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Une critique du Post-Anarchisme : Gender studies, queers, etc.

Anonyme, Tuesday, May 3, 2011 - 22:29

étrange normalité

Avec une certaine théorie queer, la subversion politique demeure enfermée dans les campus universitaires. L’action collective et la transformation radicale de la réalité sociale ne sont jamais envisagées. Il s’agit de s’accommoder de l’ordre social existant en tentant de le subvertir à la marge. Ce type de stratégie rejoint les aspirations de la mouvance des squats qui se contentent d’afficher un mode de vie marginal sans tenter de faire vaciller la société marchande.

Les théories post-modernes doivent être critiquées, pas uniquement pour le plaisir de la joute intellectuelle. Ses idées à la mode exercent une réelle capacité d’influence dans les milieux altermondialistes, autonomes et alternatifs.

Le post-anarchisme repose sur une théorie innovante du pouvoir développée par Michel Foucault. Pour résumer, le pouvoir ne se réduit pas aux institutions qui imposent des règles directement contraignantes mais comprend les rapports sociaux qui diffusent des normes. Une manière de penser, d’agir est modelée par les relations que les individus entretiennent entre eux.

Autant directement citer la prose opaque de Michel Foucault: « Le pouvoir n’est pas quelque chose qui s’acquiert, s’arrache ou se partage, quelque chose qu’on garde ou qu’on laisse échapper; le pouvoir s’exerce à partir de points innombrables, et dans le jeu des relations inégalitaires ou mobiles […] ». Michel Foucault évoque sa conception du pouvoir notamment dans La Volonté de savoir.

Cette conception du pouvoir permet de s’attaquer à toutes les formes de domination. Contrairement aux idées avancées par les groupuscules anarchistes, la suppression de l’État ne signifie pas le dépassement de toute forme de domination, même s’il s’agit d’un préalable indispensable. La société post-révolutionnaire doit également transformer qualitativement les rapports sociaux.

Je précise que cet article critique de manière virulente les théories post-anarchistes mais aussi que ses idées peuvent être utilisées de manière stimulante. La critique des rapports de pouvoir qui perdurent dans le militantisme révolutionnaire traditionnel peut déboucher vers des réflexions sur de nouvelles pratiques de lutte.

Les premiers matériaux pour une Théorie de la Jeune-Fille, esquissés par Tiqqun, permet de réactualiser la critique de la normalisation de la vie quotidienne par la diffusion d’une manière de penser et d’agir propres à la modernité marchande. En revanche, en dehors de quelques réflexions critiques pertinentes, les post-anarchistes ne développent aucune perspective de transformation révolutionnaire de la société.

L’imposture post-anarchiste

Des chaires universitaires au mouvement autonome, qui exalte une radicalité pseudo révolutionnaire, la diffusion des théories postmodernes semble irrésistible. La French Theory compose un assemblage intellectuel qui s’impose comme la dernière subversion radicale à la mode. Gilles Deleuze, Félix Guattari, Jacques Derrida, et l’incontournable Michel Foucault garnissent le panthéon de la théorie critique adoubée par toutes les institutions académiques.

La subversion textuelle, la théorie queer, les évolutions moléculaires, les TAZ, les rhizomes et autres flux enlisent les idées libertaires dans une bouillie imbuvable.

La théorie postmoderne permet à ses thuriféraires de cultiver une posture de rebelle à l’ombre des amphithéâtres. Judith Butler combine parfaitement sa critique queer avec une prestigieuse carrière universitaire. Le discours post moderne se réfugie dans l’étude littéraire pour tenter de modifier les représentations plutôt que la réalité matérielle.

Le post anarchisme apparaît comme un anarchisme néo-stalinien. De l’anarchisme, ses théories conservent l’anti-marxisme qui consiste à privilégier l’idéologie et l’idéalisme sur l’observation empirique de la réalité matérielle. Du néo-stalinisme, les postmodernes empruntent la posture de l’avant-garde selon laquelle les intellectuels éclairent une plèbe ignare, notamment par rapport à l’oppression qu’elle subit.

