|
La stratégie féministe: une offensive orchestrée contre les hommes?Hercule Dufferin, Vendredi, Mai 23, 2003 - 10:04 (Analyses)
Yves Pageau
Dans un texte qui n’avait aucune prétention humoristique, Pierrette Bouchard, la titulaire de la chaire Claire-Bonenfant sur la condition de la femme à l’université Laval titre « La stratégie masculiniste orchestrée contre les féministes. » Pour qu’on soit autorisé à parler d’une stratégie masculiniste », il faudrait 1) qu’il existe une mouvance masculiniste et 2) qu’elle se soit concertée pour établir une stratégie. Enfin, si les deux premières conditions avaient été réunies, quel aurait été l’intérêt pour eux « d’orchestrer une offensive contre les féministes. » On est en plein délire paranoïaque. Madame Bouchard n’a pas lu la réalité ambiante. Pour démontrer l’existence d’une « mouvance masculiniste », l’auteure énumère une liste de groupes épars dont certains sont basés aussi loin qu’en Australie ou en Europe et la liste des documents, livres, articles ou documentaires sur des questions relatives à la condition masculine. Elle va jusqu’à parler d’un « déferlement » qu’elle dénigre systématiquement comme si toute prise de parole masculine ne pouvait être qu’illégitime et antagoniste. Madame Bouchard mentionne entre autres le documentaire « Entre père et fils » qui, partout où il a été présenté ici et en Europe a reçu un accueil enthousiaste. Dans son texte, madame Bouchard discrédite l’auteur du film et lui reproche d’avoir participé à une émission de radio au cours de laquelle le journaliste Benoît Dutrizac a dénoncé Diane Lavallée, la présidente du Conseil du statut de la femme, qui a affirmé que les hommes qui demandent la garde ou la garde partagée de leur enfant ne le font que pour économiser la pension alimentaire. Si elle a tort dans son analyse, madame Bouchard se trompe également sur le fond. Ceux que les excès du féminisme irritent sérieusement ne sont pas tous des militants pour la condition masculine. La prise de parole que madame Bouchard appelle un « déferlement » n’est que l’expression d’un mécontentement répandu que les suprémacistes, les intégristes et de nombreux journalistes continuent d’ignorer. Il faudrait commencer à lui prêter une oreille attentive avant que le ton ne monte et que ne se précipite une irréversible rupture entre les intégristes et les féministes. Le Conseil du statut de la femme avait été fondé en 1973 par Claire Kirkland Casgrain, la première femme députée du Québec. La fondatrice avait à coeur de mettre en place les structures qui permettent aux femmes d'accéder à un statut social et économique équivalent à celui des hommes. À cette époque là, on ne parlait pas "d'égalité" mais "d'émancipation" et de "libération", des termes qu’on réservait jusqu’alors aux esclaves aliénés et aux populations occupées. Aujourd'hui, alors que c'est d'égalité dont il est question, personne n'est en mesure d'expliquer en quoi celle-ci pourrait consister. L'égalité est un concept flou. Si on devait le définir avec précision, on établirait un horizon au-delà duquel l'existence de l'industrie du féminisme serait menacée. Dans les circonstances, le Conseil du statut de la femme continuera d’exister jusqu’à ce que l’exaspération populaire soit entendue. S'agit-il d'une égalité politique, il faudrait que le nombre de députées soit égal ou supérieur à celui des députés? Il en a été question. Les candidats seraient alors choisis en fonction de leur sexe. Il en est aussi question. S'agit-il d'égalité économique? Faudrait-il que le nombre de pauvres soit inférieur chez les femmes? Le programme de lutte à la pauvreté du gouvernement du Québec, on l’a trop peu annoncé, stipule qu'il ne s'adresse qu'aux groupes formés à majorité de femmes. Oui mais… objecterez-vous. Il n'y a pas de oui mais: quand on est pauvre, c'est qu'on est pauvre. En matière d'équité salariale, la loi prévoit que pour un travail équivalent, une femme ne peut gagner moins cher qu'un homme. Ah bon? Comme ça l'équité n'est pas réciproque. La Fonction publique a adopté un programme de discrimination positive pour favoriser l'emploi des femmes. Elles représentent maintenant 54% des employés de l'État. Quand les plus anciens prendront leur retraite, ceux qui ont été embauchés à l'époque ou la Fonction publique ne faisait pas de discrimination, la proportion de femmes à l'emploi de l'État pourrait dépasser les 80%. En matière de violence conjugale, la politique de la tolérance zéro ne s’applique pas aux femmes. Il existe une centaine de refuges pour femmes victimes dont les statistiques publiées par leur association indique que leur taux d’occupation par des victimes de violence est inférieur à 25%. Existe-t-il des refuges pour les hommes et leurs enfants? On ne peut nier qu’il en existe un et qu’il est en mesure d’héberger cinq hommes. Les milieux policier et politique sont frileux sur la question de la violence conjugale dont une femme pourrait être la victime. Aussitôt qu’une femme dénonce la violence de son conjoint, il est arrêté et s’il avait la mauvaise idée de plaider son innocence, il pourrait demeurer incarcéré jusqu’à son procès quelques mois plus tard. Au moment de sa libération, il est expulsé de son domicile jusqu’à son procès, interdit d’être en contact avec ses enfants sans la supervision d’un intervenant autorisé, tenu de continuer à payer pa part des frais du ménage, une pension alimentaire, ses frais d’hébergement et ses frais d’avocat. Pourquoi n’est-ce pas la plaignante qui se prétend menacée qui irait se réfugier dans une maison d’hébergement? La question n’a jamais reçu de réponse claire. La Maison père-enfant du Québec qui offre un service de visites supervisées, rappelons le, ne bénéficie pas de l’aide de l’État. Lorsque l’accusé est en mesure de démontrer que les accusations de violence conjugale dont il a été la victime n’étaient pas fondées, l’auteur des fausses allégations n’est pas poursuivie pour l’acte de méfait public dont elle s’est rendue coupable et peut porter de nouvelles allégations quand bon lui semble. À ce compte-là la vie de l’ex-conjoint devient un enfer. Par contre, 94,26% des parents gardiens sont des femmes. Elles ne sont pas soumises à la perception des pensions alimentaires, reçoivent une sentence moindre à celle d’un homme pour un crime équivalent, ne sont pas soumises à la politique de la tolérance zéro en matière de violence conjugale, bénéficient de conditions d'incarcération beaucoup plus confortables que celles des hommes, reçoivent des subventions importantes, bénéficient du Secrétariat à la condition féminine, sont avantagées par les politiques familiales, bénéficient du programme d'accès à des emplois non traditionnels, de chaires d'études féministes dans les universités, détiennent les postes clés dans les médias et sont considérées par l'État comme les dépositaires de la compétence familiale. Toutes les iniquités qui ne profitent systématiquement qu'aux femmes sont abondamment documentées ailleurs. Il serait inutile d'y revenir ici puisque ceux qui en contestent l'existence continueront toujours de le faire.
|
|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Ceci est un média alternatif de publication ouverte. Le collectif CMAQ, qui gère la validation des contributions sur le Indymedia-Québec, n'endosse aucunement les propos et ne juge pas de la véracité des informations. Ce sont les commentaires des Internautes, comme vous, qui servent à évaluer la qualité de l'information. Nous avons néanmoins une
Politique éditoriale
, qui essentiellement demande que les contributions portent sur une question d'émancipation et ne proviennent pas de médias commerciaux.
|