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Le cannibalisme du régime de Tripoli

Anonyme, Tuesday, March 1, 2011 - 17:43

Parti Communiste International (PCInt)

Les massacres en Libye montrent le vrai visage d’un régime prétendument socialiste, mais soutenu par les puissances impérialistes !

Après les révoltes de Tunisie et d’Egypte qui ont fait sauter les gouvernements liés aux familles de Ben Ali et de Moubarak, c’est maintenant le tour de la Libye et du système de gouvernement centré autour de la famille Kadhafi et des tribus qui le soutiennent. Par rapport aux autres pays, il y a une différence: la révolte des masses s’est transformée en Libye en révolte armée; des détachements de l’armée, de l’aviation, de la marine ont refusé de bombarder la population et il semble que certains soient passés du côté des révoltés; Kadhafi et ses acolytes ne peuvent compter que sur les militaires des tribus de Tripolitaine et surs ses mercenaires africains et balkaniques pour réprimer le soulèvement populaire.

Mais aucun des gouvernements de ces pays n’aurait pu durer si longtemps – Ben Ali, plus de vingt ans, Moubarak plus de trente, Kadhafi plus de quarante – sans l’appui, le soutien et la reconnaissance internationale accordés par les grandes puissances impérialistes : les Etats-Unis d’abord en tant que première puissance mondiale, puis la Grande-Bretagne, la France et l’Italie, en tant qu’anciens colonisateurs de la région, sans oublier l’URSS qui, en concurrence avec les impérialismes occidentaux, s’efforçait de pénétrer dans la région. Les heurts diplomatiques qui ont fait monter la tension entre les Etats, tantôt dans un pays tantôt dans un autre se traduisant parfois en actions militaires (comme en Egypte en 1956, en Libye au début des années 80, sans parler des guerres du Golfe ou des guerres arabo-israéliennes), sont la conséquence normale de la rivalité inévitable entre puissances capitalistes ; lorsque celle-ci arrive à son point de rupture, la guerre économique et commerciale se transforme en guerre tout court.

Cependant le cadre général ne change pas ; et pour les pays impérialistes, avoir des régimes autoritaires, surtout dans les régions où la décolonisation pouvait déboucher sur une instabilité politique et sociale, était une nécessité pour assurer le bon fonctionnement de l’économie mondiale et la rentrée des profits capitalistes !

En outre si Moubarak a servi à l’impérialisme occidental pour tenir en bride les prolétaires palestiniens grâce à ses bonnes relations avec Israël, Kadhafi a été utilisé pour contrôler les flux migratoires des masses africaines vers l’Europe. C’est ainsi que le récent accord (2008) entre le premier ministre italien Berlusconi et le dirigeant Libyen avait parmi ses principales clauses le contrôle de l’émigration !

C’est une des raisons pour laquelle le gouvernement italien a continué, en dépit des massacres, à soutenir le maintien au pouvoir de Kadhafi, peut-être dans une Libye divisée, comme il l’a fait pendant des années : on se souvient de la phrase de Berlusconi disant qu’il ne voulait pas intervenir auprès de son «ami» Kadhafi pour «ne pas le déranger» dans un moment aussi grave pour son pays.

Quant au gouvernement français qui avait dressé le tapis rouge pour recevoir le Guide Libyen, il est resté jusqu’à ces derniers jours bien silencieux : il reste à connaître quelle est sa responsabilité dans l’envoi par son protégé tchadien Idriss Deby de centaines (on parle d’un millier) de combattants de la Garde présidentielle au secours du potentat libyen dès les premiers moments de la révolte…

Lors des «5 jours de Bengazi», du 15 au 20 février, une grande partie de la population de l’Est de la Libye s’est soulevée contre le despotisme, sur la vague des révoltes de masse qui, après la Tunisie et l’Egypte, ont touché, à des degrés divers, l’Algérie, le Maroc, le Yémen, Barhein, la Jordanie, le Koweit, l’Iran. A partir de la Cyrénaïque, le mouvement de rébellion s’est étendu en 10 jours à toute la côte jusqu’à atteindre la capitale Tripoli où se sont retranchés Kadhafi et ses prétoriens et d’où le chef de la «révolution» de 1969 (en réalité un coup d’Etat) a lancé la guerre contre son propre peuple.

Le nombre de victimes ne cesse d’augmenter chaque jour ; aujourd’hui la chaîne de télé Al Jazeera parle de 10 000 morts et de 50 000 blessés : un massacre perpétré par les policiers, les soldats et les mercenaires appelés par Kadhafi pour écraser la révolte et reprendre le contrôle du pays et des affaires !

Le cannibalisme du gouvernement de Tripoli montre le vrai visage du pouvoir capitaliste libyen - car c’est bien le capitalisme qui est à la base des systèmes de gouvernement opprimant dans tous les pays les larges masses, les prolétaires autochtones et immigrés ; systèmes de gouvernement où, dans les pays gonflés de pétrole ou d’autres matières premières, une mince couche de bourgeois accapare les énormes richesses qu’elle en tire, alors que les masses sont condamnées à la misère et à la faim, sans pouvoir même revendiquer le moindre droit.