Pourtant, les théories postmodernes jouissent d’un crédit assez exceptionnel auprès de certains milieux radicaux. L’influence de la logorrhée foucaldienne de Tiqqun, ou plus largement la référence incontournable à la queer theory, attestent du triomphe de ce courant intellectuel.

Michel Foucault pape du post-anarchisme

Le théoricien du biopouvoir s’impose comme la figure tutélaire du post-anarchisme. Les théories de Michel Foucault s’institutionnalisent afin de limiter l’influence du marxisme. Malgré le détestable déterminisme historique des communistes dogmatiques, le marxisme critique s’appuie sur l’observation empirique des réalités matérielles. Désormais, la spéculation intellectuelle et les acrobaties conceptuelles priment sur l’étude des structures économiques et sociales. Les concepts de Michel Foucault se répandent d’autant plus facilement que leur opacité exerce un effet d’autorité dans les milieux académiques. Dans les milieux radicaux, les concepts nébuleux permettent une réappropriation facile. Si personne ne comprend des concepts, alors chacun peut les comprendre comme il l’entend.

Ensuite, l’image de l’intellectuel militant au regard lucide et critique sur son époque relève du mythe. Ses engagements successifs reflètent davantage l’opportunisme plutôt que la cohérence intellectuelle. Michel Foucault devient, dans les années 1968, une des cautions intellectuelles des délires maoïstes qui fossilisent le communisme le plus orthodoxe. Ensuite, le philosophe défend les droits de l’Homme avant de devenir l’idiot utile de la contre-révolution islamiste en Iran.

La réaction post-moderne

Le discours des cultural studies et de la queer theory ne se cantonne pas aux sermons des stars de campus américains mais altèrent les mouvements de contestation sociale. Avec le bavardage postmoderne, les micro récits remplacent le projet révolutionnaire d’une émancipation universelle. Les luttes de genres priment sur la lutte des classes.

La dénonciation de l’universalisme abstrait prime sur la critique de la marchandise concrète. Les projets de libération universelle sont réduits à la domination du « mâle, européen, blanc, hétéro normé ». En revanche, si des coupables sont désignés aucune perspective libératrice ne se dessine.

La théorie queer s’attache à un post-féminisme radical chic qui occulte la question sociale et la précarisation des femmes. Le combat contre le patriarcat est remplacé par celui contre l’hétéronormalité à travers une valorisation de la culture télévisuelle. « Les post féministes ne se battent pas pour le droit des femmes et des hommes à disposer librement de leur corps, ni pour une sexualité inspirée par l’amour, le désir et les fantasmes, mais pour imposer, autoritairement, une nouvelle normalité sexuelle » observe Jordi Vidal.

A la mode queer

La théorie queer applique les principes postmodernes à l’étude de l’homosexualité et à « l’identité de genre ». Judith Butler estime que « nous sommes constitués par des normes et des conventions qui nous précèdent et nous dépassent ». Elle insiste sur les possibilités de « développer une puissance d’agir, de devenir des genres différents ». La queer theory, avec son jargon et ses effets stylistiques, dénonce les normes et les conventions pour obtenir des postes dans l’université.

L’obsession du genre et le primat des questions culturelles permet d’occulter les enjeux politiques liés à la lutte des classes. La notion de genre dénonce l’idée de nature humaine pour souligner la construction, à travers les rapports de pouvoir, des identités. Le genre s’oppose à la notion de sexe qui naturalise l’identité et s’inspire des idées foucaldiennes. Mais la queer theory n’envisage aucune perspective d’émancipation universelle et se contente d’observer les dispositifs de pouvoir sans apporter de réponse concrète aux questions soulevées. Judith Butler nie l’efficacité de toute action politique puisque, selon elle, toute libération génère d’autres formes de contraintes. Ses analyses qui se veulent radicales débouchent vers le créneau universitaire du « nihilisme de la chaire ».

