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La réforme des institutions démocratiques: l'éléphant accouchera-t-il d'une souris ?

Anonyme, Jeudi, Juillet 24, 2003 - 06:03

P. Cliche, M. Alexander, P. Dostie

Lors du discours inaugural de la session, le premier ministre Charest a annoncé qu'en plus de réformer le mode de scrutin, conformément aux engagements pris par son parti, son gouvernement présenterait, le printemps prochain, "un projet global de réforme des institutions démocratiques". Les observateurs se sont alors réjouis croyant que les libéraux avaient l'intention de donner suite au chantier entrepris par les États généraux sur la réforme des institutions démocratiques qui a mobilisé les énergies de milliers de citoyens l'automne et l'hiver derniers.
Mais ils ont déchanté lorsque le ministre responsable du dossier, Jacques Dupuis, a précisé dernièrement que ce "projet global de réforme" se limiterait somme toute à une "révision" du mode de scrutin majoritaire auquel on ajouterait des éléments de représentation proportionnelle afin de compenser en partie pour les déficits de représentation souvent substantiels que subissent les partis d'opposition avec le système actuel.
Le ministre a ainsi mis de côté la quasi-totalité des recommandations du rapport présenté en mars par le comité directeur des États généraux présidé par M. Claude Béland, notamment celles qui sont les plus intéressantes d'un point de vue progressiste: élections à date fixe; droit à l'initiative populaire pour la tenue de référendums; adoption d'une constitution québécoise suite à une consultation populaire; établissement de mesures pour assurer une meilleure place aux femmes et aux membres des communautés ethnoculturelles dans les institutions politiques.

Lors du discours inaugural de la session, le premier ministre Charest a annoncé qu'en plus de réformer le mode de scrutin, conformément aux engagements pris par son parti, son gouvernement présenterait, le printemps prochain, "un projet global de réforme des institutions démocratiques". Les observateurs se sont alors réjouis croyant que les libéraux avaient l'intention de donner suite au chantier entrepris par les États généraux sur la réforme des institutions démocratiques qui a mobilisé les énergies de milliers de citoyens l'automne et l'hiver derniers.

Mais ils ont déchanté lorsque le ministre responsable du dossier, Jacques Dupuis, a précisé dernièrement que ce "projet global de réforme" se limiterait somme toute à une "révision" du mode de scrutin majoritaire auquel on ajouterait des éléments de représentation proportionnelle afin de compenser en partie pour les déficits de représentation souvent substantiels que subissent les partis d'opposition avec le système actuel.

Le ministre a ainsi mis de côté la quasi-totalité des recommandations du rapport présenté en mars par le comité directeur des États généraux présidé par M. Claude Béland, notamment celles qui sont les plus intéressantes d'un point de vue progressiste: élections à date fixe; droit à l'initiative populaire pour la tenue de référendums; adoption d'une constitution québécoise suite à une consultation populaire; établissement de mesures pour assurer une meilleure place aux femmes et aux membres des communautés ethnoculturelles dans les institutions politiques.

Une réformette pour jeter de la poudre aux yeux ?

L'intention des libéraux de "réviser" le mode de scrutin, après 30 ans d'atermoiements de toutes sortes, constitue certes une bonne nouvelle en soi. Mais l'usage du vocable "compensatoire" utilisé par le ministre est de mauvais augure. Compenser dans un tel contexte signifie, en effet, apporter des correctifs partiels et parfois simplement cosmétiques aux distorsions de représentation aberrantes engendrées par le scrutin majoritaire actuel.
Les systèmes mixtes, où une majorité de députés continuent à être élus au scrutin majoritaire de façon uninominale alors qu'une minorité de sièges sont pourvus à la proportionnelle, peuvent même contribuent à consolider le bipartisme en rendant moins pénible le séjour dans l'opposition des partis déjà en place au détriment des formations émergentes qui continuent à être aussi pénalisées qu'auparavant. C'est donc dire que les forces sociales soutenant ces dernières ne sont pas plus représentées au Parlement qu'avant la présumée réforme. Le déficit démocratique demeure aussi colossal.
Le principe de la proportionnalité, au contraire, fait référence à l'adéquation la plus fidèle possible entre, d'une part, l'expression de la volonté populaire et, d'autre part, la représentation parlementaire. C'est la forme moderne que prend le vieux principe une personne un vote ou, dit autrement, pour que chaque vote compte. Cet objectif peut être atteint pleinement en adoptant la proportionnelle intégrale où l'ensemble du territoire d'un pays se confond avec une seule circonscription, comme en Hollande où ce modèle semble bien fonctionner. Mais, à cause de raisons socio-politiques et géographiques, nous ne croyons pas que la transposition d'une telle formule ici donnerait des résultats satisfaisants: le Québec est avant tout un pays de régions diversifiées et doté d'un vaste territoire.
Mais entre cet "idéal-type" qu'est la proportionnelle intégrale et l'orientation faiblarde que semble privilégier le ministre Dupuis il existe de nombreuses possibilités. À l'instar du rapport Béland, nous favorisons une proportionnelle de type régional qui donnerait un sens politique réel aux régions. C'est aussi la formule qui avait été recommandée par la Commission de la représentation électorale suite à une consultation populaire puis retenue par le premier ministre Lévesque en 1984 pour préparer son projet de loi qui n'a jamais pu être présenté à l'Assemblée nationale parce qu'il a été bloqué par le caucus des députés péquistes après des débats internes déchirants.
Par ailleurs, le modèle allemand est aussi intéressant. Appelé système mixte à correction complète, une moitié des sièges y seraient comblés localement au scrutin majoritaire comme présentement et l'autre au scrutin proportionnel sur une base régionale. Cette formule aurait l'avantage de conserver le scrutin majoritaire familier aux citoyens; mais il comporterait l'inconvénient de devoir ajouter des siéges parlementaires aux 125 existants pour assurer une véritable proportionnalité.

