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3ème Voie en France: l’art de manipuler par la confusion

Anonyme, Friday, November 18, 2011 - 20:07

Au milieu de la crise capitaliste, d’une dépolitisation de la population qui se généralise suite aux échecs de la gauche réformiste et révolutionnaire à faire valoir une alternative sociale et populaire crédible, une organisation fasciste refait surface en France et fait parler d’elle : « 3ème Voie ». Bien que cette initiative et ses activités ne rassemblent quasiment que des individus à l’apparence de CRS chauves qui suivent aveuglement leur messie historique Serge Ayoub, nous allons analyser leurs idées et prétentions confuses. Alchimie de bas étage, rocambolesque et dangereuse, mélange irrationnel et lamentable d’idées et de repères historiques digne d’un inconscient opportuniste, le nationalisme-révolutionnaire appartenant au mouvement solidariste s’accroche, survit auprès d’individus souvent très jeunes, désabusés, en manque de sensations fortes, en manque de connaissances historiques, politiques, économiques et culturelles.

Évidemment, tout ceci ne serait rien sans l’investissement de la figure emblématique et historique du milieu skinhead néo-nazi parisien Serge Elie Ayoub. Ce français « d’origine orientale » comme diraient ses petits camarades, bourgeois et intellectuel raté, galvanisant ses troupes par des allusions historiques et politiques confuses que la plupart ne comprend pas, entend revenir au devant de la scène après s’être rangé une quinzaine d’années suite à des condamnations répétées pour agressions racistes, préférant alors se tourner vers les gangs de motards et le trafic de stéroïdes.

Notre initiative de faire un article ne vient pas de notre volonté de leur faire de la pub mais de mettre en garde. Ne pas surestimer son ennemi mais surtout ne pas le sous-estimer.

Nous, descendant-e-s de résistant-e-s, de militant-e-s ouvriers-ères et d’immigré-e-s, ne connaissons que trop bien ce que le fait de les ignorer donna dans le premier tiers du 20ème siècle…

Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ! Et ces fachos, endurcis par l’expérience de leurs échecs précédents, espèrent bien qu’un jour cet Alzheimer se généralisera à toute la population pour pouvoir agir sereinement, sans plus personne en face d’autre qu’une minorité encore consciente mais devenue impuissante. Notre volonté d’écrire un article apparaît également face à la volonté de nos petits fachos locaux, après avoir voulu rallier le Bloc Identitaire puis le FN, de lancer la section 87 de « Troisième Voie ».

Nationalisme Révolutionnaire / Solidarisme : présentation

« Troisième Voie » se revendique comme étant une organisation « nationaliste révolutionnaire » et « solidariste ».

Le nationalisme révolutionnaire, « NR » en acronyme, est un mouvement intellectuel et politique dont la naissance officielle semble marquée par l’échec du mouvement « Algérie Française » et qui se crée lors de la « Réunion de Venise » en 1962, qui fixe pour une frange de l’extrême droite radicale le projet d’édifier pour l’ensemble des européen-ne-s une Europe blanche, unitaire, d’élite, débarrassée du « capitalisme libéral » et du « communisme égalitariste ». C’est pour cela qu’on appelle communément le nationalisme révolutionnaire « Troisième Voie ». Ce mouvement a une vision nationaliste et différentialiste (racisme non pas biologique mais ethnique et culturel) du monde, et prétend avoir une vision « socialiste » de la société. Il se permet donc d’allier des thèmes traditionnels de la droite conservatrice à des thèmes de la gauche socialiste, se situant en marge de l’extrême droite électorale, afin de pouvoir récupérer tou-te-s les déçu-e-s et les écœuré-e-s du système.

Les parentés directes du NR sont le « national-bolchévisme », un mouvement hybride aberrant venu de Russie mêlant stalinisme et nazisme, ainsi que le national-syndicalisme venu de la Phalange Espagnole franquiste, d’obédience fasciste. On peut considérer que le NR est l’authentique doctrine d’un fascisme global d’héritage et de synthèse, la fusion entre le fascisme social mussolinien et le nazisme racial d’Hitler (nous y reviendrons après). Sur le plan antisémite, il ne revendique pas d’apriori racial biologique concernant le peuple juif mais adopte une vision conspirationniste et politique. Le « juif » est vu comme étant « l’agent du cosmopolitisme et du mondialisme financier qui empêche l’édification du socialisme national ». Vous remarquerez l’usage volontairement inversé d’avec national-socialisme pour ne pas choquer directement. Les NR soutiennent et défendent également les négationnistes qu’ils choisissent minutieusement pour créer de la confusion tel Roger Garaudy (ancien résistant communiste, condamné en 1998 pour incitation à la haine raciale, provocation raciale et contestation de crime contre l’humanité).

