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Le coup d''État ne visait pas seulement ChavezAnonyme, Samedi, Juin 21, 2003 - 11:32 (Analyses | Democratie | Economy | Elections & partis | Globalisation | Imperialism | Politiques & classes sociales)
Carlos M. Donnatti
Au lendemain du 9 avril 2002, le monde était sidéré qu'un gouvernement, social-démocrate, élu démocratiquement à deux reprises par une forte majorité, soit renversé par quelques-uns. Que doit-on lire dans ces évènements, et à quoi doit-on s'attendre dans les années qui viennent ?... Traduit de l'espagnol par : Pierre Trottier KOEYU Caracas 13-05-02 LE COUP D`ÉTAT NE VISAIT PAS SEULEMENT CHAVEZ par : Carlos M. Donnatti Traduit de l’espagnol par : Une observation attentive du panorama international, à peu de semaines du Coup d`État au Venezuela, nous porte au constat que leur objectif était beaucoup plus ambitieux que le seul renversement de Chavez. Les informations qui affluèrent quotidiennement dans les journaux, la télévision et sur Internet nous amènent à penser que la campagne médiatique préparatoire au coup d`État eut deux objectifs de base : démolir l`image du gouvernement et de son chef, et veiller sur les réactions qui seraient d`une très grande utilité pour la stratégie sur-impériale de Washington. Le déploiement de la campagne médiatique, d`étendue notable et efficace, de par les moyens technologiques aujourd’hui disponibles, nous rappelle celle réalisée, en son temps, contre le président Salvador Allende et le gouvernement de l`Unité Populaire du Chili (1). Dans un contexte mondial caractérisé par l`ouverte offensive unipolaire des États-Unis , cela ne cesse de provoquer une certaine stupeur, de constater que les bonnes informations que nous avions concernant Chavez étaient , en tout , incorrectes et erronées , et ce, par le moyen des bons offices des chaînes de télévision mexicaine et de la chaîne officielle espagnole , sans parler de la puissante chaîne CNN américaine (2). Si nous adoptions la perspective du président Bush, nous pourrions affirmer que le Venezuela continue d`être la prolongation latino-américaine de ``l`Axe du Mal`` que ce dernier a imaginé. Ce qui précède est aujourd’hui assez évident et réveille un vieil arôme des méthodes maintenant connues, déstabilisatrices, de la Guerre Froide , mais on ne doit pas se laisser surprendre , en aucune manière , par la légion d`intellectuels et de médias qui , consciemment ou négligemment , s`ajoutèrent à la campagne de démolition médiatique. Nous trouverons un exemple particulièrement scandaleux dans un éditorial de Cesar Cansino de ``El Universal`` du dimanche 14 avril , lorsque le titre de la Une proclamait : ``CHAVEZ RECUPERE LE POUVOIR`` , disqualifiant de fait son propre éditorialiste vedette. Avec un style réminiscent classique , notre politicologue pontifiait : ``L`obstination des tyrans fait toujours couler le sang et endeuille les peuples. Maintenant c`est le tour du vénézuélien , lequel fut victime de la violence perpétrée par les partisans de Chavez. Heureusement , le Venezuela a fermé pour toujours ce chapitre noir de son histoire récente``(3). La contondance conceptuelle de l`auteur nous épargne quelque analyse ou commentaire. Au Venezuela , l`objectif central de l`opposition conservatrice et de Washington - ou est-ce que la CIA a oublié les méthodes qui lui valurent de si retentissants succès en Iran , au Guatemala et au Chili? - était d`éliminer l`intention d`explorer une voie sociale-économique alternative au néolibéralisme. L`éphémère aspirant à Pinochet caribéen , Pedro Carmona , non seulement dissolvait par décret les institutions démocratiques , mais tentait d`effacer d`un coup de plume la législation sanctionnée des trois dernières années. Le chef d`entreprise , Pedro Carmona , le troisième plus riche homme du pays, et ses collèges de l`Opus Dei - que craignaient-ils? Ce fut une part décisive de la campagne médiatique que de représenter par des traits caricaturaux les agissements de Chavez en un style napoléonico-caribéen qui , en cet instant , montrait son archi- ennemi Carlos Andres Pérez ; il en résulta des préjudices racistes et classiques , tant dans les journaux qu`à la télévision , effaçant ou biaisant les décisions qui configuraient un projet à finalité distributive et autonomiste. A cette époque où se proclame à haute voix la démocratie politique , et où en Amérique Latine on disqualifie tant quelque initiative à bénéfice populaire l`étiquetant de ``populisme périmé`` ; lorsque sont en train de s`éroder les bases matérielles minimales afin de soutenir une authentique participation populaire , et que nous assistons , au contraire , à une tendance restrictive accentuée dans l`exercice du pouvoir public , ce n`est certes pas étonnant que les réformes à sens sociales-démocratiques et à nationalisme défensif aient été les plus ignorées et pour le moins biaisées par les médias de diffusion de masses. Nous n`avons , peu ou pas , pu lire ou entendre concernant l`abaissement de la corruption endémique et la réforme fiscale, que sur le fait de réduire l`évasion fiscale a permis à l`État de doubler son budget pour la santé et l`éducation. Ni de la triplication des cours d`alphabétisation , ni de la baisse de la mortalité infantile passant de 21 à 17 pour mille(4). Ni aussi de la réforme de l`éducation qui a permis à un million d`enfants d`accéder , pour la première fois , à l`école ; ni des nombreux projets de développement communautaire et écologique , ni de l`établissement de programmes de micro-crédits pour les pauvres et pour les femmes. Dans une économie qui a vécu pendant des décades de la rente pétrolière, on tente de ``semer`` le pétrole , de se tourner vers une culture basée sur la production. Il n`est pas usuel alors que cette bourgeoisie , habituée à piller l`État et à déposer l`argent dans des paradis fiscaux étrangers - où on accumule aujourd’hui quelques 100,000 millions de dollars(5) - qu`il leur soit étrange et irritant une politique qui appuie l`initiative privée productive qui priorise les nécessités élémentaires de 80% de la population. Les résistances de la culture enracinée des entrepreneurs virèrent au rouge avec la sanction de la loi sur la réforme agraire et son complémentaire plan national alimentaire national. Au Venezuela , 3% des propriétaires contrôlent 70% de la terre et , de cette dernière , 4% seulement est sous culture ; en même temps , on importe 70% des aliments nécessaires. La nouvelle loi , qui cherche à réaliser la réforme agraire promise par les gouvernements antérieurs sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens , permet cependant la propriété privée sur des étendues supérieures à 5 mille hectares , à la condition qu`elles soient en production et en relation avec le plan national alimentaire(6). Pour l`opposition au gouvernement de la Révolution Bolivarienne , conduite par la vieille garde du milieu , la fédération syndicale qui regroupe seulement 12% des salariés et qui est contrôlée par une bureaucratie corrompue affiliée à l`Action démocratique , le secteur privé, subventionné par l`État et influencé par l`Opus Dei, la hiérarchie catholique et les militaires conservateurs , les réalisations du gouvernement de Chavez méritèrent seulement quelques critiques fondées , submergées en un amalgame de calomnies et de déformations. Selon le Président Chavez lui-même , l`objectif de son projet est de convertir le Venezuela en un pays de classe moyenne , sous un système économique humaniste , autogestionnaire et compétitif ; dans ses propres paroles :`` Nous construisons la démocratie Bolivarienne , nous atteignons la justice sociale , nous développons l`économie productive , nous occupons et consolidons le territoire , nous fortifions la souveraineté dans l`intégration multipolaire``(7). Il est encore certain que les secteurs conservateurs internes , avec l`appui aujourd’hui évident de Washington , eurent pour finalité de faire avorter ce modèle alternatif qui , par sa seule existence , se révèle réfuteur du néolibéralisme en vogue et de sa prolongation dans la Zone de Libre Échange des Amériques (ZLEA). L`intention golpiste (Coup d`État) avait plusieurs autres objectifs non explicites et dérivés de l`actuelle stratégie sur-impériale de l`administration républicaine. Peut-être le plus ambitieux d`entre eux était d`annihiler le leadership pétrolier de Chavez , de liquider l`OPEP(8) et de faire baisser le prix de l`énergie , ce qui eut comme conséquence d`étayer la réactivation de l`économie nord-américaine. Devant la nouvelle du coup d`État , la réaction exubérante de Wall Street et le commentaire du Département d`État à l`effet qu`il s`agissait d`une bonne nouvelle pour les automobilistes nord-américains, sont venus confirmer notre présomption. Qu`ils voient comment les gouvernements antérieurs du convenable Carlos Andrès Pérez , de l`intérimaire Ramòn J. Velàzquez et du dissident Rafael Caldera , dans la décennie 90, avaient manoeuvré afin que le pays abandonne l`OPEP. Depuis son accession au pouvoir , Chavez a pratiqué une diplomatie pétrolière active avec le résultat d`obtenir une lente récupération des prix. Afin d`inviter personnellement les chefs politiques des pays producteurs , il réalisa une exténuante tournée de dix pays , incluant l`Irak et la Libye. Ils se réunirent une seconde fois à Caracas à l`occasion du Second Sommet de l`OPEP , 25 années après l`inauguration réalisée en Algérie , en 1975. Cette audace politique vénézuélienne contribua décisivement à l`augmentation des prix de l`énergie en 1999 et en 2000 , et , ce qui est très significatif sur la scène latino-américaine et mondiale , marqua un net éloignement de l`orbite nord-américaine(9). Si nous prenons en compte la sensibilité pétrolière accentuée Cette inédite voie pour accéder à l`utopie démocratique - dont Avec l`objectif de déstabiliser Cuba , si le coup pétrolier a