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Aidez-nous à tout détruire!Mario Cyr Graffici, Mercredi, Février 5, 2003 - 15:40
Mario Cyr. GRAFFICI
Aidez-nous à tout détruire! Il y a déjà un certain temps que j’avais envie de vous parler de forêt, et voilà que l’occasion m’est finalement offerte avec la lettre que Richard Desjardins, poète et chanteur bien connu, a fait parvenir au premier ministre du Québec, Bernard Landry. La missive, ainsi adressée, tenait en gros le propos suivant : « le malaise va en s’amplifiant dans notre monde forestier. Le régime forestier s’avère incapable d’assurer la population du renouvellement de la ressource. Nous demandons une enquête publique sur la gestion de la forêt ». L’opinion de M. Desjardins à ce sujet est bien connue. On peut même dire que c’est lui qui a relancé le débat en mars 1999 avec le documentaire, qualifié par certains de documentaire-choc, L’Erreur boréale. Un documentaire qui démontrait, selon Richard Desjardins, le triste état de la forêt québécoise. Coupes à blanc, disparition de certaines essences les plus riches, renouvellement incertain, etc. Ce documentaire fut contesté et il l’est toujours. Cependant une chose est sûre: l’onde de choc provoquée au Québec par la diffusion de L’Erreur boréale, a conscientisé toute une population au sort réservé à la forêt. Jamais les gens ne se sont posé autant de questions quant à la façon dont est gérée la forêt québécoise. Voilà le grand succès de Richard Desjardins. Tout ça, c’était en 1999. Malheureusement, malgré que les audiences publiques sur l’environnement au début des années 90 semblaient nous dire des choses semblables à L’Erreur boréale, rien n’a changé. Ou presque. Richard Desjardins fut traité de démagogue. Soit!. Ce n’est qu’un poète après tout. Un bon poète nous fait pleurer ou rire, mais si il nous fait réfléchir, c’est un démagogue. Mais curieusement, le 6 décembre dernier, la vérificatrice générale du Québec, Doris Paradis, pondait son rapport qui lui aussi remet en question la façon dont est traitée la forêt québécoise. Selon elle (et non le gratteux de guitare), le ministère des Ressources naturelles gère mal la forêt, à partir d’outils de calcul douteux. Suite à ce rapport, Richard Desjardins revient à la charge et demande une enquête publique indépendante et itinérante sur la gestion de la forêt québécoise. Chose qu’il réclame depuis quatre ans (mais qu’est-ce qu’ils sont entêtés ces pouètes). Curieusement, cette fois son appel est entendu! Le premier ministre se dit ouvert à l’idée (en date du 14 janvier) et se dit lui aussi très préoccupé par le sort de notre forêt. Élection oblige. En même temps, le ministre des Ressources naturelles, François Gendron, nous dit : « Je souscris à l’idée qu’il va falloir tenter d’offrir cette sécurité au citoyen, il va falloir valider ça par bla bla bla». Mais en même temps –c’est là que ça devient rigolo- il nous dit encore qu’il n’y a pas de coupe excessive et que tout va très bien. Monsieur le ministre puis-je vous rappeler une chose? Bon, il est vrai que les «bûcheuses» de l’Erreur boréale avaient l’air un tantinet diaboliques, mais en décembre dernier, le Devoir publiait un rapport du ministère (d’un sous comité interne) qui dévoilait des pratiques frauduleuses et des inventaires souvent bidons des entreprises forestières. Une autre indication que le propos de L’Erreur boréale n’était pas si faux . Vos calculs, qui sont basés sur ces mêmes inventaires, ne peuvent être justes. Plus de 70 techniciens, ingénieurs, cadres et intervenants du milieu, ont fourni de l’eau au moulin pour ce rapport qui illustre clairement la mauvaise gestion durable de la forêt. Ce ne sont pas tous des gratteux de guitare et des « pouètes », ces gens là. La forêt est mal gérée. C’est ce que nous disent des gens sérieux avec des diplômes. Mais d’autres gens aussi ont une opinion. Et ce n’est pas nécessairement des gens avec des diplômes ou des gratteux de guitare. J’ai une histoire vraie à vous raconter monsieur le ministre Gendron. J’ai la chance d’avoir dans ma famille quelqu’un qui à passé une bonne partie de sa vie en forêt. Ce n’est pas un frustré qui regarde les nouvelles en gueulant. Rare sont les fois ou il lève la voix. C’est même quelqu’un qui a déjà travaillé sur une «bûcheuse». Et il a aussi planté des arbres. Des milliers! Voyez-vous, la forêt il connaît ça. Un jour, je suis attablé et vous êtes, monsieur le ministre Gendron, à la télévision et vous nous dites à quel point il n’y a aucun problème et que les inquiétudes ne sont pas fondées . Et là, sans avertissement, bang! Il lève les yeux de son assiette et dit : « Farme donc ta yeule tu connais rien la dedans maudit innocent ! ». Et vlan ! Venant de cet homme si poli, ce constat cru, spontané et sincère, valait bien le rapport de 100 experts. Par conséquent, nous demandons au prochain gouvernement, en appui avec la demande de Richard Desjardins, la tenue d’une enquête publique, libre et indépendante, sur la gestion de cette forêt qui fut, il y a déjà longtemps, publique. Il est du devoir du gouvernement et des gens qui le composent, de s’assurer que les générations futures bénéficient de leur héritage naturel. Et ce, au delà de basses considérations économiques à court terme. Voilà ce que nous voulons. -30- Mario Cyr
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