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Irak : retour sur les journalistes "embedded"

Anonyme, Samedi, Mai 10, 2003 - 16:28

yoran jolivet

Le Pentagone a crée une nouvelle forme de communication lors de la guerre contre l’Irak. Il a incorporé 600 journalistes aux unités combattantes. Malgré une information plus dense que lors des guerres précédentes, qu’en est-il de la déontologie de cette information ? Les journalistes peuvent-ils tout transmettre et donner une image reflétant le plus possible la réalité ? Quel est le rapport avec la ligne éditorial de la rédaction qui les envoie ?.

Les Etats-Unis ont innové un nouveau concept de guerre en envahissant l’Irak au mois de mars 2003. Passant outre la légalité internationale et le droit d’ingérence tel qu’il était reconnu par l’ONU, la coalition américano-britannique a su adapter le concept de guerres des images. Les "embedded" ou journalistes embarqués ont contribué à cette innovation, rendant la guerre plus visible et réelle pour les populations lointaines. Mais même si la quantité et la qualité ont indéniablement augmenté (par rapport aux guerres précédentes), l’information peu déontologique a souvent biaisé l’opinion en passant pour légitime et exhaustive.

Interrogeons-nous sur l’origine de cette mesure. C’est Victoria Clarke, responsable de communication du Pentagone qui a eu l’idée d’embarquer des journalistes avec les troupes en opération. Cette idée a eu l’approbation de ses supérieurs pour plusieurs raisons : pour cause de la conjoncture internationale où la majorité des opinions auraient très mal vécu la main mise sur l’information par les protagonistes comme cela s’est passé en Afghanistan (2002) et au Kosovo (1999). De plus une chaîne concurrente est apparue dans le Golfe : Al Jezira. Celle-ci menaçait de produire des images dangereuses ; d’où la nécessité d’avoir la possibilité d’envoyer des informations aux médias occidentaux tout en gardant un certain contrôle sur ceux-ci. Ainsi, le porte-parole de l’état major britannique cité dans Télérama le 23 avril 2003 annonce clairement que « pour bien la gagner [la guerre], il faut commencer par ne pas perdre celle des images ».

Ces journalistes mettent à la disposition des rédactions une quantité formidable d’images en direct, de reportages « à chaud » . Sont-ils fiables ? Et la déontologie dans tout ça ? .
Le premier critère à observer est les conditions d’embarquement des journalistes. Sur 600, la plupart venaient de médias partisans de l’offensive armée, américains, australiens ou britanniques. Très peu de français et d’allemands ont eu l’autorisation et combien d’arabes ?
De plus, avant que l’accord ne soit donné, les journalistes devaient s’engager à rester le plus flou possible quant à l’endroit, le moment et les circonstances de l’information transmise. La valeur de base d‘une information ne réside-t-elle pas en ces circonstances que l’on appelle les 6 questions (qui, où, quand, quoi, comment, pourquoi) ?
Les soldats et les journalistes ont vécu une situation de proximité exceptionnelle, partageant leur place dans un tank au milieu du désert irakien. Le cours d’éthique et de déontologie de la formation de journaliste du CNED (Centre National d’Enseignement à Distance) nous met en garde face à ces situations. P. 37 on lit « conserver une distance critique à l’égard des sources ». Un peu plus loin, « faire preuve de suffisamment d’indépendance dans la relation des faits » . Est-ce possible lorsque notre survie dépend des sources en question ?
Enfin, tous les articles écrits devaient être impérativement relus et acceptés par un commandant militaire. Par rapport à la relecture d’un article par les sources, le cours d’éthique et de déontologie nous met en garde p.102, chapitre 8 : « n’accepter pas cette censure préalable »…
Les exemples du manque déontologique de l’information transmise par les embedded sont nombreux, cependant il ne faut pas oublier que tout cela se situe en temps de guerre avec des contraintes beaucoup plus grandes. Il appartient aux rédactions et aux médias diffuseurs de cette information de la resituer au maximum dans son contexte tout en l’interprétant en fonction de la ligne éditoriale. On peut voir ainsi, la grande différence de traitement qu’a eu lieu entre les médias américains, français et arabes. Certains ont présenté une guerre « propre et technologique » évitant les civiles, assassinant les tyrans. Les médias arabes ont joué au maximum sur l’horreur de la guerre et les conséquences directes sur les populations civiles. Quant aux médias français ils ont essayé de se situer entre ces deux positions opposées. Il faut cependant noter le glissement éditorial qui a marqué les médias entre le début d’une guerre « illégitime » et la fin où le quotidien "libération" titrait « victoires »(08 avril 2003). Le plus intéressant est de constater comment la réalité peut être mouler sous l’œil des caméras. Ainsi on peut façonner une réalité voulue pour un public approprié.



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