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En Grande-Bretagne, l'encadrement syndical met la lutte en échec...

Anonyme, Tuesday, December 22, 2009 - 03:06

Un sympathisant du CCI

(Ces deux textes sont tirés d'un seul et même article réalisé par World Revolution (WR), organe de presse du CCI en Grande-Bretagne.)

— La grève de Tower Hamlet College
— La lutte à Royal Mail

La grève de Tower Hamlet College

La grève à Tower Hamlet College a été remarquable à plusieurs titres. Le simple fait qu’une grande proportion de l’équipe enseignante de tout le collège (1) se soit mise en grève illimitée contre la menace de supprimer des postes a été en lui-même un signe de leur détermination et de leur combativité, quand on sait que tant de grèves sont réduites à une protestation d’un à deux jours. Et peut-être plus importantes encore ont été les claires expressions de solidarité de classe qui ont accompagné cette grève. Cet aspect implique à la fois les grévistes eux-mêmes et un nombre significatif d’autres travailleurs.

Les enseignants du collège en grève étaient membres de l’UCU (University and College Union), mais, dès le début de la grève, ils ont laissé les assemblées générales ouvertes à tous les employés du collège ; et lorsque, pendant la grève, il est devenu difficile pour les non-enseignants qui n’avaient pas rejoint la grève d’assister aux assemblées générales pendant leurs heures de travail, les enseignants en grève décidèrent de faire des AG durant l’heure des repas pour permettre à cette catégorie de personnel de venir discuter avec les grévistes. Il y a eu un sentiment fort de la part du personnel non-enseignant, dont la plupart est membre de l’Unison (2), qu’ils devaient se joindre à la grève, bien que cela ait été contrecarré par le légalisme syndical. Les grévistes ont aussi fait un effort considérable pour envoyer des délégations vers d’autres collèges locaux et sur d’autres lieux de travail pour expliquer leur situation aux autres ouvriers. Ceci s’est traduit par la participation de nombreux ouvriers aux piquets de grève – non seulement avec des enseignants d’autres collèges mais aussi de pompiers par exemple – et par des rassemblements appelés en soutien à la grève.

Depuis le début, il était évident que la lutte au THC n’était pas une simple réaction contre un administrateur au cœur particulièrement dur et son plan personnel pour rendre THC plus rentable, mais que les réductions de personnel étaient un test en préparation à de plus amples attaques dans le secteur de l’éducation. C’est cette compréhension qui explique, par-dessus tout, cette naissance d’une large sympathie pour cette grève au THC.

La volonté des travailleurs du THC de se mobiliser pour les boulots de leurs collègues (qui ont une fonction sociale importante dans une communauté locale où obtenir une qualification ESOL est essentiel pour trouver du travail plus tard) a été un signe indéniable de ce que les salariés ne baissent pas les bras face aux attaques et il est révélateur de leur conscience que cela peut faire réfléchir d’autres patrons dans le secteur de l’éducation avant de ressortir de nouvelles suppressions de postes. Ceci explique certainement pourquoi la direction du THC a été contrainte de faire des concessions après quatre semaines de grève, en particulier en retirant quelques licenciements annoncés.

Cependant, bien que l’UCU (University and College Union) se soit déclarée satisfaite des résultats de la grève, et bien que les gauchistes du SWP aient crié à la “victoire”, le bilan réel est plus que mitigé comme on peut le voir à partir des réflexions d’une des grévistes qui a écrit régulièrement sur le forum de discussion internet de Libcom. Tout en reconnaissant que d’importantes concessions avaient été acquises, c’est-à-dire la sauvegarde de 7 postes et l’amélioration des accords de licenciements, elle a mis en avant d’importantes critiques sur la façon dont la fin du conflit a été organisée par les syndicats :

