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La Sûreté du Québec condamnée pour l'orchestration de l'arrestation d'un enseignant

Anonyme, Mardi, Juin 3, 2003 - 08:34

CSQ

MONTREAL, le 2 juin - Dans une cause défendue par la CSQ, et pour la première fois au Québec, la Sûreté du Québec (SQ), ou l'un de ses policiers, est condamnée à des dommages-intérêts "pour l'orchestration de l'arrestation" d'un prévenu "avec la convocation des médias au Palais de justice pour la comparution" de ce dernier. En effet, la Cour supérieure a récemment rendu un jugement sur requête en libelle et diffamation en ce sens et a de plus condamné la SQ pour s'être permis de donner une opinion sur la qualité de la preuve au stade d'une comparution.

L'honorable Louise Moreau a également condamné Cogeco Radio-Télévison (Radio-Canada), sa station CKTM-TV de Trois-Rivières et sa journaliste, Sonia Cosentino, pour avoir fait un reportage qui ne laisse aucune place à la présomption d'innocence du requérant, et ce dû, entre autres, à l'agencement des propos. Les dommages moraux ont été évalués à 50 000 $, dont 75 % doivent être assumés par la SQ et son policier-relationniste, Daniel Lamirande, et 25 %, par les intimés des médias précités.

Un cas de fausses allégations

Le requérant est un enseignant d'éducation physique de niveau primaire de la région de la Mauricie, M. Daniel Delisle. Il est membre du Syndicat de l'enseignement de la Mauricie et était représenté dans sa cause par Me Jean Morin, retenu pour ce faire par la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) à laquelle est affilié le syndicat.

Le 27 novembre 1996, M. Delisle est arrêté à son domicile sous deux chefs d'accusation d'attouchements sexuels sur deux fillettes. Le 19 décembre 1997, il est acquitté lors d'un procès devant jury et son acquittement est confirmé le 1er juin 2000 par arrêt unanime de la Cour d'appel. En somme, M. Delisle a été victime de fausses allégations et a subi tous les effets dommageables et terriblement éprouvants d'une telle situation.

"Mais plus encore, M. Delisle a vu ses droits protégeant la réputation d'une personne, lesquels sont reconnus tant dans le Code civil du Québec que dans la Charte des droits et libertés de la personne, bafoués. Le policier a clairement mis en scène la comparution de l'enseignant pour faire en sorte que les médias n'aient plus qu'à cueillir images et commentaires, dont ceux du policier lui-même. Ajoutant à cela le montage d'un reportage particulièrement tendancieux, et c'en était fait de la présomption d'innocence de M. Delisle. Comment éliminer le doute chez les gens ensuite ? Comment expliquer que vous avez été l'acteur bien involontaire d'une telle mise en scène et que, quatre ans plus tard, vous avez été complètement innocenté, donc injustement traité en criminel ? Comment se rebâtir une vie, une réputation quand, dans votre région, tous ont encore en tête l'image de votre entrée au Palais de justice avec des menottes aux mains et des policiers vous entourant ? Le jugement de l'honorable juge Moreau est très éloquent quant aux traitements médiatiques de tels cas préparés par la police et diffusés par les journalistes. Nous osons espérer que ce jugement servira de référence tant aux services de relations publiques des corps policiers ainsi qu'aux artisans de l'information. Faire un bon coup médiatique, c'est une chose. Le faire sur le dos et aux dépens de la vie entière de quelqu'un, c'est tout autre chose", a déclaré la présidente de la Centrale, Mme Monique Richard.

Une déclaration de trop et un manque de rigueur

Sans reprendre tous les éléments du jugement et des événements relatés, retenons d'abord un extrait concernant M. Lamirande et qui contribue beaucoup à constater ce qui a guidé madame la juge Moreau dans son jugement : "Ici, ce qui irrite, c'est plutôt l'orchestration de l'arrestation du requérant avec la convocation des médias au Palais de justice pour la comparution. On arrête Delisle, on le fait attendre au poste de police jusqu'à ce que Lamirande donne l'ordre de l'amener, on attend que tous les journalistes soient là, on l'informe à la dernière minute de la présence des médias, on le fait entrer par l'entrée principale du Palais de justice au lieu d'utiliser l'entrée latérale, tel qu'habituellement, et on l'amène à la salle de cour... où il n'y
a personne."

Ajoutons à cela la déclaration du policier-relationniste aux médias lors de son point de presse suivant la comparution. M. Lamirande a dit : "Et selon la durée et le nombre de répétitions là où ça s'est produit et dans les circonstances où ça s'est produit, ça ne serait pas des événements accidentels." La juge note : "Par ces propos, Lamirande fait comprendre, pour toute personne raisonnable, que Delisle est (vu les répétitions et circonstances) coupable et n'aurait aucune défense (ne seraient pas des événements accidentels). Son propos est non seulement tendancieux et vexatoire, tel que le décrit le requérant, il formule une opinion qui n'est définitivement pas en faveur de l'accusé."

Concernant la partie média, voici quelques extraits du jugement. Ainsi, l'honorable juge Moreau écrit : "La faute de la journaliste réside non pas dans le fait d'avoir fait un reportage avec l'identification et des images du requérant, mais bien dans l'utilisation des termes péjoratifs insinuant la culpabilité du requérant, en insinuant l'existence de "victimes," de convalescence, et surtout de l'agencement de son reportage... La signification et la portée des mot utilisés doivent être évalués sur la base du test objectif de la compréhension et de la perception d'une personne raisonnable. Ici, l'agencement du reportage fait par Consentino (...) portent atteinte à l'intégrité et à la réputation du requérant... La jurisprudence a reconnu aux journalistes le droit de s'exprimer librement, mais pas celui de nuire par un comportement fautif à la réputation d'autrui, que ce soit un personnage public ou pas. De plus, et conséquemment, on ne peut prétendre qu'on n'a aucune responsabilité parce qu'on a seulement répété les propos du policier."

Il est à noter que l'intérêt de la Centrale en ce qui a trait aux fausses allégations a amené celle-ci à se pencher sérieusement sur le sujet, tout en tenant compte de sa politique de tolérance zéro en matière d'actes criminels de nature sexuelle. Elle a ainsi, et entre autres, produit des dépliants d'information sur les fausses allégations, lesquels ont été distribués auprès des membres. Ces documents sont accessibles sur le site Web de la Centrale à la rubrique "Travail et syndicalisme" et à la sous-rubrique "Santé et sécurité."

Le jugement complet est accessible sur le site de la CSQ à l'adresse www.csq.qc.net en page d'accueil.

Le jugement complet est accessible sur le site de la CSQ
www.csq.qc.net


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