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L'attaque de l'Irak sera-t-elle jugée hors-la-loi par la Cour fédérale canadienne ?warco, Dimanche, Mars 9, 2003 - 16:21 La Cour fédérale du Canada est appelée à se prononcer sur la validité d'une participation canadienne à l'attaque de l'Irak, au regard du droit constitutionnel canadien et des conventions internationales. Le 5 mars, une requête a été déposée en ce sens par Daniel Turp, professeur de droit, avec ses élèves de l'Université de Montréal. Il est notamment demandé à la Cour fédérale de déclarer illégale une attaque par le Canada qui n'aurait pas été préalablement approuvée par le Parlement canadien et autorisée par le Conseil de sécurité des Nations Unies. L'irrecevabilité du concept de « légitime défense préventive » qu'invoquent les États-Unis est soulignée par les auteurs. Cette procédure vise à ramener le débat dans le cadre du Droit au moment où les arguments des États-Unis et du Royaume Uni sont de plus en plus imprécis et leurs buts de guerre de moins en moins rationnels. ------------------------------------------------------------------------ 6 mars 2003 DEMANDE La présente est une demande de contrôle judiciaire concernant : JEAN CHRÉTIEN JONH McCALLUM WILLIAM C. GRAHAM MARTIN CAUCHON L'objet de la demande est le suivant : 1 - Déclarer que le Canada ne peut participer à une intervention militaire en Irak dans la mesure où le Parlement du Canada n'approuvera pas la décision relative à une telle intervention et que, sans l'approbation du Parlement, le gouvernement du Canada violerait le principe de la démocratie et par conséquent la Constitution du Canada. 2 - Déclarer que le Canada ne peut participer à une intervention militaire en Irak et que le Parlement ne peut approuver une telle intervention sans que le Conseil de sécurité des Nations Unies ait autorisé une telle intervention et qu'une telle participation contreviendrait à la Charte des Nations Unies et aux règles du droit international coutumier ; 3 - Déclarer que le Canada ne peut participer à une intervention militaire en Irak dans la mesure où les États-Unis d'Amérique menace d'utiliser des armes nucléaires ou d'autres armes de destruction massive dans le cadre de telle intervention et qu'une telle participation contreviendrait aux règles du droit international coutumier. 4 - Déclarer enfin que la participation du Canada à une intervention militaire en Irak, en l'absence d'autorisation du Conseil de sécurité, constituerait un acte d'agression entraînant la responsabilité de l'État canadien mais aussi celle des parties défenderesses en leur qualité respective de Premier ministre, ministre de la Défense nationale, ministre des Affaires étrangères du Canada, ministre de la Justice du Canada et Procureur général du Canada. Les motifs de la demande sont les suivants : PARTIE I - LA MISE EN CONTEXTE DE LA PRÉSENTE DEMANDE SUR LE PLAN INTERNATIONAL 1 - Depuis quelques mois, les États-Unis d'Amérique font largement connaître leur intention de procéder à une intervention militaire contre l'Irak. Ils ont, en outre, en collaboration avec le Royaume-Uni mais aussi avec d'autres États, multiplié les interventions militaires aériennes, menées régulièrement depuis la fin de la guerre du Golfe en 1991, contre certaines zones du territoire irakien ; 2 - Les motifs allégués pour justifier le recours à l'emploi de la force armée sont multiples. Il s'agit tantôt de se débarrasser du régime de Saddam Hussein, tantôt de lutter contre le terrorisme international - avec lequel l'Irak entretiendrait certains liens -, tantôt de se prémunir contre une attaque éventuelle émanant de ce régime qui menacerait les intérêts vitaux des États-Unis, et plus largement de la « communauté internationale », car l'Irak détiendrait des armes de destruction massive (nucléaires, chimiques, bactériologiques ou biologiques) ou poursuivrait des recherches pour s'en procurer ; 3 - Le déploiement militaire des États-Unis et du Royaume-Uni aux frontières du territoire irakien, ainsi que la recrudescence de leurs interventions aériennes contre certaines parties de ce territoire, montrent que celui-ci est menacé d'une intervention militaire. Les déclarations de l'administration Bush, dont celles du Président Georges W. Bush, du Secrétaire