Mais d’un point de vue de continuité historique, le nationalisme révolutionnaire puise une grande partie de ses racines (et le revendique d’ailleurs parfaitement) dans le parti politique nazi d’Adolf Hitler (NSDAP). En effet, les militants nationalistes-révolutionnaires se revendiquent héritiers en partie des frères Otto et Gregor Strasser, dirigeants de « l’aile gauche » du nazisme. Expulsés du parti d’Hitler pour s’être proclamés les seuls « vrais national-socialistes », ils fondèrent en 1930 le « Front Noir », ou plus précisément la « Communauté de Combat National-Socialiste d’Allemagne » (NSKD) qui fut interdit en 1933. Ses membres, principalement les sympathisant-e-s et militant-e-s les plus « socialistes » du nazisme, furent en majorité déporté-e-s dans des camps de concentration. Le Furher veut être le seul maître de sa folie.

Le Front Noir avait comme symbole d’organisation un glaive et un marteau rouges croisés sur fond noir. Il figure aujourd’hui sur des drapeaux que nous pouvons retrouver dans les manifestations néo-nazies en Allemagne, en Europe du Centre et de l’Est aux côté de croix gammées, croix celtiques détournées et autres symboles ésotériques et occultes nazis. Plus proche de nous, on peut les retrouver dans les manifestations de 3ème Voie en France comme celle organisée à Lille le 8 octobre 2011. Le trident est un autre symbole contemporain de ce mouvement. La filiation avec le nazisme est donc bel et bien assumée.

Le solidarisme, sans véritable filiation avec le solidarisme pensé par le radical Léon Bourgeois en 1896, outre la volonté de se démarquer du libéralisme et du marxisme, est un mouvement presque synonyme de nationalisme révolutionnaire, apparut en 1975 autour de deux figures : Jean-Pierre Stirbois et Michel Collinot qui militent dans le Mouvement Jeune Révolution (MJR – crée en 1966 par des anciens de l’OAS – Organisation de l’Armée Secrète) et créèrent l’Union Solidariste en 1975. Ils furent tous deux des pontes dans le Front National. Les idées phares sont le refus du matérialisme et de l’impérialisme des blocs alors existants : américain / soviétique. On peut noter un attachement aux idées proudhoniennes anti-marxistes, sans réellement comprendre l’idéologie de Proudhon, autre que l’idée d’indépendance nationale.

Les organisations NR en France

Au niveau de l’existence organique en France, le nationalisme révolutionnaire est apparu sous la forme de plusieurs groupuscules constamment animés par les mêmes individus, tournant en rond :

« Réseau radical », (nous commençons par ce groupe de réflexion pour voir les différentes idées des chefs qui fondèrent les organisations NR). Pôle de réflexion nationaliste révolutionnaire et solidariste fondé en 2002 notamment par Christian Bouchet, ancien d’Unité Radical. Les références idéologiques oscillent entre l’eurasisme d’Alexandre Douguine (conception impérialiste et socialiste-nationaliste qui regroupe toute l’Europe jusqu’à la limite de l’Asie), fascisme lié à la pensée contemporaine de François Duprat, fascisme radical lié à Julius Evola et national-bolchévisme / national-socialisme lié à Jean Thriart, ancien de l’association des « Amis du Grand Reich Allemand », favorable à la collaboration et partisan de l’annexion européenne par les nazis.

« Jeune Europe », fondée en 1962 par Jean Thriart, issue du Mouvement d’Action Civique et de l’OAS.

« Groupe Union Défense », organisation étudiante d’extrême droite créée en 1968 par d’anciens militants du groupe Occident, reposant d’abord sur une idéologie du nationalisme français peu élaborée pour évoluer ensuite vers le NR.