“La prétendue victoire tient dans ce qu’il n’y a pas eu de licenciements forcés. A la place, les 13 postes menacés ont été redéployés, des licenciements ont été reportés après être passés devant le tribunal ou certains ont accepté de soi-disant départs volontaires. Il n’y a pas eu de retrait de la menace de licenciements forcés. Il n’y a eu aucun accord pour garantir le maintien de nos contrats actuels. Grâce à des menaces et à des pots-de-vin, certains des licenciements secs ont été présentés comme volontaires. La pression est venue à la fois de la direction et des syndicats. Les responsables nationaux aussi bien que locaux ont téléphoné à des gens menacés de licenciement en leur disant qu’ils devaient accepter le licenciement dit volontaire. Deux jours avant la “découverte” de l’Acas (3), notre assemblée générale avait affirmé que, bien qu’il fût clair que les gens souhaitaient arrêter la grève, nous étions préparés à la mener jusqu’au bout afin de protéger ces derniers, et ceux-ci n’étaient pas encore sous la pression d’accepter un accord. L’accord proclame que les licenciements forcés ont été évités et c’est la “victoire” à laquelle crient l’UCU, le SWP, etc. En fait, il y a eu des licenciements forcés “volontaires” – des salariés ont subi des pressions pour accepter leur licenciement “volontaire”. Cette salade nous a été vendue au milieu du sabotage éhonté de l’assemblée générale où la discussion avant et pendant l’assemblée avait été rendue impossible à cause des cris des membres officiels du syndicat. Il y a eu un court débat, la plupart des gens intervenant contre l’acceptation de l’accord mais à la fin, il y a eu 24 votes contre, beaucoup d’abstentions et la claire majorité votant l’accord et le retour au travail (bien que par ailleurs l’assemblée ait été bien sûr moins nombreuse que nos habituelles assemblées hebdomadaires). Nous sommes retournés au travail le vendredi matin. Là où je travaille, il y a eu un soulagement de ne pas être restés en grève plus longtemps mais aussi beaucoup de malaise sur la façon dont la lutte s’est achevée et sur la réalité à laquelle nous sommes à présent confrontés.”

Des discussions avec les grévistes, il ressort clairement que la plupart, sinon tous, ont cru que le renforcement de leur lutte était identique au renforcement et à la montée en puissance de l’UCU. Et pourtant, les citations ci-dessus montrent clairement tout le contraire : l’UCU a oeuvré contre les ouvriers et la grève.

Un moment crucial dans le développement de la grève, et qui a permis que cette position ambiguë soit mise en avant, a été le vote des ouvriers membres d’Unison de se joindre à la grève. Selon de nombreux enseignants en grève, que ce soit avant ou après le vote, les ouvriers membres d’Unison avaient montré clairement au cours des assemblées générales qu’une majorité d’entre eux était favorables à la grève – un pas qui aurait forcé la direction à fermer le collège plutôt que de le laisser ouvert avec une équipe squelettique. Mais le vote, qui avait été reporté presque jusqu’à la fin de la grève, a eu pour résultat une très étroite défaite de la proposition de se mettre en grève. Comme un des membres du collectif Libcom l’a dit :

“C’est une bonne illustration de la nature de classe anti-ouvrière des votes individuels et privés (les seuls qui soient légaux). Il est facile de se sentir démoralisés et isolés en votant chez soi ou à bulletins secrets, ce qui est tout le contraire d’une assemblée générale où l’on peut gagner la confiance collective et quelque influence.”

Le problème ici a été que, malgré le fait que les ouvriers membres de l’UCU étaient prêts à ouvrir leurs assemblées générales à ceux de l’Unison, et que ces derniers étaient généralement prêts à démontrer leur solidarité, il n’y a pas eu suffisamment de compréhension du besoin de mettre le contrôle de la lutte dans les mains des assemblées, d’insister sur le fait que la décision de se mettre en grève aurait dû être faite non pas dans des votes syndicaux isolés et atomisés, mais dans les assemblées générales elles-mêmes. Cela aurait signifié une remise en cause du contrôle des appareils syndicaux. C’était un pas que n’a pu franchir cette lutte-ci, mais il faut en tirer les leçons pour les luttes futures.

La lutte à Royal Mail

Alors que les ouvriers des postes attendaient le résultat de leur récent vote national pour se mettre en grève (ce vote a été reculé de trois semaines par le syndicat CWU - Communication Workers Union), leur situation se présentait de plus en plus mal. Depuis la fin de la grève nationale de 2007, et particulièrement au cours des 18 derniers mois, les ouvriers des postes de tout le pays sont confrontés à une attaque massive de la direction de Royal Mail (RM) pour imposer des coupes claires dans le personnel, à des attaques sur les conditions de travail et à des baisses de salaires. Ces dernières années, RM a supprimé 40 000 emplois et cherche activement à en supprimer 30 000 de plus. Les postiers ont aussi vu la disparition de leurs fonds de pension et l’imposition par un décret de la direction recul de l’âge de la retraite de 60 à 65 ans. La direction de RM a ressorti les tactiques les plus brutales d’intimidation et de harcèlement pour imposer son plan de “modernisation”. Dans tout le pays, RM a nommé des directeurs venant d’autres entreprises pour imposer les nouvelles conditions de travail dans les bureaux locaux en désaccord.