d'État Colin Powell et du Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, ainsi que l'envoi régulier de nouvelles troupes américaines confirment ce risque imminent ; 4 - Depuis plusieurs mois, les médias examinent de façon détaillée les faits en les accompagnant, le plus souvent, de commentaires techniques sur les forces en présence, les meilleures conditions météorologiques, les plans d'invasion, les armes et autres moyens utilisés, la durée de l'opération, les réactions de l'armée irakienne. Ils s'intéressent également aux aspects économiques, éthiques ou humanitaires du problème ; 5 - Les parties demanderesses constatent que la dimension juridique du problème est occultée. Ce sentiment est partagé du reste par une grande majorité de juristes de droit international, qui rappellent l'obligation de respecter la Charte des Nations Unies et des règles du droit international coutumier interdisant le recours à l'emploi et la forme armée et l'obligation de régler les différends par des moyens pacifiques ; 6 - En ce qui concerne la participation éventuelle des Forces armées canadiennes à une intervention militaire, l'envoi récent de troupes en direction de l'Irak et leur déploiement s'insèrent manifestement dans une logique d'intervention armée militaire imminente. PARTIE II - LES CONSIDÉRATIONS JURIDIQUES ÉLÉMENTAIRES RELATIVEMENT À TOUT RECOURS À L'EMPLOI DE LA FORCE ARMÉE CONTRE L'IRAK 6 - Les parties demanderesses soumettent respectueusement qu'il n'existe pas de conception d'un « nouvel ordre mondial » permettant un recours unilatéral à l'emploi de la force armée au bénéfice de certains États désireux de garantir le respect du droit international. L'un des grands acquis du XXe siècle est précisément la mise « hors la loi » de la guerre, en particulier par la Charte des Nations Unies sur la base de laquelle les principes fondamentaux suivants ont été élaborés : a) le recours à la menace ou l'emploi de la force armée sont interdits et les États sont tenus de régler pacifiquement leurs différends ; 7 - Conformément à ces principes, aucune règle de droit international n'autorise un ou plusieurs États, y compris le Canada, à recourir unilatéralement, individuellement ou collectivement, à l'emploi de la force armée pour changer un régime ou un gouvernement étrangers ou parce que ce gouvernement posséderait des armes de destruction massive. Seul le Conseil de sécurité pourrait, en fonction de circonstances particulières, décider que de tels faits constituent une menace contre la paix. Il n'a cependant que très rarement considéré que l'existence d'un régime dictatorial était constitutive de menace contre la paix et il n'a jamais qualifié ainsi le fait de développer ou de détenir des armes de destruction massive. À supposer en outre que le Conseil de sécurité qualifie une telle situation de menace contre la paix, ceci ne signifie pas pour autant que la voie du recours à l'emploi de la force armée soit la seule réponse adéquate ; 8 - À la lumière de tels principes fondamentaux, les parties demanderesses sont d'avis qu'en vertu de l'état actuel du droit international : a) Si l'Irak ne respectait pas ses obligations de la Charte des Nations Unies, de la résolution 1441 du Conseil de sécurité des Nations Unies et des règles de droit international coutumier, les États - dont le Canada - doivent chercher une solution pacifique à leur différend, en particulier en utilisant les mécanismes collectifs mis en œuvre sous l'égide du Conseil de sécurité des Nations Unies ; 9 - Les demandeurs soumettent respectueusement qu'une telle intervention militaire- quelle que soit la précision technique des moyens utilisés - menace d'infliger à la population civile des pertes et des dommages qui seront disproportionnés par rapport aux objectifs poursuivis, et ce, en violation des règles coutumières du droit international humanitaire. 10 - Les parties demanderesses sont d'avis que les parties défenderesses doivent fonder leurs décisions sur les règles du droit international et notamment les buts et principes des Nations Unies. 