Aucune perspective révolutionnaire

La subversion du pouvoir et des normes proposée par Judith Butler se contente de réunir la panoplie du parfait subversif avec la parodie, le détournement verbal , le déguisement du drag-queen, la valorisation de pratiques sexuelles « troublées », etc. Le philosophe Richard Rorty ironise sur le « textualisme radical » de Butler. La théorie post féministe survalorise le langage par rapport à la réalité. Ses réflexions universitaires n’émergent même pas des recherches en sciences sociales mais des départements d’études littéraires. Judith Butler ne s’intéresse pas à des problèmes empiriques mais tente de repenser la théorie littéraire féministe. La théorie précède la formulation d’un problème réel.

La théorie queer ne propose aucune solution politique et demeure pessimiste par rapport à l’action collective. Selon Martha Nussbaum, Butler « suggère que les structures institutionnelles qui sont la cause de la marginalité des gays et des lesbiennes dans notre société, et de l’inégalité persistante des femmes, ne seront jamais changées profondément et que, de ce fait, notre plus grand espoir consiste à leur faire un pied de nez et à trouver, en leur sein, des poches de liberté individuelle ».

Avec une certaine théorie queer, la subversion politique demeure enfermée dans les campus universitaires. L’action collective et la transformation radicale de la réalité sociale ne sont jamais envisagées. Il s’agit de s’accommoder de l’ordre social existant en tentant de le subvertir à la marge. Ce type de stratégie rejoint les aspirations de la mouvance des squats qui se contentent d’afficher un mode de vie marginal sans tenter de faire vaciller la société marchande.

La résignation face aux pouvoirs

Le post-anarchisme accompagne le néolibéralisme avec la dissolution du projet universel dans les revendications identitaires particulières. La conception post-anarchiste du pouvoir comprend certaines limites. Pour les postmodernes, le pouvoir repose sur les relations sociales et ne peut pas être détruit. Michel Foucault amalgame le pouvoir comme domination avec la notion de pouvoir comme capacité d’agir. Ainsi, l’oppression liée au pouvoir institutionnel semble niée. Les anarchistes révolutionnaires, qui luttent pour l’abolition de l’État, ne nient pas l’influence que les individus exercent les uns sur les autres mais affirment également la nécessité d’une confrontation avec les institutions. Les théoriciens postmodernes évoquent un sujet assujetti, déterminé par « une passion primaire de la dépendance » selon Judith Butler. Ses théories s’opposent donc à l’anarchie qui suppose un volontarisme révolutionnaire.

La théorie post-anarchiste permet cependant de critiquer les rapports de pouvoir dans la vie quotidienne. Toutefois, la domination et les rapports de pouvoir sont présentés comme inéluctables. Les postmodernes insistent sur l’aliénation qui condamne les individus à la domination. L’idéologie post-anarchiste relègue la perspective d’une rupture révolutionnaire derrière les réseaux de micro résistances.

Repenser l’anarchisme révolutionnaire

Dans un livre qui cuisine les théories postmodernes à la sauce NPA, Razmig Keucheyan souligne que ce courant est lié à un cycles de reflux des luttes révolutionnaires. Pessimisme et défaitisme alimentent ainsi ses théories de la résignation et de l’accommodement avec l’ordre marchand. Dans un contexte d’incertitudes et de doute, le projet révolutionnaire en ressort largement ébréché. Le projet d’un changement global de société est désormais assimilé au totalitarisme. Mais cette période apparaît également comme un cycle d’expérimentation, de résistances et de créations.