“‘Habituellement, j’aime mon travail mais à présent l’intimidation et le harcèlement sont en dehors de tout contrôle’, dit Pete qui a travaillé à la poste pendant 30 ans et se trouvait parmi les 12 solides membres du piquet de grève au centre de distribution d’East London à Essex Thorrock” (Socialist Worker-online du 29 août 2009).

“Il y a toujours un chef derrière vous. Franchement, je trouve très gênant de devoir lever la main pour demander à quelqu’un qui a la moitié de mon âge si je peux aller aux toilettes” (Ibid.).

On dit aux employés chargés de la distribution du courrier que maintenant ils doivent “optimiser” leur tournée et qu’ils doivent pour cela faire des heures supplémentaires. Tout refus entraînerait une sanction disciplinaire et ce point était l’un des termes des “accords de modernisation” conclus entre RM et le CWU à la fin de la grève de 2007.

Le CWU a en effet proclamé son accord avec cette pression pour “moderniser”. Il dit que les patrons de RM sont contraints à cette modernisation des services, y compris les baisses de salaires et les pertes d’emploi, sans consultation préalable. “Le secrétaire général du CWU, Dade Ward, pense qu’il ne peut y avoir de changement réussi de Royal Mail sans accord syndical… ‘La modernisation est cruciale pour le succès futur de RM, mais l’amélioration du changement doit être acceptée et être amenée avec des salaires et des conditions de travail modernes. Nous voulons voir un nouvel accord de sécurité du travail qui aidera les gens à s’adapter à ce changement bénéfique pour l’entreprise’” (BBC News du 16 septembre 2009). Déjà, à l’issue de la grève de 2007, Billy Hayes et lui avaient démontré le même souci quand ils signèrent l’accord pourri qui donna 6,9 % et une prime de 400 livres comme provision sur “la productivité et la flexibilité à mettre en phase 2 du processus de modernisation”.

Grèves syndicales, locales et tournantes : une recette pour épuiser
En 2007, la grève a été défaite par l’utilisation de la tactique syndicale de la “grève tournante” qui a vu l’usure du mouvement grâce à des actions partielles et limitées dans le temps et géographiquement. Cependant, au cours de la lutte, il y a eu d’importantes expressions de solidarité de classe, notamment avec le refus des ouvriers au travail de franchir les piquets de grève, qui ont été significatives non seulement pour les ouvriers en Grande-Bretagne mais internationalement car elles constituaient un défi pour la capacité du CWU de contrôler la grève au niveau national.

Aujourd’hui, le CWU a essayé de faire usage de ces mêmes tactiques. Bien avant le vote pour une grève nationale (les résultats étaient annoncés pour le 8 octobre), il a tenté de d’enfermer et d’épuiser le mouvement dans le localisme. Ainsi des grèves de deux jours ont eu lieu dans des régions spécifiques, principalement à Londres, dans les Midlands, à Bristol et dans le Yorkshire. Une fois de plus, la colère et la frustration des ouvriers des postes a éclaté en grèves sauvages comme dans l’Ouest de l’Ecosse en septembre, où les postiers se sont mis en grève illégalement pour protester contre la suspension de chauffeurs après leur refus de forcer les piquets de grève. De même, le bureau de Liscard à Wallasey, dans le Merseyside, a connu un arrêt de travail spontané pendant 5 jours pour protester contre la suppression arbitraire d’équipes dans les tournées. D’autres bureaux ont aussi participé à des actions sauvages mais il y a eu un black-out lorsqu’elles se sont produites. Cependant, contrairement à 2007, ces actions non-officielles ont été le travail d’une petite minorité du mouvement.

Un autre aspect du sabotage syndical se voit dans la tentative du CWU de faire de cette grève une lutte pour que le syndicat soit en mesure de négocier avec la direction. RM, avec le plein soutien du gouvernement, essaye de supprimer des emplois et de mettre en œuvre des conditions de travail aggravées pour les ouvriers de la poste. La défense contre ces attaques est un combat pour de véritables revendications de classe. Défendre la capacité des syndicats de négocier des accords accords revient en fait à aider les patrons à vaincre la grève et à faire passer leurs attaques.

SM&G - Courant Communiste International

1) En Grande-Bretagne, un “college” est un établissement d’enseignement supérieur. Pour des raisons de commodité, nous le traduirons par le mot français “collège”.

2) Un des principaux syndicats de Grande-Bretagne.

3) L’Acas (Advisory, Conciliation and Arbitration Service) est un organisme qui a été chargé de “mener” les négociations entre la direction et les syndicats après plusieurs semaines de grève.

CCI
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