« Groupes Nationalistes Révolutionnaires de Bases », fondés en 1978 par François Duprat qui structura à partir d’eux la tendance radicalement fasciste, pro-nazi, au sein du Front National.

« Troisième Voie », première génération. Fondée en 1985 par Jean-Gilles Malliarakis. Ce dernier se présente comme « néo-fasciste ». Troisème Voie fit beaucoup parler d’elle pour avoir intégrées et structurées les Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (JNR) sur Paris ,dont le chef de cette bande de « skinheads nazis » est Serge Ayoub, alias Batskin. Après l’éclatement de l’organisation en 1991, Malliarakis milite à la Confédération Européenne de Défense des Commerçants et Artisans (CEDCA).

« Nouvelle Résistance », fondée en 1991 par les anciens de Troisième Voie et des pro-nazis de Jeune Europe, animé par Christian Bouchet. L’organisation se transformera en « Union des cercles de résistance » lors de son troisième congrès en 1996. Puis donnera naissance à Unité Radicale.

« Unité Radicale », fondée en 1998 par le GUD, l’Union des cercles de résistance et Jeune Résistance. L’organisation fut dissoute suite à la tentative d’assassinat sur Jacques Chirac en 2002 par un de ses membres.

Etude et analyse de classe du Nationalisme Révolutionnaire et de Troisème Voie.

Nous l’avons vu le nationalisme révolutionnaire est clairement une composante du fascisme et du national-socialisme. Le fascisme peut se résumer par « c’est la petite bourgeoisie qui passe à l’action ». Dans son Histoire du mouvement fasciste, Gioacchino Volpe (lui-même proche du fascisme) rapporte que sur la liste des 308 éminents chefs fascistes italiens en 1920, 254 d’entre eux font partie ou sont issus de la petite et moyenne bourgeoisie. Le fascisme a été l’instrument de la réorganisation impérialiste des sociétés italienne et allemande, l’instrument de l’hégémonie du capital financier sur les autres secteurs du capital. Regardons de plus près.

Confusion et révisionnisme historique pour pouvoir séduire

Le 8 mai 2011, lors de la manifestation nationaliste intitulée « La France est de retour ! », on voit plusieurs cortèges d’extrême droite défilant avec la volonté de montrer une discipline ferme, rangée et organisée mais dont le résultat ferait pâlir de honte César devant ces « soldats politiques ». Alors, Serge Ayoub, tribun raté, désespéré, entend des voix et parle à Jeanne. Il lui apprend l’histoire depuis qu’elle est absente, et tous les évènements historiques marquant mettant en scène le peuple, « C’est Nous ! ». Ainsi, prétend-il, depuis 1500 ans, le peuple français accompagne avec conviction et foi les folies conquérantes et guerrières de ses maîtres. Rien ne doit procurer plus de fierté ! Encore faut-il connaître l’histoire… En tout cas ces références sont le ciment idéologique et les repères historiques de son organisation.

C’est vrai, ce peuple mythifié, idéalisé, dont à cette époque la moitié sud n’est pas franque mais occitane, dont l’ouest n’est pas franc mais breton, est fier de se faire marcher dessus par ceux et celles qui règnent sur lui, par ces rois francs « étrangers » aux terres celtes romanisées d’Occitanie et de Bretagne. Ces rois francs mérovingiens et capétiens « étrangers » qui envoient en première ligne le peuple autochtone se faire massacrer pour leurs intérêts de riches propriétaires. Ces terres ne sont conquises qu’au prix du sang des autochtones, au prix de l’esclavage des serfs. C’est vrai que ce peuple français fut bien content et fier de mourir pour agrandir la puissance et la richesse de ses bourreaux royaux et religieux qui l’ont envahi et l’exploitent.

C’est vrai que ce peuple français fut fier d’obéir à l’appel de la guerre de succession, pour la bataille de Malplaquet en 1709 sous Louis XIV, pour des intérêts qui ne furent pas les siens mais juste ceux de ce Roi soleil qui laissait mourir de faim la population et réprimait les jacqueries paysannes pour oser réclamer plus de justice ; et qui préférait se goinfrer lors de banquets à répétition en endettant considérablement le pays.