Mais Daniel Colson, théoricien anarchiste, s’inspire directement des idées postmodernes pour penser l’émancipation. Il reprend la formule de Gilles Deleuze et Félix Guattari de l’anarchie comme cette « étrange unité qui ne se dit que du multiple ». L’apport des idées postmodernes réside sans doute dans la réflexion sur la pluralité des formes d’oppression, et donc des stratégies d’émancipation. La société marchande et étatique, le système capitaliste, demeurent traversés par de multiples rapports de pouvoirs qui s’imposent au niveau global comme à l’échelle de la vie quotidienne. Ensuite, le post anarchisme s’appuie sur les minorités qui peuvent également porter un projet universel puisque, selon Gilles Deleuze, chacun est minoritaire.

Néanmoins, il est indispensable de conserver une relative distance par rapport aux effets de modes et aux théories fumeuses. L’émancipation des minorités, la pluralité des oppressions et la multitude des luttes ne doivent pas être occultées. Mais il semble indispensable d’articuler l’affirmation des subjectivités radicales avec la création d’une nouvelle communauté humaine égalitaire et libertaire. Le nouveau projet révolutionnaire peut se construire par la multiplication et l’articulation des luttes qui visent à transformer le monde et à changer la vie ici et maintenant.

La critique théorique du post-anarchisme détermine également des pratiques de lutte et ne se cantonne pas au débat strictement intellectuel. Ses théories queer semblent réellement influentes, notamment dans le mouvement autonome. Des livres publiés par les éditions Amsterdam, La Fabrique ou Zones (propriété de La Découverte, donc de Lagardère), des revues comme Vacarmes, Multitudes, RILI, voire certains articles sur Indymedia Grenoble: ses théories sont loin d’être minoritaires et inoffensives. Mais, surtout, ses idées peuvent influencer de nouvelles pratiques politiques.

Les post-anarchistes valorisent logiquement des stratégies alternativistes. L’anarchisme s’apparente alors à un mode de vie, souvent autour d’un squat, avec une influence culturelle sur la société. Des pratiques marginales (squats, auto réductions, zones de gratuité et autres zones d’autonomie temporaires) doivent se diffuser progressivement à l’ensemble de la société. Cette stratégie me semble réellement efficace si ses expérimentations, sympathiques mais marginales, s’accompagnent d’un projet révolutionnaire. Seules les luttes sociales peuvent permettre de changer la réalité matérielle et, à travers leur multiplication et leurs convergences, une véritable rupture révolutionnaire. Les différentes minorités peuvent se libérer en balayant l’ordre capitaliste pour créer une nouvelle société commune sans exploitation ni domination. Pour cela les minorités et tous les opprimés doivent se fédérer de manière autonome plutôt que de cultiver leur petite spécificité

S.



Subject: 
épithètes
Author: 
patc
Date: 
Wed, 2011-05-04 11:54

Le post anarchisme apparaît comme un anarchisme néo-stalinien.
(...)
Du néo-stalinisme, les postmodernes empruntent la posture de l’avant-garde selon laquelle les intellectuels éclairent une plèbe ignare

Ouais, OK, c'est ça... une chance qu'il y a encore de braves non-avant-gardistes de cette farine pour nous non-éclairer et nous non-remettre sur le droit chemin.


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Subject: 
Il y a peut-être des
Author: 
PL
Date: 
Wed, 2011-05-04 22:22

Il y a peut-être des phrases toutes faites dans ce texte, mais il soulève des questions pertinentes (par exemple, quelles sont les différences entre ce qui est qualifié de post-anarchisme et l'anarchisme révolutionnaire), et ça ne sert pas à grand chose de juste rebondir sur une phrase pour critiquer l'ensemble. Et encore Pat, on peut pas appeler ça une critique. Je pense qu'il y aurait un débat sain à avoir sur l'influence exercée sur les milieux radicaux par la pensée universitaire des théoriciens postmodernes (Foucault notamment, Deleuze, Guattari, etc). Il est absolument évident que leur pensée, ou tout du moins les nombreux éléments sur lesquels ces auteurs se rejoignent, joue un rôle déterminant dans l'évolution de l'anarchisme contemporain, autant dans la façon dans laquelle cet anarchisme se présente dans la pratique que dans la théorie.