11 - Les parties demanderesses soulignent que la résolution 1441 du Conseil de sécurité n'autorisent pas un recours à l'emploi de la force armée contre l'Irak ; 12 - Les parties demanderesses soulignent également que lors d'une séance du « Senate Armed Services Committee », le secrétaire d'État à la Défense des États-Unis d'Amérique a fait la déclaration suivante : « Does the (Defense) department have an obligation and have they in successive administrations of both political parties had procedures whereby we would conceivably use nuclear weapons ? Yes ». Partie III - LA PARTICIPATION DU CANADA À UNE INTERVENTION MILITAIRE EN IRAK 13 - Le gouvernement du Canada n'a pas de position claire sur la participation du Canada à une intervention militaire en Irak : a) La position prise, à la Chambre des communes, par le gouvernement canadien dans ce dossier n'est pas claire. En effet, les déclarations contradictoires du Premier ministre, du ministre des Affaires étrangères et du ministre de la Défense nationale ne permettent pas de dégager la position officielle du Canada sur la question de la participation militaire à une intervention contre l'Irak ; 14 - La présence des Forces armées canadiennes dans la région du Golfe Persique en date du 5 mars 2003 : a) Depuis quelques mois déjà, les Forces armées canadiennes ont fait preuve d'une intense activité dans la région du Golfe persique et du Golfe d'Oman. Les parties demanderesses y voient le prélude à une future participation du Canada à un éventuel recours à l'emploi de la force armée contre l'Irak ; 14.1 - Les obligations canadiennes en vertu de la Charte des Nations Unies : a) L'interdiction du recours à l'emploi de la force armée est certainement l'un des acquis juridiques les plus importants du système onusien et l'un des principaux fondements sur lequel repose l'ordre juridique international contemporain ; 15 - Les obligations canadiennes en vertu du droit constitutionnel canadien : a) La Constitution du Canada comprend non seulement les dispositions des textes écrits, mais également les règles non écrites. En 1998, la Cour suprême du Canada a reconnu explicitement quatre principes constitutionnels non écrits, dont le principe de « démocratie » ; PARTIE IV - LES MOYENS ET LES REDRESSEMENTS 16 - Les parties demanderesses ont un intérêt manifeste à faire déterminer, pour la solution d'une difficulté réelle, le droit leur résultant du droit canadien et du droit international coutumier de faire respecter le principe de non-recours à l'emploi de la force armée reconnu dans la Charte des Nations Unies et celui du principe de la démocratie résultant de l'ordre constitutionnel canadien et ce, au regard d'un éventuel recours à l'emploi de la force armée en Irak ; 17 - L'intérêt des parties demanderesses à faire déclarer incompatible une intervention armée en Irak sans l'accord du Conseil de sécurité des Nations Unies et sans l'accord préalable du Parlement du Canada est fondé sur le droit de tout citoyen de contester la constitutionalité de toute règle de droit ; 18 - Les questions juridiques en jeu sont manifestement sérieuses et sont justiciables ; 19 - Les parties demanderesses ont un intérêt véritable relativement aux conclusions demandées. En l'espèce, celui-ci découle expressément de l'intérêt public et du pouvoir des tribunaux de contrôler l'action gouvernementale ; 20 - Il n'y a, pour les parties demanderesses, aucun autre moyen raisonnable et efficace de saisir un tribunal de la question ; 21 - Les conclusions recherchées par les parties demanderesses ne concernent pas une situation purement hypothétique ou à venir. L'envoi de troupes et de matériels dans le Golfe persique constitue, pour les parties demanderesses, le prélude à une intervention généralisée. 22 - Le présent litige exige une solution immédiate et rapide pour répondre à des impératifs urgents. 23 - La présente demande est bien fondée en fait et en droit. Les documents suivants seront présentés à l'appui de la demande : Montréal, le 5 mars 2003 ------------------------------------------------------------------------ Parties demanderesses : DANIEL TURP Documents liés AVIS DE DEMANDE ET DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE : Texte intégral de l'avis de demande et de la demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale du Canada DOSSIER DE REQUÊTE : Contenu exhaustif du dossier de requête qui sera présenté le 10 mars devant la Cour fédérale du Canada |
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