C’est vrai que ce peuple s’est levé en masse pour chanter la Marseillaise contre une Europe royale coalisée contre la France (dont le Roi Louis XVI fut complice). Ce qui, soit dit en passant, représente déjà un antagonisme de mentalité entre cette période et celle précédemment citée. Ce peuple dévoué corps et âme à la monarchie jusqu’à se lever pour la bataille de Malplaquet se retourne subitement contre son suzerain 80 ans plus tard pour instaurer la « République et la Liberté ». N’est-ce là qu’une notion de patriotisme transmise depuis Charlemagne qui motive ces évènements et la volonté populaire, ou bien est-ce du matérialisme historique, c’est à dire que les évènements historiques sont influencés par les rapports sociaux en particulier les rapports entre les conditions et les classes sociales ?

Mais c’est vrai que le nationalisme révolutionnaire est contre le matérialisme pour pouvoir détourner les évènements à son profit.

Mais la suite est encore mieux ! On passe de la République à l’Empire, puis aux Communes révolutionnaires socialistes sans faire acte des réalités psychologiques, politiques, historiques et sociales qui animent les différentes parties du peuple au cours de ces périodes antagoniques. Non, Serge ne voit que par la transmission des valeurs patriotiques françaises. Tous les évènements historiques de la France ne sont motivés que par l’élan et la conscience patriotique de son peuple contre les corruptions, les oppressions, les injustices.

Mais c’est curieux que ton histoire s’arrête à la première guerre, avec la bataille de la Somme où c’est dis-tu « Encore Nous ! ».

Alors, Serge, une petite question. Vu que tu ne veux pas aller plus loin, et ça se comprend : tes camarades monarchistes du Renouveau Français présent-e-s à ton discours, ça a dû leur glacer le sang d’entendre de ta bouche revendiquer l’héritage des communards… donc dis-nous, le régime collabo et anti-patriote de Vichy, « Toujours Nous » ?

Pourquoi la confusion ?

Ce qu’il faut maintenant analyser c’est ce qui pousse les mouvements et organisations fascistes à se réapproprier l’histoire pour que ça leur serve de base idéologique et donc de crédibilité. Eux qui se targuent d’être identitaires, d’être les pur-e-s, sont en fin de compte les seul-e-s à ne pas avoir d’identité. Ils sont obligé-e-s, comme les parasites, de se greffer sur quelque chose de pré-existant pour pouvoir exister et se développer.

La volonté de semer la confusion et de réviser l’histoire à leur profit, prenant par-ci par-là des thèmes, des repères comme à droite : la tradition, la famille, la spiritualité, l’ordre… et à gauche : le social, l’action, la masse, la révolte contre l’injustice et l’oppression… colle en fait à leur stratégie de développement et d’accession au pouvoir.

Il est important de rappeler que le fascisme naît et se développe dans une société mondiale caractérisée par la concentration du capital, que nous pouvons qualifier d’impérialiste. C’est à dire que les monopoles se substituent à la libre concurrence. Le marché national est saturé par le développement des forces productives et contraint à une expansion économique vers l’étranger. Ceci se réalise à travers la conquête de marchés et d’investissements. La concentration du capital, caractéristique de l’impérialisme, implique le développement du rôle économique de l’État. Le fascisme est une réponse politique à la paupérisation de certaines classes sociales, la réponse à leurs déclassement. C’est pourquoi les bases sociales de celui-ci émanent surtout de la petite et moyenne bourgeoisie. Ainsi, les cadres du NSDAP allemand, comme du Parti National Fasciste italien, ses dirigeants, mais également les larges secteurs de la base sont issus de la petite bourgeoisie (petits propriétaires terriens, artisans, fonctionnaires intellectuels, commerçants, petits patrons…) qui est frappée par l’évolution de l’économie : la concurrence des grandes entreprises entraine une paupérisation, voire une prolétarisation, c’est-à-dire que les paysans, les commerçants sont contraints d’abandonner la propriété de leurs moyens de production pour aller se salarier. Le fascisme critique donc dans un premier temps le grand capital. Son discours peut apparaître comme « anticapitaliste », « révolutionnaire », n’ayant pas honte de se réapproprier des héritages du monde ouvrier socialiste comme le blanquisme ou la Commune de Paris 1870. Mais en analysant de plus près il est évident que le fascisme vise simplement à la réforme du capitalisme, à protéger les intérêts des classes moyennes fortement représentées dans ses rangs.