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Subject: 
Salut PL, je n'ai pas la
Author: 
patc
Date: 
Thu, 2011-05-05 13:49

Salut PL,

je n'ai pas la prétention d'articuler une critique de cette critique, ni d'ailleurs de m'enliser dans une discussion qui tend à me faire bailler aux corneilles. La raison pour laquelle j'ai buté sur cette phrase en particulier, c'est qu'elle est symptomatique d'une tendance profondément gossante, soit le recours aux épithètes dramatiques pour donner du poids à un argument rhétorique, voire tout simplement pour attirer l'attention.

L'accusation d'avant-gardisme est parfaitement ridicule quand elle est lancée par un type qui manifeste lui-même les bons vieux réflexes d'avant-garde.

Quant à l'accusation de "néo-stalinisme", elle sort tout droit de son rectum.

Ce débat est essentiellement académique et n'a par conséquent qu'un rapport ténu et marginal avec le vécu, par exemple, des prolos, marginalisés et autres variétés d'oppriméEs. Quel intérêt à critiquer la critique d'une critique quand tout ce verbiage ne concerne qu'une poignée d'intellos barbants et de révolutionnaires de salon?

(En tant que verbeux de salon en bonne et due forme) je suis moi-même tout à fait ignorant du prétendu "post-anarchisme". POur ce qui est de Judith Butler et de la théorie queer, je côtoie et respecte assez de militantEs qui l'ont étudiée à fond pour déduire qu'elle n'a rien de "stalinien" et que cette accusation est gauche (haha), farfelue et pour tout dire, plutôt réac.)

Du reste, s'il faut s'être tapé tous ces auteurs illustres pour prendre part au débat, y aura pas des masses autour de la table...

Mais encore, s'il y a comme tu le dis lieu de mener "un débat sain (...) sur l'influence exercée sur les milieux radicaux par la pensée universitaire des théoriciens postmodernes" (on présume ici entre gauchistes et post-gauchistes, ou quelque chose comme ça), il me semble qu'il devrait avoir lieu ailleurs que sur ce site, et de préférence de vive voix. Mais l'expérience nous apprend que l'animosité entre ces deux tendances (en tous cas à Montréal) est si vive que je ne retiendrais pas mon souffle.

La "Semaine contre la civilisation" qui commence aujourd'hui, se prêterait assez bien à cet exercice, mais je ne m'attends pas à y voir pulluler les gauchistes old-school du milieu... Tu as toi-même affirmé sur cette tribune que tu ne te présenterais pas à un de ces événements "car [tu] sais à quoi t'en tenir".

Vis à vis, je ne peux penser qu'à une seule personne qui apprécie vraiment ce genre de joutes et entre vous, si je ne m'abuse, le torchon brûle depuis toujours.

Faque... ça fait pas des gros débats.


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Subject: 
Je suis d'accord sur les
Author: 
PL
Date: 
Thu, 2011-05-05 16:34

Je suis d'accord sur les recours aux épithètes dramatiques. Dire que les gens qui s'identifient comme post-anarchistes sont des ''néo-staliniens'' (il n'y a pas de néo-stalinien, il n'y a que des staliniens tout court, et d'ailleurs à Montréal on a un parti très vivant qui en fait sa marque de commerce) est stupide. Néanmoins, je reste sur ma faim quant à ce qui concerne ''l'accusation d'avant-garde''. Je trouve justement qu'il s'agit d'un mot épouvantail qui est très mal défini. Par exemple, de quoi parle-t-on au juste ? D'une avant-garde de type bolchevik ? Ou bien d'un groupe autonome à la manière de l'Internationale Situationniste ? Il y a déjà là deux conceptions - opposées - de l'avant-garde.

