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Qui pourra concilier travail et famille ?Micheline Carrier, Samedi, Mars 15, 2003 - 21:40
Micheline Carrier
Il y aura une élection le 14 avril prochain au Québec. Dans le budget présenté la veille du déclenchement de l'élection, la ministre des Finances Mme Pauline Marois a annoncé l'instauration de la semaine de travail de quatre jours pour les parents d'enfants de moins de 12 ans qui voudraient se prévaloir d'un congé sans solde d'une journée par semaine. Le premier ministre Landry a même promis d'inclure cette mesure dans une loi cadre. L'Action démocratique du Québec (ADQ) propose plutôt d'accroître le nombre de congés mobiles dont les frais seraient partagés également entre employé-es et employeurs. Quant au Parti libéral, il se contente de dire qu'il ne croit rien de ce que disent les deux autres. La conciliation travail-famille telle que proposée soulève des questions. D'abord, parions que ce sont les femmes, dans la majorité des cas, qui utiliseraient de temps à autre la 5e journée - comme elles le font présentement pour les congés mobiles - afin de s'occuper de la famille. La Société Radio-Canada semble partager cette opinion puisqu'elle n'a invité que des travailleuses à commenter cette promesse électorale lors de sa première émission d'analyse à l'émission « Ce soir ». On comprend que les femmes sur le marché du travail soient enthousiastes à la perspective de souffler un peu, mais qu'en sera-t-il de la répercussion d'une telle mesure sur leur situation financière ? Une journée de travail en moins, c'est également une journée de revenus en moins, et le revenu moyen des femmes est déjà inférieur à celui des hommes. On sait aussi qu'un divorce accentue cet écart. Cette mesure aura également une répercussion pour l'avenir (caisse de retraite, RRQ, etc.). Le projet de concilier travail et famille ne sera probablement pas à la portée des travailleuses au salaire minimum, ni des femmes chefs de famille monoparentale. Les travailleurs et travailleuses autonomes - environ un million de personnes - n'en profiteront pas non plus : la plupart ne sont pas des salarié-es, n'ont pas qu'un seul employeur, et leurs revenus ne leur permettent pas de réduire leurs heures de travail. (Le crédit d'impôt qui sera accordé aux travailleurs et travailleuses pour un congé parental de 12 semaines équivaudra à 55% de leur revenu. Une mesure bien timide.) Quant aux entreprises, s'empresseront-elles d'employer des femmes en sachant que ce sont elles qui utiliseront cette journée « flottante » pour s'occuper de la famille ? Si les femmes restent les seules à vouloir concilier travail et famille, cette mesure pourrait donc retarder leur avancement professionnel et accroître l'écart des revenus entre hommes et femmes. Elle pourrait aussi libérer des emplois pour des hommes, à la grande satisfaction de certains masculinistes pour qui les femmes volent la place des hommes. Un retour partiel « au foyer »... Ajoutée aux mesures natalistes annoncées, on peut se demander si ce n'est pas un objectif recherché dans une conjoncture où les emplois se font plus rares . En bref, peu de femmes auront les moyens de se prévaloir de cette mesure. La majorité des hommes ne renonceront pas à une journée de salaire et de revenus pour s'occuper de leur famille. Tout cela est connu du PQ et de l'ADQ. C'est donc une promesse électorale qui ne coûte pas bien cher et qui jette de la poudre aux yeux.
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