Le fascisme fait tout son possible pour attirer la classe ouvrière à lui. Il se construit autour d’une image qu’il veut alternative et révolutionnaire, car il faut bien pour être « révolutionnaire » conquérir la classe capable de faire la Révolution. D’ailleurs Mussolini tenta de compromettre des dirigeants ouvriers de corporations. Le programme des « faisceaux de combat » de 1919 en Italie révèle un aspect socialisant pour séduire la classe ouvrière, par exemple le « vote des femmes, la séparation de l’Église et de l’État ainsi que la saisie de tous les biens religieux, salaire minimum, journée de 8h, désarmement général, gestion des industries publiques par les organisations prolétariennes » (qui en réalité sont des organisations corporatistes où patrons et travailleur-euse-s sont main dans la main comme dans le syndicalisme jaune).

Le fascisme apparaît d’abord donc comme une force pleinement autonome, comme un ennemi déclaré du grand capital tout en se disant ennemi de la lutte de classes et de l’internationalisme : une « troisième voie ».

Cependant, le fascisme ne peut accéder au pouvoir sans alliance. Or nous allons voir qu’une alliance ne peut être passée avec le prolétariat.

Contre la classe ouvrière

Le fascisme et le national-socialisme (et donc leur continuité aujourd’hui, le NR) forment l’idéologie bourgeoise d’action sociale. La petite et moyenne bourgeoisie est une classe frustrée de ne pas avoir le total contrôle économique et de ne pas avoir le rôle de transformation révolutionnaire politique dans la société. C’est pourquoi, dans la crise capitaliste, en phase d’être bousculée par l’une des deux classes sociales (capitaliste-encadrement et ouvrière), qui ont le rôle dirigeant de changement économique et politique, la petite bourgeoisie décide de passer à l’action pour maintenir son contrôle et son rang dans la société que les révolutions bourgeoises nationales lui ont donné. C’est la raison pour laquelle Serge Ayoub, dans ses discours, et dans les écrits de Troisième Voie, défend une continuité historique hautement patriotique, une communauté de destin inébranlable dans sa conscience patriotique qui passe allègrement au delà des antagonismes idéologiques et de classe. Cette communauté de destin, c’est la petite et moyenne bourgeoisie, car en tant que couche moyenne, les classes sociales de la petite et moyenne bourgeoisie ont tendance à se percevoir comme l’élément unifiant de la nation, celui qui utilisera l’État afin de mener une politique de cohésion sociale, d’où le rejet de la lutte des classes et du matérialisme historique.

Dans la lutte des classes, la petite et moyenne bourgeoisie peut, selon les intérêts qu’elle a à y gagner, se rallier :
soit au prolétariat qui regroupe les personnes qui n’ont pas de capital et sont contraintes de vendre leur force de travail pour subsister ;
soit aux capitalistes, la bourgeoisie d’encadrement, qui possède le capital et dispose ainsi des moyens de faire travailler autrui à son profit en pesant sur le cours d’achat de la force de travail.

Devant les notions de collectivisation, de socialisation des révolutions ouvrières, il est normal que la bourgeoisie décide de se rallier à la classe dominante capitaliste contre la classe ouvrière, opérant alors une contre-révolution, car elle a tout à y perdre : ses privilèges, sa place, son existence. Le fascisme apparaît donc avec cette notion de survie pour la petite et moyenne bourgeoisie. Elle se transforme alors en bras armé, passe à l’action pour à la fois défendre son rang mais également gravir les échelons sociaux de contrôle en écrasant la classe ouvrière. C’est pourquoi le fascisme, le national-socialisme et le nationalisme révolutionnaire, en terme de « socialisme » ne vont pas plus loin que la volonté de nationaliser les secteurs économiques, productifs et financiers. C’est-à-dire que les secteurs anciennement sous le joug du capitalisme mondialisé tombent sous contrôle de la bourgeoisie nationale concentrée dans l’État. C’est pourquoi l’État est si important pour les fascistes, il est l’arme de réappropriation et de contrôle politique et économique par et pour cette bourgeoisie. L’intérêt général devra être géré par un État fort, voire un homme providentiel. Le fascisme s’inspire d’un ancien régime mythique qui aurait existé et où chaque individu aurait respecté sa fonction sociale suivant ses capacités naturelles. Ainsi, plus le développement capitaliste est avancé et plus l’État peut apparaître comme le facteur de résorption de la crise.