Tu affirmes que ce débat est essentiellement académique, mais pourtant il m'est arrivé à de nombreuses reprises d'entendre des militant-es ressortir des fragments de la pensée de Foucault ou Deleuze, genre. Je dis des fragments, mais ce pu aussi être aussi la pensée dans son ensemble ; c'est à dire des gens qui se revendiquaient de l'héritage de ces penseurs et penseuses. Toutefois, au cours de multitude de débats politiques avec une variété de militant-es, j'ai pu observer la diffusion éparpillée de cette ''pensée postmoderne'', sur laquelle justement il serait sain de faire un débat. Cet éparpillement, entre individus pleinement conscients de ce qu'ils défendent comme point de vue et individus plus ou moins conscients (c'est à dire qu'ils n'ont pas lu Foucault ou autres et n'en sont pas des connaisseurs) révèlent précisément l'influence dont je parlais plus haut. Et c'est lorsqu'on constate un éparpillement de ce genre, cette fracture entre les personnes diffusent les idées et celles qui les redistribuent en les vulgarisant plus ou moins, qu'on peut déduire l'importance que revêt ce courant idéologique parmi un milieu x.

Ainsi, je ne crois pas que les questions/réponses données dans le texte de ce ''S.'' sont uniquement formulées à l'égard de spécialistes ou de révolutionnaires de salon. De toute façon, à toute époque de l'histoire de ces derniers siècles, les révolutionnaires se sont posés des questions d'importances capitales, parfois autrement plus complexes que celles que nous avons sous les yeux. Ces gens là, ces gens qui ont fait les révolutions, ont justement réfléchis pour pousser l'idée de révolution plus loin. Il vaut mieux parfois prendre le temps d'être un révolutionnaire de salon pour une période donnée plutôt que d'être de la chair à canon dans une période de temps très restreinte.

Je n'ai moi-même pas lu tout Foucault, et encore moins Deleuze ou Guattari, pour ne citer que ces universitaires là. Mais je pense que je suis en mesure de participer au débat, à la lumière de mon activité dans les différents groupuscules que j'ai fréquentés et que je fréquente, eux-mêmes faisant partis d'une mouvance plus générale, elle-même étant également composée d'individus influencés par les grands courants qui traversent la société. Le postmodernisme, qui détermine nécessairement les idées ''post-anarchistes'', n'est pas une invention sortie tout droit de l'esprit d'un être ultra-marginal. À la limite, peu importe les termes employés : les effets, les manifestations, les tendances sont clairement visibles. L'exemple le plus frappant demeure le relativisme chronique, ou un certain humanisme transcendantal (pacification totale de la vie quotidienne, impossibilité de constater l'ultra-violence qui nous entoure à journée longue) entre autre. Je me sers de ces exemples là pour démontrer, encore une fois, que les débats qui agitent les milieux radicaux ne sont pas si ''ghetto'' qu'on pourrait le penser, ou tout du moins ils pourraient ne pas l'être si à chaque fois qu'ils se faisaient il n'y aurait pas ce dédain systématique.

Je ne sais pas exactement à quoi tu fais référence à ''ce genre de joutes'' et ce ''vous''. Je ne me suis pas exprimé sur quel forme de dialogue j'envisagerais. Encore une fois, j'ai l'impression que je suis coupable par association. Je ne suis pas contre l'idée dans la mesure où j'aimerais que cette association soit clairement explicitée ou attaquée pour ce qu'elle semble être. Mais je ne crois pas que ce serait bien important de le faire ici. Voilà donc une question pertinente : qu'est-ce qui est important ici, en terme de débats ? Si un tel débat ne peut avoir lieu que de vive voix, en dépit du fait que toi-même tu défends l'idée que les gens de différentes tendances ne pourront le soutenir, est-ce que ça revient à dire que la plateforme du CMAQ n'est pas utile pour cela ? Je crois que l'échange que nous avons démontre qu'il est possible de le faire. Si je ne vais pas à la conférence contre la science, c'est parce que justement je sais que je serais placé en extrême minorité, peut-être même seul. Peut-être les positions de certain-es sont devenues très tranchées, et la résolution des conflits est devenue impossible. Peut-être aussi il est encore envisageable de poursuivre un dialogue - autant via Internet que préférablement de visu - basé sur la franchise des arguments et des positions défendues, sans sombrer dans l'attaque gratuite ou la méchanceté banale. Mais il ne faut pas être effrayé par la perspective des ruptures. Elles sont parfois plus saines qu'autre chose, autant dans la vie politique que dans la vie quotidienne, qui on le sait s'imbriquent l'une dans l'autre.


