques", c'est-à-dire que nous ne devrions pas chasser les animaux, les tuer pour leur fourrure ou leur cuir, ni les manger. Francione est également hostile à l'utilisation et à l'exploitation animales, non seulement dans les rodéos, mais aussi dans les cirques, les carnavals, les courses et les zoos. C'est pourtant, selon lui, l'agriculture, c'est-à-dire l'utilisation des animaux à des fins alimentaires, qui représente la plus grande source de violence. Sur les 8 milliards d'animaux tués pour leur viande chaque année, une grande partie naît dans des "fermes usines" où "les animaux sont élevés dans les espaces les plus petits possibles avec les moyens les moins onéreux". Rien de tout cela ne serait nécessaire. Invoquant les recommandations du ministère de l'Agriculture et de l'Association américaine de diététique, Francione prône "un régime entièrement végétarien, associé à des compléments de vitamine B12", régime largement suffisant pour assurer une excellente santé aux êtres humains. Quand il s'agit de nourriture, le conflit entre les intérêts des animaux et ceux des hommes n'a pas lieu d'être. La souffrance animale pourrait ainsi être évitée sans compromettre gravement les intérêts humains. Si Francione accorde quelque crédit à l'opinion répandue selon laquelle la recherche scientifique sur des animaux apportent des bénéfices indispensables aux êtres humains, il conclut que de sérieux problèmes existent malgré tout. Entre autres arguments, il avance que "l'utilisation des animaux dans la recherche biochimique n'est ni plus cruelle, ni plus aliénante, ni moins industrielle que l'agriculture intensive ou l'exploitation des animaux sauvages". Les chercheurs ne font aucun effort pour réduire les tourments et les souffrances infligés aux animaux, soutient-il. Bien sûr, de nombreuses lois motivées par le bien-être des animaux tendent à bannir toute cruauté à leur égard. Certaines sont même très fermes. Francione ne l'ignore pas, mais ces lois n'ont pourtant aucun intérêt à ses yeux. Certains domaines, tels l'abattage des animaux à des fins alimentaires, la chasse ou les expériences scientifiques, sont en effet explicitement au-dessus des lois, et ce malgré de nombreux abus. Les tribunaux interprètent en outre les textes de manière restrictive, en accordant le bénéfice du doute à l'accusé chaque fois qu'un être humain est soupçonné d'avoir traité un animal avec cruauté. Pis, ces lois sont rarement mises en application, car seuls les procureurs publics peuvent les faire appliquer ; or leurs budgets sont serrés et ils rechignent à mettre leurs maigres moyens au service de la protection des animaux. Puisque les gens ordinaires ne peuvent intenter un procès pour protéger les animaux, et que ceux-ci n'ont pas droit à une représentation légale, l'application de ces lois est au mieux rarissime. C'est un point central. Si l'on autorisait les êtres humains à faire des procès au nom des animaux, les lois existantes auraient plus de poids qu'aujourd'hui. Les arguments de Francione deviennent là plus ambitieux. Selon lui, "l'échec de la justice en matière de bien-être animal n'est pas surprenant. Si l'animal est une propriété, peut-il être considéré autrement que comme un produit de consommation ? Comment alors mesurer ou évaluer les intérêts d'un animal au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer une efficacité maximale de ce pour quoi il est exploité ?" A l'idée selon laquelle les animaux sont des possessions Francione voudrait substituer un "principe de respect égalitaire [equal consideration] ". Non pas que "les animaux doivent être traités comme les humains", ou que nous devions "abandonner l'idée que, dans les situations d'extrême urgence ou de conflit, quand la nécessité l'impose, les intérêts humains passent avant ceux des animaux". Les animaux ne peuvent simplement pas être traités comme de simples "objets". Au même titre que les êtres humains, ils possèdent une valeur intrinsèque. Francione va encore plus loin en affirmant que le principe de respect égalitaire signifie que les animaux doivent être considérés comme des "personnes". Bien entendu, il ne va pas jusqu'à dire que les animaux doivent être assujettis à la loi, ou "qu'il faille leur accorder le droit de vote, le droit de passer le permis de conduire ou de posséder un bien immobilier, ou encore d'aller à l'université... Mais, de même que nous pensons que les humains ne doivent pas être exploités comme esclaves ou être la propriété de quiconque, les animaux ne devraient pas souffrir de l'exploitation à des fins personnelles." C'est ici que Francione s'engage sur le terrain du combat des droits de l'animal et non plus simplement de son bien-être. Selon Jeremy Bentham, tant que les êtres humains minimisent la souffrance animale, il est acceptable de tuer les animaux et de les manger. N'étant pas conscients, ils ne savent pas qu'ils vont mourir et être mangés : ils n'en souffrent donc pas. Le célèbre philosophe utilitariste (et partisan du bien-être des animaux) Peter Singer se situe dans la continuité de Bentham. Il ne nie pas que les animaux doivent être protégés des mauvais traitements, mais il pense également que la plupart d'entre eux sont dénués de conscience et de désirs et ne se projettent pas dans le long terme. Ce qui est important, pense-t-il, ce sont leurs souffrances et leurs plaisirs, pas la continuation de leur existence. D'après les conclusions de Singer, il est acceptable d'un point de vue éthique de manger des animaux à condition que ces derniers "aient une existence plaisante dans un groupe social adapté à leurs besoins naturels et qu'ils soient ensuite tués rapidement et sans douleur". Francione conteste avec virulence ce point de vue. Selon lui, les animaux sont très sensibles à ce qui leur arrive, ils sont conscients de leur individualité et, en vertu de cette sensibilité, ils ont un certain "intérêt" à continuer à vivre. Le principe de respect égalitaire cherche ainsi à dépasser le cadre utilitariste. Francione pense que les animaux ne doivent pas être utilisés pour le seul bénéfice des humains, même si ces gains peuvent être considérables. Pour lui, tout comme les hommes, les animaux doivent avoir des droits qui opèrent comme des "garde-fous" contre d'autres intérêts. Le droit d'être traité comme une fin et non comme un moyen devrait leur garantir de ne pas être exploités, même si les conséquences de cette exploitation peuvent présenter divers avantages. Si nous condamnons l'esclavage humain, en toute logique, il nous faudrait condamner son équivalent animal. Francione passe trop vite sur ce point. Les enfants ne sont certainement pas des esclaves et ils n'appartiennent à personne ; or les adultes ont le droit légal et moral, dans une certaine limite, de restreindre leurs choix. Si aucun homme n'a de droits équivalents sur autrui, c'est que le libre arbitre est essentiel au bien-être conscient des adultes. Bien sûr, les animaux devraient pouvoir faire certains choix. Mais ce libre arbitre - où aller, que faire, quand et quoi manger - est-il tellement essentiel au bien-être conscient des lévriers, des chevaux et des chats ? C'est moins évident. Il est sage d'autoriser les êtres humains à empêcher ces animaux de faire des choix qui pourraient mettre en danger leur propre bien-être. Mais cela ne signifie pas non plus qu'ils peuvent contrôler le comportement des animaux à leur guise. Nous devons limiter leurs souffrances, mais aussi leur offrir des vies décentes ; c'est-à-dire, dans la majorité des cas, les laisser en paix. L'obligation de les considérer comme des fins, et non comme des objets, n'implique pas nécessairement d'offrir une liberté de choix illimitée à tous les animaux. Cass R. Sunstein Courrier International
Comité d'actions pour les animaux
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