L'utopie est elle néfaste pour le mouvement militant ou doit-elle plutôt être envisagée comme une force du changement?

Le poète en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs.
Il est l'homme des utopies Les pieds ici, les yeux ailleurs.
- Victor Hugo

Toutes conceptions sociales radicalement différentes ou opposées au système en place sont la majeure partie du temps considérées comme réalités situées en dehors du champs du réel et du possible, ces « utopies » sont vus la plupart du temps comme des hallucinations loufoques ou des rêves stupides et pas sérieux.. Par définition, une utopie est « une construction imaginaire et rigoureuse d’une société... » « ..., un projet dont la réalisation est impossible. » Cependant, un projet est défini comme étant utopique (impossible et imaginaire) à partir de la réalité actuelle, à partir de la société existante et du système de normes en vigueur dans le moment présent, mais la société et le monde changent constamment, ce qui implique que l’on ne peut pas se permettre de rejeter du revers de la main quelque proposition que ce soit en la qualifiant d’impossible de réalisation et d’utopique et, comme disait le Che « Soyons réalistes, exigeons l’impossible.»
En fait, absolument rien n’est impossible sur le plan social et humain. Par exemple, un suzerain qui aurait élaboré en profondeur et en détails la théorie du capitalisme en pleine expansion du régime féodal aurait été considéré comme un utopique fou et un hérétique, et pourtant, ce sont les bourgs qui ont émancipés les serfs et c’est à l’intérieur de ceux-ci que la mentalité capitaliste bourgeoise s’est développée. Aussi, aurait été qualifié d’utopique celui qui, pendant le règne de la monarchie, aurait avancé l’idée que l’on pourrait mettre sur pieds un État démocratique et un gouvernement représentatif. En fait il aurait été pendu ou décapité sur le champs en se voyant qualifié d’envoyé de Satan ou de je ne sais quoi. Enfin, aurait sans doute été qualifié d’utopique, ou encore pire, d’hurluberlu celui qui aurait dit, pendant la période médiévale, qu’un jour on marcherait sur la lune. Tous ces « utopiques » fictifs ont probablement existé, mais à chaque époque on a étouffé leur message et on les a qualifiés de rêveurs et d’inconscients afin de préserver et protéger l’ordre établi. Rien n’est irréalisable socialement, nous devons envisager un vaste univers de possibles étant donné la disparité des acteurs humains. C’est donc complètement absurde et irraisonné de se borner à une réalité unidimensionnelle et unique, tout simplement parce que c’est la seule à laquelle nous avons été confrontés pendant un bon bout de notre vie. Il faut donc, en tant qu’individus sociaux et socialisés, considérer et aborder les diverses pistes et voies pensées comme potentiellement applicables et directement envisageables.