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Pour des sciences et des technologies citoyennes, responsables et solidairesEric, Samedi, Avril 5, 2003 - 12:22
Jean Bernatchez
Dans le cadre d'un reportage du journal Le Soleil précisant les points de vue des candidatEs des principaux partis politiques sur la gestion des sciences et des technologies, Jean Bernatchez, candidat UFP dans Chutes-de-la-Chaudière, a été invité à commenter la façon dont s'inscrit cette problématique dans le cadre des principes de la plate-forme politique de son parti. Voici le message qu'il a livré au journaliste. Un constat Il y a chez les scientifiques un réel désir de « changer le monde », de contribuer à le rendre meilleur. Il y a dans l'esprit de la grande majorité des individus, inhérent à l'acte de recherche, une volonté de corriger l'écart entre une situation problématique et une situation souhaitable. Le potentiel de recherche et d'innovation au Québec est d'ailleurs très considérable, à la hauteur d'environ 1 % du volume mondial. Le système de recherche et d'innovation a évolué rapidement au cours des dernières années, inspiré par les mouvements de conjoncture mais aussi par des politiques néolibérales qui ont consacré le caractère instrumental de la recherche. La politique québécoise de la science et de l'innovation de 2001, véritable archétype du néolibéralisme, vise l'atteinte de la moyenne des pays du G-7 au chapitre du pourcentage des dépenses consacrées à la R&D par rapport au produit intérieur brut. La récession de 1981 avait consacré l'idée du virage technologique qui détrônait la science au profit de la technologie, en affirmant la finalité du développement économique. En 1988 s'est ajoutée à ce virage une orientation plus prononcée vers l'innovation, orientation qui a été consacrée à la politique de 2001. La dimension instrumentale de la recherche est inhérente à la politique. La recherche doit viser l'innovation, concept qui se traduit par trois types de réalités distinctes. (1) L'innovation technologique de produit implique la mise au point / commercialisation d'un produit plus performant que ceux qui existent sur le marché. (2) L'innovation technologique de procédé propose la mise au point / adoption de méthodes de production et de distribution nouvelles ou améliorées. (3) Par innovation sociale, on entend toute nouvelle approche, pratique ou intervention, ou encore tout nouveau produit mis au point pour améliorer une situation ou solutionner un problème social et ayant trouvé preneur au niveau des institutions, des organisations, des communautés. Selon les termes de la politique, ces types d'innovation seront possibles en misant davantage sur les réseaux et en intensifiant les partenariats intersectoriels. Un point de vue Selon le modèle technoscientifique actuel, la science découvre, la technologie applique et l'économie valorise. D'ailleurs, dans le milieu de la valorisation de la recherche, on évalue essentiellement le « potentiel technico-commercial » d'une réalisation de recherche. Actuellement par contre, l'économie n'est pas éthique. Il faudrait que cette économie soit un outil au service des personnes et des sociétés alors qu'actuellement, les personnes sont au service d'une économie orientée vers les intérêts de la finance locale ou internationale. L'échange est à la base de toute économie : cet échange doit être équitable, pour permettre à tout le monde de participer à notre destin collectif, celui qui se vit localement mais aussi celui qui se joue à l'échelle du monde. Cela s'inscrit dans le cadre de l'article 1 de la plate-forme de l'UFP : Non à la mondialisation néolibérale. Oui à la solidarité internationale. L'économie peut être éthique. Mais le modèle actuel, fondé sur la croissance illimitée, comporte de nombreux périls qui menacent directement l'Homme et la Terre. L'accaparement et la concentration des ressources sont dangereux. La science et la technologie peuvent contribuer à contrer cette menace. Il faudrait alors commencer à s'intéresser au « potentiel technico-éthique » des réalisations de recherche (plutôt qu'à leur potentiel « technico-commercial »). L'éthique des moyens (comment faire les choses) est déjà bien inscrite dans les mœurs de la recherche. Il faudrait y ajouter une éthique des fins (pourquoi faire les choses). Une éthique des fins L'UNESCO, à travers ses travaux sur la maîtrise sociale des sciences et son engagement sur la science et l'utilisation du savoir scientifique, propose des finalités qui sont convergentes avec les principes de la plate-forme politique de l'UFP. (1) Les gouvernements devraient jouer un rôle de catalyseurs afin de faciliter l'interaction entre les acteurs de la science et de l'innovation. Le progrès véritable se mesure d'abord par la bonification de la vie et de l'environnement de la population dans son ensemble. (2) Les gouvernements et les sociétés devraient être conscients que les sciences et la technologie doivent être utilisées comme des instruments permettant de parer aux causes profondes et aux conséquences des conflits. (3) Les gouvernements devraient soutenir activement la capacité scientifique et technologique équitablement répartie, socle d'un développement économique, social, culturel et respectueux de l'environnement. (4) L'utilisation du savoir scientifique et technologique devrait toujours viser le bien-être de l'humanité, y compris la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, et respecter la dignité et les droits des êtres humains ainsi que l'environnement planétaire, sans jamais perdre de vue la responsabilité qui est la nôtre envers les générations présentes et futures. Ce que cela implique concrètement, ici et maintenant Un tel changement de paradigme se fait d'abord dans les consciences, puis se traduit graduellement dans les actions. Une majorité de personnes actuellement impliquées dans la dynamique de la recherche et de l'innovation sont d'ailleurs très sensibles à une telle éthique des fins. Leurs conditions objectives de travail (obtention de fonds, livrables dans le cadre de contrats, grantsmanship, etc.) les obligent souvent toutefois à jouer le jeu de l'économisme. Une politique de la science et de l'innovation orientée vers de telles finalités ne serait pas calquée sur le modèle de l'OCDE mais s'inspirerait des principes humanistes que l'on retrouve par exemple dans les travaux nombreux de l'UNESCO. Ces quelques principes pourraient être les balises : (1) Science et technologie doivent être orientées vers les priorités actuelles de la société québécoise et de l'humanité : soins de santé, équité économique et sociale, environnement sain, développement culturel, éducation pour tous, etc. (2) Science et technologie doivent se développer dans le cadre d'un contrat social élaboré de façon démocratique : l'évaluation de la qualité scientifique des travaux doit demeurer la responsabilité des scientifiques (les énoncés scientifiques ne sauraient être soumis au débat politique) mais les citoyens et citoyennes seraient en droit de définir de façon démocratique ce que l'État doit supporter en priorité à travers ses programmes. (3) Science et technologie essentielles à la préservation de l'intégrité humaine et à la satisfaction de ses besoins essentiels ne sauraient être privatisées : la privatisation du vivant et des savoirs traditionnels par le dépôt de brevets est contraire à ce principe. Ceci dit, la commercialisation de l'innovation n'est pas contraire à ces principes lorsque sont respectées les conditions de l'échange équitable. Les nouvelles technologies doivent contribuer à la prospérité collective et au bien commun. Le remarquable potentiel de recherche et d'innovation du Québec doit s'actualiser et l'État doit contribuer à cette actualisation. L'État doit aussi veiller à ce que ces richesses produites soient réparties de façon équitable, en contrant notamment le mouvement de concentration des ressources vers les grands centres et en stimulant le développement des régions de telle sorte que les nouvelles technologies puissent naître aussi hors des métropoles, et profiter aux gens hors des métropoles. Ainsi, les sciences et les technologies québécoises pourront être citoyennes (puisque les citoyens et citoyennes auront défini de façon démocratique ce que l'État doit supporter en priorité à travers ses programmes), responsables (d'un point de vue éthique) et solidaires (puisqu'elles profiteront à l'ensemble de la population).
Site de l'Union des forces progressistes
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