20 novembre–Lors des funérailles de Jean-Patrick, sa maman a sommé les membres de la Maison père-enfant du Québec de quitter les lieux. Ils sont quand-même restés pour offrir leur appui au papa.

Quand j’ai confié à ma nièce, que je passe mes samedis à la Maison père-enfant, elle m’a imaginé en train de surveiller des brutes libidineuses pendant leur visite parentale supervisée. Je l’ai abonnée à la Gazette des femmes pour lui permettre d’élargir ses horizons.

Imaginez les locaux: modestes, sans fenêtres, au-dessus d’une pizzéria. Aide gouvernementale: zéro, salaires: zéro. Sans les bénévoles, les papas et les enfants resteraient enfermés et s’ennuieraient. Sans la Maison père-enfant, il suffirait à une femme d’accuser son ex-conjoint de lui faire peur pour qu’un papa soit privé de voir ses enfants. La Maison père-enfant est un lieu de résistance contre le terrorisme familial.

Ma nièce ne connaît pas Saint-Jude, le saint patron des fins de mois. C’est lui qui paye le loyer. La domination des mâles, me demande ma nièce, qu’est-ce que j’en fait? C’est vrai que l’égalité des sexes serait un objectif souhaitable. En additionnant le budget des organismes voués à faire la promotion de la condition féminine, on a calculé que l’État doit y consacrer un demi milliard de dollars par année qu’on pourrait partager. C’est trois cent millions d’Euros et je garde mon calme.

Je suis allé aux funérailles de Jean-Patrick. Il devait avoir fière allure dans son costume de bois du haut de ses trois ans. En attendant le résultat de l’autopsie, il serait mort d’insuffisance respiratoire pendant son sommeil.

Son papa habite en France et visitait son fils à tous les deux mois. La dernière fois, les 8, 9 et 10 novembre, il avait traversé l’Atlantique pour rien. La maman de Jean-Patrick n’était pas venue le reconduire à la Maison père-enfant où son papa l’attendait. Quand il a appris le décès de son fils, le mardi suivant, l’incinération devait avoir lieu le jour même.

Le papa de Jean-Patrick a demandé une seconde autopsie contre laquelle sa maman a présenté une requête. Imaginez la scène. Selon elle, une autopsie ne dévoilerait rien qu’on ne sache déjà et elle disait tenir à préserver l’intégrité physique du corps de son enfant. Il n’en fallait pas plus pour que les inspecteurs de l’escouade des homicides soient chargés de l’enquête.

Le papa de Jean-Patrick avait obtenu le droit de visiter son fils sans la supervision d’un intervenant, aucune des allégations dont il avait fait l’objet n’ayant été retenue contre lui.

On parlait de la domination des hommes, n’est-ce pas? Pourriez--vous préciser la question. J’ai peur de ne pas bien comprendre ce dont il est question.

Si je dis que j’aimerais bien que le petit Jean-Patrick soit encore vivant, je suis quoi? Masculiniste, catho, pervers, manquant, émotif, en désarroi, dépressif ou manqué? Collez-moi donc l’étiquette que vous voudrez, ça m’est égal. Je suis fatigué. Jean-Patrick et son papa n’iront plus au Biodôme.

La dernière fois qu’il se sont vus, c’était en octobre. Le vendredi, je les ai accompagnés au Biodôme, un jardin zoologique aménagé dans le vélodrôme olympique.

La direction du Biodôme courtise les autobus remplis de beaux frisés et de têtes blondes. Cette journée là, c’étaient les directeurs d’école qui avaient été invités. Il devait y avoir deux ou trois directeurs noyés dans un auditorium plein de directrices. J’ai compris cette journée-là pourquoi, quand un garçon lance le ballon avec trop d’énergie, c’est qu’il est violent.

Ce jour-là, Jean-Patrick aurait été agressé par son père pendant que je me suis absenté pour me délester du surplus de la boisson. L’endroit est pourtant fréquenté et personne ne serait intervenu. C’est Jean-Patrick qui aurait tout raconté aux policiers. Ils m’ont interrogé. J’avais remarqué que les adultes ne devraient pas s’asseoir par terre dans la cafétéria du Biodôme mais on ne déclenche pas une enquête pour si peu.

Quand j’ai revu le papa de Jean-Patrick le 9 novembre, je me suis dit que ça ne faisait tout de même pas deux mois qu’on l’avait vu. Son fils était décédé la veille mais il ne l’a su que le mardi suivant. C’est la psychologue à qui il avait demandé une expertise qui le lui a appris.

Quelques jours après les funérailles de Jean-Patrick, sa maman m’a fait parvenir une mise en demeure m’obligeant à lui remettre le document vidéo que j’avais capté cette journée là.

La domination masculine disions-nous? Peut-être devrais-je, moi aussi, militer pour le droit des femmes après tout. C’est Louis Aragon qui disait que « la femme est l’avenir de l’homme. »