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Du cas Bhopal au Pétrolier Prestige - Les crimes contre l'environnement et les personnes

Anonyme, Mercredi, Avril 2, 2003 - 14:47

Marcela Valdivia, avocate et médiatrice, Gilles Brunel, Professeur, Département de Communication, Université de Montréal, Cesar Castillo, Professeur Physique Cégep Ahuntsic, Amir Khadir, médecin neurologue, candidat UFP-Mercier.

À Bhopal, durant la nuit du 2 au 3 décembre 1984, plus de quarante tonnes d’un des gaz les plus dangereux créé par l’industrie chimique (MIC) permettant la réduction des coûts de production d’un insecticide soit le sevin s’échappent de l’usine Union Carbide en Inde. On compte entre quatorze et trente mille morts et cinq cent mille blessés. Le livre de Lapierre et Moro, Il était minuit et cinq à Bhopal nous décrit son déroulement et ses conséquences. Accident, catastrophe ou crime ? Tout dépend de la qualification politico-juridique choisie. Selon plusieurs, une négligence criminelle qui choque la conscience humaine.

Le Statut de la CPI (Cour Pénale Internationale), entré en vigueur le 1er juillet 2002, malgré l’opposition des États-Unis, n’inclut pas les personnes morales, n’est pas rétroactif et il est complémentaire des juridictions criminelles nationales. La compétence ratione personae du statut se limite aux personnes physiques. Elle peut exercer ses pouvoirs sur le territoire de tout État partie, (après ratification) et exceptionnellement par convention lui donnant juridiction dans un État non partie. Avec la mutation des États-nations, et les problématiques actuelles et futures (L’affaire Bhopal, le pétrolier Prestige, les organismes génétiquement modifiés ou le clonage humain) n’avons nous pas omis erronément des statuts de la CPI la possibilité de juger ces nouveaux cas? L’affaire Bhopal, aurait pu contribuer à l’élargissement de la définition actuelle des crimes contre l’humanité tels que visés par la CPI.

Dans le cas de Bhopal, les tribunaux aux États-Unis ont accueilli les requêtes en rejet des procédures selon l’argument du forum non conveniens. Ils ont décliné leur compétence territoriale à juger d’un crime commis en Inde. Les avocats de l’Union Carbide ont poussé l’audace jusqu’à prétendre « qu’aucun tribunal américain ne pouvait évaluer une vie dans le Tiers-Monde». En 1989, après cinq ans de litige le gouvernement indien a accepté «un accord à l’amiable» complet et final en responsabilité civile de l’Union Carbide, soit la somme de 470$ millions de dollars US, plus une balance de paiement de 690$ millions de dollars (qui n’a toujours pas été versée). Les indemnités moyennes par personne blessée étaient de 370$ à 600$ et de 3,000$ en cas de décès.

En 1991, la Cour Suprême de l’Inde a réaffirmé le droit à discuter de la responsabilité pénale de Carbide. En 1991, le tribunal de Bhopal a émis un bref à l’intention de Warren Anderson le président d’alors de l’Union Carbide pour homicide dans une affaire criminelle. Le mandat d’arrêt international d’Interpol reste jusqu’à ce jour sans effet. Milosevic a été trouvé bien plus facilement ! Anderson a disparu de son domicile. En 1996, la Cour suprême de l’Inde a changé les accusations portées contre des cadres de la Union Carbide India Ltd, d’homicide volontaire à homicide par négligence. Les peines maximales passent de 10 à 2 ans. Depuis 1984, 140 actions devant les cours de justice fédérale aux États-Unis ont été introduites. En pratique, elles ont été rejetées alors que quelques unes sont encore en appel.

Le rachat de l’Union Carbide par la Dow Chemical et Rhône-Poulenac propriétaire de l’usine de sevin a fait disparaître la «personnalité morale» de cette entreprise. Depuis, le durban, insecticide interdit aux États-Unis et introduit à grand renfort publicitaire par la Dow en Inde, menace la santé. De plus, l’Union Carbide rassure ses actionnaires, car Bhopal a représenté un risque minimal de la baisse des cours des actions soit 43 cents par action.

Récemment, l’affréteur du pétrolier Prestige a cédé sa filiale de commerce pétrolier Crown, propriétaire de la cargaison du Prestige. Plus d’existence légale ! Selon Le Monde, Crown a été rebaptisé ERC Trading et devrait se concentrer sur le commerce de produits propres ! Même stratégie : éviter les poursuites. Un procès public est selon nous la seule voie de résolution. L’impunité entraîne la banalisation des crimes. Mais est-il politiquement rentable dans le statu quo actuel, l’économie globalisante et la sécurité des nations, de surveiller et punir tels crimes ou activités plutôt que tels autres ? L’Union Carbide se tire d’affaires tout comme des généraux d’hier responsables de tortures sont libérés d’accusations. Malgré quelques succès, le droit pénal international sommeille encore.

Cet article est un extrait d’un texte plus détaillé publié dans la Revue Saison Mauve, Vol.5, no 1.

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www.ufp.qc.ca


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