Que le gouvernement permette un débat public immédiatement

Le ministre Dupuis a déclaré, le 10 juillet dernier lors de l'étude des crédits, qu'il y aurait des consultations informelles durant les prochains mois, notamment auprès des partis politiques. Puis il y aurait, le printemps prochain, présentation d'un projet de loi qui serait étudié en commission parlementaire avant son adoption par l'Assemblée nationale. Cette façon de procéder manque de transparence; elle n'est pas acceptable.
Si le gouvernement veut vraiment consulter avant de mettre au point son projet de loi, en effet, qu'il le fasse publiquement devant une commission parlementaire auxquels auront accès tous les citoyens et groupes qui désirent se faire entendre et non pas lors de tractations en coulisses avec ceux qu'il voudra bien entendre.
Il faut se rappeler à ce sujet que la dissolution de l'Assemblée nationale en vue de la tenue des élections, le 12 mars dernier, a eu comme effet d'envoyer aux oubliettes parlementaires quelques centaines de mémoires sur la réforme du mode de scrutin que des groupes et citoyens ont présenté à la Commission des institutions l'automne dernier. À cause de son opposition à la réforme du mode de scrutin, le leader parlementaire péquiste, l'ex-ministre André Boisclair, qui contrôlait alors l'échéancier des commissions parlementaires, en fait en sorte que cette dernière n'ait pas le temps d'entendre ces mémoires et encore moins de présenter un rapport même si elle s'était saisie de la question 15 mois auparavant. La plus simple décence démocratique voudrait donc que le nouveau gouvernement entende au moins ceux qui ont consacré du temps et de l'énergie, en pure perte jusqu'ici, à lui faire connaître leurs opinions sur la questions s'il estime avoir besoin d'un éclairage supplémentaire avant de faire son lit.

Mais les précisions fournies par M. Dupuis lors de l'étude des crédits budgétaires indiquent, au contraire, que le gouvernement a bel et bien fait son lit et qu'il pourrait présenter un projet de loi dès la reprise de la session à la fin de l'été. Mais en reportant la présentation de ce dernier au printemps prochain il espère écourter le débat public en évoquant alors l'urgence d'agir pour que le nouveau mode de scrutin puisse s'appliquer lors des prochaines élections générales. Il espère aussi que, d'ici là, l'opinion publique oublie quelque peu ce dossier névralgique puisque, dans l'expectative d'un projet officiel qui se fait attendre indûment, c'est le flou qui prévaut.
Il faut noter aussi que lors du débat qui a eu lieu le 10 juillet, le porte-parole péquiste dans ce dossier, le nouveau député Luc Thériault, qui remplace l'ex-ministre Jean-Pierre Charbonneau, initiateur des États généraux, a évité soigneusement d'aborder le sujet de la réforme du mode de scrutin dont son parti s'est pourtant fait le champion pendant des décennies. Il ne s'est pas prononcé non plus sur la poursuite du processus d'une réforme globale des institutions démocratiques. Ce comportement bizarre démontre que les parlementaires péquistes sont toujours aussi divisés sur la question que lorsqu'ils étaient au pouvoir ces dernières années. Par ailleurs, l'Action démocratique, qui s'est prononcée en faveur d'une réforme du mode de scrutin, brillait alors par son absence.

Il apparaît donc clair qu'après une saga qui dure depuis 40 ans, les véritables propositions réformistes concernant la réforme du mode de scrutin viendront des forces sociales progressistes et des mouvements citoyens. On ne peut toujours pas se fier aux députés qui nous représentent à l'Assemblée nationale.

Paul Cliche, Molly Alexander, Pierre Dostie
Union des forces progressistes

Site de l'Union des forces progressistes
www.ufp.qc.ca


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