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Subject: 
cercles concentriques
Author: 
patc
Date: 
Fri, 2011-05-06 16:53

Je ne dis pas que le CMAQ ne se prête pas à ce genre de débat, seulement qu'ici, un nombre (très) restreint d'individus en aurait conscience, et encore moins y participeraient. Tout compte fait, on pourrait en dire autant de n'importe quel contexte et/ou tribune. D'où mon point de vue que tout ça, dans l'un comme dans l'autre, est l'apanage d'un faisceau aigu d'intellos qui se la pètent. C'est ma définition toute personnelle d'avant-garde.

Quant à la référence aux échanges passés, j'évoque des chicanes houleuses qui ont eu lieu sur ce site même il y a quelques années, autour d'événements nébuleux qui se sont produits à l'UQAM, et auxquelles tu as activement participé (aux chicanes, pas aux événements, que je sache).

J'avoue par ailleurs que je tiens pour acquis ton affiliation libre avec une certaine tendance, viscéralement critique du post-gauchisme et solidement ancrée dans un ethos révolutionnaire old-school, marqué d'un gros R rouge et noir. Je me trompe peut-être, vu qu'on n'a jamais eu ce genre de discussions en personne.

À ce chapitre, je lis ton dernier commentaire et j'ai l'impression que tu aspires carrément à une purge par le fond de la pensée post-moderne des milieux anars et soi-disant révolutionnaires (jugeant manifestement que cette pensée est tarée et intrinsèquement nocive).

Encore là, avant-garde pour avant-garde, je préfère encore cracher des deux bords de la clôture. Mais ça c'est juste moi, dont l'intelligence et le jugement ont sans doute été nanifiés sous l'influence insidieuse des colporteurs du post-modernisme.

Relativement,

P.


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Subject: 
Je trouve ça dommage que tu
Author: 
PL
Date: 
Wed, 2011-05-11 11:42

Je trouve ça dommage que tu penses que la notion d'avant-garde est si intimement liée à ''des intellos qui se la pètent''. Si on regarde du côté de l'histoire, les gens qui se réclamaient de l'avant-garde, qu'ils soient bolcheviks ou d'une tendance anarchisante quelconque (et oui !) étaient surtout des individus qui agissaient directement dans leur milieu de vie, et c'est d'ailleurs pourquoi ces gens là ont été reconnus rapidement, autant par des spectateurs que par les services de police. Il n'y a qu'à penser aux dadaïstes, aux surréalistes, aux situs, et aux diverses ramifications bolcheviks qui prônaient la lutte armée (je ne crois pas que la lutte armée soit un truc strictement intello). Malheureusement, ta vision de l'avant-garde semble être stigmatisée par un refus apparent des intellectuels, qui ne font que ''se la péter''. Je ne fais pas l'apologie des avant-gardes, je cherche seulement à mieux les cerner.

J'ai participé bien souvent à des chicanes qui faisaient suite à des événements, tout comme j'ai participé à des événements qui faisaient suite à des chicanes. Quant à savoir si je suis marqué d'un gros R rouge et noir, aux dernières nouvelles je ne suis pas un porteur de drapeaux. Je tente d'allier le old-shool avec le contemporain, ce qui fait de moi un critique des idéologies figées, qu'elles soient rouges, noires, bleues, mauves, alouette. Mais je dis bien je tente, ce qui constitue le plaisir de la chose (la tentative de dépassement).