Le Front des Patriotes (groupuscule qui regroupe les nazis de Lemovice et nationalistes radicaux de Limoges), rallié tout récemment à Troisième Voie, nous le démontre avec un de ses autocollants « Contre les bankesters et les financiers apatrides, nationalisation de toutes les banques ! ». D’ailleurs, le programme de 1920 du NSDAP, le plus « gauchiste », demande la nationalisation des sociétés par action mais pas leur socialisation. Les entreprises seront allouées. Il n’y aura donc pas disparition de l’exploitation capitaliste, juste un renouvellement du personnel aux commandes. Il serait plus juste de parler de « retour » car le fascisme se réfère à une économie mythique, une économie corporatiste où les classes coexisteraient dans l’harmonie et dans l’intérêt général, au travers de cadres culturels naturels qui forment la nation. Donc le fascisme et le nationalisme révolutionnaire n’ont rien de « révolutionnaire » pour les travailleurs-euses. D’ailleurs le manifeste de Troisième Voie stipule que « nous défendons la liberté d’entreprendre comme droit fondamental (…) le marché doit obéir à des lois au service du peuple ». Donc non seulement le capitalisme n’est pas abolit, il n’y a pas de socialisme, mais en plus ici, le peuple, bien que donnant l’illusion d’être au centre de la problématique n’a en fait aucun contrôle sur les événements vue qu’une force supérieure à lui se chargera de son bonheur, de le servir : l’Etat et les lois. Ni le peuple, ni les travailleurs-euses ne sont acteurs. Il y a donc au travers de Troisième Voie la réelle volonté d’établir un système autoritaire bureaucratique et élitiste.

Mais rien ne vaut l’exemple historique pour démontrer que le fascisme, et donc aujourd’hui le nationalisme révolutionnaire et son organisation Troisième Voie, sont des mouvements contraires aux intérêts de la classe ouvrière.

Italie 1920. Le déchainement de violence commence à Bologne et en Emilie-Romagne qui sont le cœur du contre-pouvoir socialiste. La population est invitée le 21 novembre à fêter la victoire des socialistes aux municipales. Les fascistes attaquent, font dix mort-e-s et une dizaine de blessé-e-s pour le plus grand bonheur des propriétaires terriens de la région qui se plaignaient d’occupation de leurs terres par les paysans en révolte.

Le 20 décembre 1920, deux mille fascistes convergent de toute la province et attaquent un meeting socialiste de Ferrare. Deux ouvriers perdent la vie mais également trois fascistes.

En représailles, les fascistes se rendent dans chaque bourgade de la province pour détruire les locaux syndicaux et politiques ouvriers, dans les habitations des militant-e-s grâce aux renseignements de la police, tuant, violant les femmes qui s’interposent.

Au nord, en février 1921, à Trieste, les armateurs, banquiers et assureurs financent les fascistes qui saccagent la Bourse du Travail. Les ouvrier-ère-s décrètent alors une grève générale et s’arment. L’armée investit la province et les isolent pendant que les fascistes ont alors les mains libres pour détruire méthodiquement les sièges des organisations ouvrières, leurs journaux, leurs lieux de rencontre et de sociabilité, les cercles culturels. L’offensive brune gagne toute la plaine du Pô. Après Modène en Emilie-Romagne, c’est à Mantoue en Lombardie, le 20 avril, que sont détruits le Cercle cheminot, l’Université Populaire, les Bourses du travail. Les patrons profitent de l’intimidation pour mener leur offensive sur les acquis ouvriers. La moindre résistance de la part des travailleurs-euses est sévèrement réprimée. L’association agraire, patronale, n’embauche plus que des paysans adhérents aux Faisceaux fascistes. A San Giovanni del Dosso, la journée de travail passe de huit à dix heures. A Ostiglia, les fascistes donnent un délai d’un mois à la grande coopérative pour fermer ses portes. Toujours en avril, la région de Parme est entièrement dévastée. La coopérative vinicole de Pacenza est saccagée après que les carabiniers aient investi les lieux revolver aux poing, ouvrant la voie aux fascistes.