Les représentants des grandes démocraties occidentales qui se vantent de la liberté dont jouiraient leurs populations, ont soutenu et armé les pouvoirs despotiques et dictatoriaux grâce auxquels ils ont pu faire des affaires en or ; et devant les massacres qui se succèdent aujourd’hui dans les pays arabes, ils n’ont qu’une idée en tête : comment sauver les profits tirés du pétrole, des ventes d’armes ou de la construction d’infrastructures destinées à «moderniser» ces pays ! Les bourses de New-York, de Londres, Berlin, Paris ou Milan chutent à cause du chaos provoqué par les révoltes ? C’est un «problème international», il faut au plus vite arriver à la pacification sociale, il en va de la finance et de l’économie mondiales ! Les manifestants sont emprisonnes, torturés massacrés par milliers en Tunisie, en Egypte, en Libye ou en Algérie ? C’est le « problème» des Tunisiens, des Egyptiens, des Libyens, des Algériens, problème interne dans lesquels il ne faut pas s’immiscer» ! Les grandes usines d’armes légères et lourdes des pays capitalistes développés qui ont rempli les arsenaux de ces pays n’ont qu’un souci : comment continuer à faire des affaires ? Peu importe aux bourgeois que des milliers de civils désarmés soient massacrés par la soldatesque, les profits doivent être sauvés ! Et s’il n’y a plus de Kadhafi, il faudra en trouver un autre à sa place pour continuer les affaires…

* * *

A Rome, à Madrid et à Athènes comme dans les grandes capitales européennes, on s’inquiète de l’éventuelle arrivée en masse de réfugiés venus de l’autre rive de la Méditerranée ; les ministres italiens disent ouvertement ce qui inquiètent les dirigeants européens : la possibilité que puissent venir de Libye 300 000 réfugiés ; le ministre italien de la Défense, affirmant qu’il y aurait plus de 2,5 millions d’immigrés africains en Libye, agite la perspective d’une véritable «invasion» de masses désespérées fuyant la misère, la répression et la guerre après l’écroulement de l’Etat libyen. Et c’est pour cette raison que des navires de guerre italiens ont commencé à se positionner devant les côtes libyennes !

La véritable visage du capitalisme n’est pas constitué par la façade démocratique de la liberté d’expression, de manifestation, de réunion et d’organisation . Là où ces libertés existent c’est parce qu’elles ont été conquises par de longues luttes dans lesquelles le prolétariat a été à l’avant-garde ; et ces libertés sont toujours plus ou moins bafouées et limitées parce que le droit bourgeois qui doit toujours l’emporter, quitte à réduire ou à suspendre les autres droits démocratiques, est le droit à exploiter le mieux possible le travail salarié pour en extraire la plus-value qui, pour les capitalistes, se transforme en profit. Face à l’aggravation des tensions sociales qui pousse les prolétaires et les masses prolétarisées à s’attaquer aux piliers du pouvoir capitaliste et à ses symboles, la façade démocratique démontre qu’elle n’est qu’une mystification.

La révolte, y compris armée, qui secoue les régimes despotiques soutenus par les démocraties impérialistes peut bien arriver à faire chuter les gouvernements locaux qui avaient régné par la terreur et la répression ; mais confier à d’autres gouvernants bourgeois, moins compromis que les précédents, la tâche de «rétablir la paix civile» et d’«ouvrir la vois à la démocratie» ne peut aboutir à rien d’autre qu’au maintien de la domination des capitalistes sur les travailleurs, de la domination des intérêts bourgeois nationaux et impérialistes sur la population et tout particulièrement sur le prolétariat ; des couches petites-bourgeoises, des avocats, des juges et surtout les militaires y auront gagné en termes de reconnaissance sociale, mais l’écrasante majorité des prolétaires et des paysans pauvres continueront à devoir affronter les problèmes de survie quotidienne avec toujours autant de difficultés, si ce n’est davantage encore. C’est d’ailleurs aussi pour cette raison qu’au cours de ces dernières années des millions de personnes, affrontant des périls de toutes sortes, ont émigré et émigrent à travers le monde.

Mais que trouvent dans les riches pays d’Europe ces masses d’émigrés poussés par la misère à émigrer? Ils trouvent des centres de détention pour sans-papiers, ils trouvent la police et les militaires les mieux armés du monde qui les pourchassent, les emprisonnent et les expulsent ; ils trouvent la surexploitation et le travail au noir ; et même quand ils réussissent à être régularisés, ils se heurtent au racisme et aux préjugés petit-bourgeois. La civilisation bourgeoise de ces pays qui font au monde entier la leçon sur les bienfaits de la démocratie, repose sur la même structure économique et sociale que celle des pays moins développés : sur l’exploitation capitaliste, sur la domination économique, sociale et politique de la classe qui possède tout, moyens de production comme produits, et donc qui a droit de vie et de mort sur les prolétaires du monde.