Je n'ai jamais dis que la pensée postmoderne est tarée et intrinsèquement nocive, et encore moins ais-je sous-entendu dans mon dernier commentaire que je souhaitais une purge par le fond. Tu me prêtes des intentions qui sont fondées sur ta perception que tu as de moi ; encore que tu affirmes que tu te trompes peut-être, ''vu qu'on n'a jamais eu ce genre de discussions en personne''. C'est bien vrai. Tu sous-entends toi-même que je trouverais ton intelligence et ton jugement ayant sans doute peu de valeur ; mais je n'ai parlé ni de ton jugement personnel, ni de ton intelligence. Je n'ai pas non plus donné de définition personnelle de la pensée postmoderne. Je n'ai parlé que de certaines de ses manifestations et de certains de ses auteurs. C'est bien trop peu pour en tirer un constat général, dont tu ne te prives pas. La pensée postmoderne est complexe, et je n'ai pas de réponses toutes faites à donner. J'essaie de parvenir à des réflexions qui me feront aboutir à des constats. J'espère que je ne me la pète pas trop...


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Subject: 
Les bases de la pensée, l'opposition au colonialisme...
Author: 
luttecommune
Date: 
Sat, 2011-05-14 19:06

L'anarchisme classique a pris en bonne partie sa base théorique du marxisme (même en le critiquant), du patriarcat, du monde industriel, de la culture coloniale occidentale. Nous pouvons y reconnaître la continuité de l'expansion coloniale même d'un point de vue critique.

Ce type de ''post-anarchisme'' est aussi enraciné dans la culture coloniale occidentale.

Ces deux types de pensées en opposition sur plusieurs aspects ont leurs racines en Europe et sont des produits d'importation. Ce qui ne veut pas dire que tout doit être rejeté, mais que nous devrions toujours garder une distance critique.

Nous devrions commencer à envisager les choses tout autrement plutôt que de nous faire, comme nous le faisons trop souvent, porteurs de la colonisation européenne en territoires d'Amérique, en territoires autochtones. Nous devrions penser et agir à partir d'ici et sous l'influence des autochtones qui ont su davantage vivre en relation organique avec la terre, en faire partie plutôt que la penser en terme de ressources à exploiter, des autochtones radicales/radicaux et non de ceux qui ont été conquis et qui ont été intégrés aux institutions de la colonisation, qui exploitent les leurs.

Nous devons nous aussi, en tant que descendantEs de colons, nous décoloniser. Ce n'est pas en empruntant toujours nos idées, nos façons de faire, nos inspirations... d'Europe que cela va se faire.

Nous devrions aussi réenvisager notre relation plus globale à la vie, à celle qui nous a fait et que nous sommes en train de détruire à un rythme accéléré.

J'en aurais beaucoup plus long à dire, mais je vais arrêter là.

Je n'envisage plus tant le débat sur cette plateforme comme quelque chose de vraiment constructif. J'ai perdu énormément trop de mon temps dans le passé à ce genre d'activités très souvent inutiles.

Je vous invite si vous avez vraiment envie de discuter de ces questions à vous rendre à cet atelier, qui sera plus largement un espace de discussion, qui sera présenté dans le cadre du Salon du livre anarchiste

Perspectives anarchistes contemporaines
15h-16h45, samedi 21 mai
Centre Culturel Georges-Vanier (à côté du CEDA) – Salle B

Je vous encourage fortement à écouter cette présentation de Missy Elliot de 6 nations
http://www.youtube.com/watch?v=LzK3bdQutPk&feature=related
cette présentation est en trois parties qui sont les parties 4, 5 et 6 de la présentation autour d'Anti-Colonial Anarchism and Indigenous Resistance

Par ailleurs, je vous invite à écouter le film End:Civ à endciv.com


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CMAQ: Vie associative


Quebec City collective: no longer exist.

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