A Reggio d’Emilie, les coopératives et services municipaux socialistes de production et d’alimentation sont détruits. A Crémone, en Lombardie, se déchaînent les troupes de Roberto Farinacci. En mai 1921, les agrariens de Vénétie refusent de reconduire les anciens contrats agricoles arrivant à échéance. Les fascistes s’emparent de la région et liquident les organisation ouvrières. A Florence en mai 1921, l’imprimerie coopérative est incendiée. Le leader communiste Lavagnini est assassiné. Deux jours après, la maison du peuple à Sienne est incendiée par les fascistes avec l’essence fournie par les grands propriétaires du Consortium agraire, aidés des carabiniers et des forces armées. A la fin du mois de février, les fascistes attaquent Bari dans les Pouilles.

Ce sont plus d’un millier de sièges d’organisations prolétariennes qui sont détruits au cours du seul premier trimestre 1921 : ligues paysannes, cercles de culture populaire, universités populaires, coopératives ouvrières et paysannes, journaux et imprimeries, sièges de sections politiques, bibliothèques, locaux syndicaux, Bourses du Travail… S’y ajoutent le bannissement ou l’assassinat de leurs responsables, les démissions forcées des « municipalités rouges », les milliers d’expéditions punitives aux domiciles des militant-es ouvriers-ères, le saccage et l’incendie de leurs habitations…

Il s’agit bien là d’une liquidation systématique de toute forme d’organisation ouvrière et paysanne. L’éradication de toute prétention pour le prolétariat à renverser l’ordre établi. Il s’agit donc bien d’une contre-révolution orchestrée par la bourgeoisie et le capital mondialisé. Inutile de faire la même énumération des faits concernant l’Allemagne nazie ou encore l’Espagne franquiste, c’est exactement les mêmes pratiques et le même résultat !

La suite logique des évènements

Donc nous avons vu que le fascisme se construit premièrement comme force autonome, tentant de rallier à lui la classe ouvrière, comme la volonté de Serge Ayoub et de Troisième Voie de créer un vaste mouvement de national-syndicalisme, un fascisme ancré chez les travailleurs-euses. Mais comme nous l’avons vu, le fascisme ne remet pas en cause l’exploitation capitaliste et il ne peut faire illusion bien longtemps avec son verbiage gauchiste. Le fascisme n’empiète que très difficilement sur le mouvement ouvrier et le combat violemment.

Ne peut s’en suivre donc qu’une instrumentalisation du fascisme. Et nous voyons d’ailleurs petit à petit les thèmes récurrents de l’extrême droite devenir des thèmes au sein des forces traditionnelles républicaines, même à gauche. Le fascisme est d’actualité, car comme par l’expérience passée, il peut ouvrir de nouvelles perspectives politiques pour le grand capital qui est confronté à une crise idéologique et structurelle du système. Les gouvernements se succèdent mais n’arrivent pas à enrayer la crise économique, la contestation sociale et les conflits entre les différentes fractions du capital. Car ce n’est pas n’importe quelle fraction du capital qui s’allie au fascisme : c’est la grande bourgeoisie industrielle et bancaire.

Il faut dire que le discours fasciste facilite le compromis avec les classes dirigeantes. Rappelons que leur « anticapitalisme » est plus que flou. C’est davantage la mauvaise gestion du système qui est dénoncée que le système en tant que tel. Le manifeste de Troisième Voie le revendique d’ailleurs clairement : « l’ultralibéralisme mondialisé revendiqué comme l’alpha et l’oméga du bonheur du monde n’a de libéral que le nom. Il est en réalité un système totalitaire marchand. Une mécanique qui asservit l’homme au lieu de le servir ». Il suffit donc de substituer aux vielles castes politiciennes corrompues, des hommes neufs et sincères. En outre, les fascistes savent varier leur discours en fonction des classes sociales auxquelles ils s’adressent. Cette transformation des partis fascistes rend possible leur arrivée au pouvoir, soutenue par le grand capital.

REDSKINS LIMOGES (///)

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