Surprises par l’incendie social qui dure depuis plus de 2 mois dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient, les chancelleries des grands pays capitalistes d’Orient et d’Occident ont appelé les dirigeants de ces pays à faire preuve de «retenue» dans la répression et à «écouter» les demandes de «liberté» et de «réformes». Des régimes qui depuis tant d’années étaient jugées comme solides, ne peuvent plus contrôler leurs masses, leurs prolétaires. Ben Ali est tombé, Moubarak est tombé, Kadhafi est en chute libre, Bouteflika vacille .

Mais ce que redoutent les puissances impérialistes, c’est moins ce sui se passe aujourd’hui, que ce qui risque de se passer demain ; elles craignent que la révolte populaire ouvre la voie à des mouvements révolutionnaires prolétariens , que le prolétariat contre qui la bourgeoisie mène dans tous les pays une lutte sans trêve, trouve dans la révolte actuelle la force de se lancer ouvertement dans la lutte de classe anti-bourgeoise. La chute de Kadhafi pourrait relancer la vague de révolte sociale dans les pays de la région, encourageant du même coup les masses prolétariennes des pays d’Afrique et d’Asie à se soulever à leur tour contre le despotisme capitaliste. C’est cette crainte qui motive le changement d’attitude des Etats-Unis qui, au moment où la révolte armée annonce la fin de Kadhafi, menacent d’intervenir militairement en Libye.

Malheureusement pour le prolétaires des pays en révolte, la lutte de classe prolétarienne n’est pas encore à l’ordre du jour ; les illusions démocratiques, encore trop puissantes, y font passer au second plan les véritables intérêts de classe des prolétaires. Et les prolétaires d’Europe et d’Amérique, anesthésiés depuis des décennies par l’opium démocratique, contemplent passivement ces révoltes au lieu d’y trouver un motif pour entrer en lutte contre leurs bourgeoisies, véritables vampires qui ont sucé le sang de générations de prolétaires et de paysans arabes et moyen-orientaux : ce qui serait la démonstration de ne pas être complices des répressions, des guerres et de l’écrasement des populations de ces pays, et qui serait la seule façon réelle de se solidariser avec ces prolétaires et de s’allier avec leurs frères de classe du monde entier pour défendre les intérêts prolétariens communs à tous.

Moubarak, Ben Ali, Kadhafi ou d’autres pourront être remplacés demain par un jeune militaire se disant révolutionnaire ou par un exilé politique : cela ne changera pas grand chose pour les prolétaires et les masses. Le seul véritable changement ne pourra venir que de la reprise de la lutte de classe, non seulement dans ces pays, mais aussi dans les pays capitalistes industrialisés qui sont le cœur du Moloch capitaliste mondial !

Les communistes révolutionnaires saluent les révoltes sociales des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient non seulement parce qu’elles font chuter des régimes despotiques des sanguinaires, mais aussi parce qu’elles montrent le véritable visage des pouvoirs bourgeois dans ces pays comme les pays impérialistes. Sachant que ces mouvements, mobilisant toutes les classes qui forment le peuple «affamé» de démocratie ne pourront en tant que tels se transformer en mouvement prolétarien révolutionnaire, les communistes révolutionnaires soulignent les causes matérielles, et non idéologiques, qui ont déclenché une révolte courageuse à mains nues et qui ont poussé un prolétariat jeune et combatif à se mettre en grève et à manifester. Il est impossible de s’attendre à ce que les révoltes sociales actuelles débouchent automatiquement demain sur la lutte de classe ; il faudra pour cela que les prolétaires s’organisent et luttent de manière indépendante, pour la défense exclusive de leurs propres intérêts de classe, en se libérant des illusions démocratiques et de l’étreinte suffocante des couches bourgeoises et petites-bourgeoises ; il faudra que dans ces luttes apparaissent des éléments d’avant-garde pour constituer le parti de classe, le parti communiste révolutionnaire dont la tâche sera de diriger le combat vers la destruction du pouvoir bourgeois, expression de la dictature de la bourgeoisie quel que soit sa forme, et vers l’instauration de la dictature du prolétariat et l’extension de la lutte révolutionnaire internationaliste unissant tous les prolétaires du monde contre les bastions de la contre-révolution.

La voie de la reprise de la lutte de classe n’a jamais été simple et facile ; c’est d’autant plus vrai aujourd’hui où le pouvoir de la bourgeoisie s’est énormément renforcé sur le plan du despotisme social et du militarisme et où l’œuvre pluridécennale du collaborationnisme social-impérialiste a permis de faire accepter au prolétariat sa propre exploitation et de lui faire soutenir les exactions et les guerres de rapine bourgeoises. Mais c’est la voie qu’il est nécessaire de prendre pour en finir avec les horribles massacres perpétrées par les bourgeoisies du monde entier pour défendre leurs privilèges de classe, leur propriété privée et tout le système d’exploitation capitaliste sur lequel se fonde leur domination.

Parti Communiste International

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