Un autre des objectifs du coup d`État manqué était de faire Sur la frontière du Venezuela avec Guyana il y a aussi sujet à Dans les derniers mois , le gouvernement de Georgetown a concédé à des entreprises transnationales d`amples superficies pour l`exploitation des ressources naturelles , incluant des aires maritimes en dispute. La plus grande indignation du gouvernement Chavez provient , cependant , du contrat avec l`entreprise Bell Aerospace Technologics concernant l`installation , à seulement 40 kilomètres Comme une manifestation relevant de sa politique d`intégration multipolaire et de la nécessité d`alliés stratégiques dans la géopolitique sud-américaine , le gouvernement de Caracas s`est rapproché du Mercosur et a initié avec le Brésil une série de travaux et de projets d`infrastructures. Il devient évident que l`ouverture vers le sud a contrebalancé la pression américaine et a décompressé ses conflits frontaliers. Prenant comme horizon l`utopie bolivarienne d`une Confédération des États Latino-Américains , Hugo Chavez a déclaré :``Nous n`avons pas d`autres alternatives : si nous ne la réalisons pas , nous continuerons d`être dominés , retardés, et le projet transnational de néolibéralisme s`accomplira(13). Ne restant pas dans la rhétorique , le gouvernement de Caracas mit en oeuvre un gigantesque projet de communication fluviale , ce qui va signifier l`intégration physique de l`Amérique du Sud , unissant les bassins de l`Orinoco , l`Amazone et le Rìo de la Plata. Comme premières démarches à cette ambitieuse ouverture, l`année passée, Chavez avec le président Cardoso et Fidel Castro comme invité spécial, inaugurèrent la ligne Macagua-Boa Vista, sur une étendue de 670 kilomètres, qui approvisionne en énergie électrique le nord Brésilien. Une autre avancée dans cette ouverture est la construction d`un second pont sur le Rìo Orinoco, à un coût de 450 millions de dollars, financée par une banque étatique brésilienne et dont la construction est à charge d`une entreprise privée de Caracas. Cette nouvelle relation du Venezuela avec le Brésil a été une Il existe une raison additionnelle pour justifier l`antipathie Dans le panorama latino-américain, la probable évolution politique du Brésil et de l`Argentine peut à nouveau remettre en question le contrôle à partir de la Maison Blanche. Dans la campagne présidentielle brésilienne, la candidature de Lula est hautement pressentie dans tous les sondages; et en Argentine, une autre consultation récente montre que 75% de la population désire un projet économique propre, même sans l`approbation du FMI. Il apparaît que le pouvoir sur-impérial auquel aspire Georges Bush est en train de trébucher dans cette conjoncture. Le contrôle sur l`Afghanistan ne parvient pas à se stabiliser, l`attaque prévue sur l`Irak est différée, et Ariel Sharon ne peut être contrôlé dans son délire belliqueux et contribue à irriter l`opinion musulmane chaque fois plus à l`encontre des États-Unis. Au Venezuela, finalement, la stratégie unipolaire a subit un spectaculaire faux-pas. Une lecture latino-américaine de la conjoncture nous repose, Combiner des formes de démocratie directe avec des revendications de justice distributive peut nous donner, en Amérique Latine, la base morale et politique indispensable afin de trouver notre propre chemin, éludant le cauchemar du néolibéralisme globalisateur et la domination sur-impériale. Notes (1) Stella Calloni, La Conspiration Médiatique, La Jornada, Mexico, 14 avril 2002 (2) Jenaro Villiamil, La manifestation désinformatrice , La Jornada, Mexico, 14 avril 2002 (3) Cesar Cansino, Leçons vénézuéliennes, El Universal, Mexico, 14 avril 2002 (4) Gregory Wilpert, Coup d`État au Venezuela : récit d`un témoin, La Insignia par Internet, 13 avril 2002 (5) Venezuela : Fuite de capitaux pour asphyxier le gouvernement, La Insignia par Internet , 13 avril 2002 (6) Ibid. (7) Augusto Zamora R., Venezuela, vers une révolution bolivarienne, La Insignia par Internet, 10 août 2000 (8) Rodoir Ara, Venezuela : Une porte pour de nouveaux coups de caserne?, Milenio Mexico , 13 avril 2002 (9) Andres Canizales, Le leadership pétrolier de Chavez , Agencia Latinoamericana de informaciòn , Canada 22 octobre 2000 (10) Adolfo Gilly R. , Cuba, Venezuela, Mexico., La Jornada , Mexico , 13 avril 2002 (11) Kissinger insiste pour ne pas témoigner devant les tribunaux, La Jornada , Mexico , 25 avril 2002 (12) Augusto Zamora R., Venezuela , vers la révolution bolivarienne , La Insignia par Internet , 10 août 2000 (13) Venezuela : Fuite des capitaux afin d`asphyxier le gouvernement , La Insignia par Internet , 29 mars 2002 (14) En cet économique assez orthodoxe , La Insignia par Internet , 13 avril 2002 * Carlos M. Tur Donatti est professeur d`Histoire Mondiale Traduit de l`Espagnol par : Pierre Trottier, décembre 2002 source : Revue KOEYU : www.koeyu.com ** Sur d’autres sujets on pourra consulter : |
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