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Édition électronique - Le Devoir publicise une firme américane

saguay, Friday, January 18, 2008 - 13:09

Serge-André Guay

Après l'Union des Écrivaines et des Écrivains Québécois voilà que le quotidien montréalais Le Devoir publicise une firme d'édition électronique américaine plutôt que les initiatives québécoises.

Le premier paragraphe de la politique d'information du quotidien montréalais Le Devoir se lit comme suit (le caractère gras est ajouté pour attirer votre attention): «Libre et indépendant, Le Devoir n'est au service d'aucune idéologie ni d'aucun parti politique. Il défend et promeut les valeurs de liberté, d'égalité, de solidarité et d'intégrité. C'est librement qu'il s'engage à défendre les idées et les causes qui assureront l'avancement politique, économique, culturel et social de la société québécoise.»

Plus loin, on peut lire: «Quotidien pluraliste, Le Devoir se veut aussi un espace de discussion des affaires publiques où se rencontrent ceux qui recherchent les solutions aux problèmes de la société québécoise. Ainsi, il contribue à enrichir la diversité et la pluralité des opinions.»

Et parlant des «secteurs prioritaires», on ajoute: «Cela étant dit, sa mission même lui impose d'emblée de «s'intéresser à tous les débats qui ont un impact significatif sur le développement de la société québécoise.»

Or, dans son édition du samedi 12 et du dimanche 13 janvier 2008, Le Devoir publiait un article au sujet de l'édition électronique en passant sous silence les initiatives québécoises dans ce domaine, et ce, au profit de la firme américaine Lulu.com et, dans une moindre importance, d'une liste d'éditeurs en ligne français. L'article ne fait aucune allusion à ce qui se passe dans le domaine de l'édition en ligne au Québec.

Il ne faut pas se leurrer, si la firme américaine Lulu.com est devenue la plus populaire dans le domaine de l'édition électronique, c'est en partie grâce à la couverture de presse obtenue aux États-Unis, au Canada, en Europe et, maintenant au Québec.

Il me semble logique de se pencher d'abord sur ce qui se passe ici avant d'aller voir ailleurs. Mais le quotidien Le Devoir ne suit pas cette logique. L'impact de cet article est très significatif sur le développement de l'édition en ligne au Québec car il laisse croire aux lecteurs qu'il n'y a aucune initiative québécoise, qu'il n'y a personne ici qui recherche des solutions au «refus en série», à «l'humiliante lettre de l'éditeur signifiant que, malgré les qualités du manuscrit envoyé, il sera impossible de le publier».

Je ne vois pas en quoi cet article mettant en vedette l'américaine Lulu.com respecte l'engagement du quotidien Le Devoir «à défendre les idées et les causes qui assureront l'avancement politique, économique, culturel et social de la société québécoise.» Un tel article fait plutôt le contraire. À défaut d'informer les lecteurs au sujet des initiatives québécoises, Le Devoir propose à nos auteurs d'investir dans l'économie américaine. Cette attitude me rappelle ces passages de la fameuse chanson la Bittt à Tibi de Raoul Duguay:

«Y'a d'l'or en barre qui dort écitt
Y'a même des poignées d'porte en or
En cuivre en fer qui vont d'l'autr' bord»

«En mil neuf cent touttt
en Abitibi dans mon pays
Cooooooooooooolonisé à libérer»

Parler de colonisation vous paraîtra sûrement démesuré mais il n'en demeure pas moins que c'est exactement ce que fait l'américaine Lulu.com dans le domaine de l'édition en ligne en Europe, plus spécialement en France, et au Québec, depuis le lancement de la version française de son site Internet en juin 2006. Quel autre objectif poursuit une firme américaine en offrant ses services en français si ce n'est de ravir une part de la nouvelle économie du livre des autres nations? Il n'y a rien de philanthropique dans cette expansion américaine.

Et que fait le seul quotidien indépendant du Québec, Le Devoir, il consacre candidement un long article à la firme américaine en prenant soin de préciser de l'étendu des dégâts, sans aucun commentaire utile: «Le site américain Lulu.com a imprimé près d'un demi-million de titres différents pour le compte d'auteurs qui n'ont pas trouvé d'éditeurs.»

On se souviendra que l'Union des Écrivaines et des Écrivains Québécois (UNEQ) a fait la même chose en publicisant sur une demie page cette même firme américaine dans l'édition de septembre dernier (2007) de son bulletin d'information (voir notre texte: Édition électronique - L'Union des Écrivaines et des Écrivains Québécois publicise une firme américaine au détriment des initiatives québécoises).

Mais d'où vient cette mentalité de passer sous silence les initiatives d'ici au profit de celles de l'extérieur qui nous assujettissent lentement mais sûrement à leurs propres lois et règles?

Par exemple, la journaliste du quotidien Le Devoir écrit: «(...) les auteurs peuvent vendre leurs oeuvres en ligne sans en céder leurs droits et en récupérant 80 % des revenus de leurs ventes». En réalité, l'auteur ne récupère pas 80% des revenus de la vente de ses exemplaires car il doit payer des taxes sur ses redevances au gouvernement américain dès qu'il demande un numéro ISBN à Lulu.com. Cette taxe américaine s'élève à 30% pour les auteurs étrangers. En fin de compte, c'est 56% que l'auteur québécois touchera, non pas 80%. On ne fait pas affaire avec une firme à l'étranger comme on le fait avec une firme de chez soi; il y a des formalités fiscales à respecter.

«Les individuels étrangers non-résidents et entités commerciales doivent fournir un formulaire W-8BEN avec un numéro d'identification individuel de contribuable valide (ITIN) ou un numéro d'identification d'employeur (EIN pour entreprises). Si un étranger non-résident ou une entité commerciale non-résidente a un formulaire W-8BEN valide enregistré chez Lulu alors les royalties originaires des États-Unis que vous gagnez avec cet ISBN seront sujettes au taux de retenue de la taxe fixé dans le traité de taxation entre les États-Unis et le pays que vous spécifiez sur la ligne 9A de votre formulaire W-8BEN si un tel traité existe. Si un individuel ou entité commerciale non-résident étranger n'a PAS de formulaire W-8BEN enregistré chez Lulu alors les royalties (droits d'auteurs) que vous gagnez grâce à cet ISBN seront sujettes à la retenue de taxes par défaut pour les entités étrangères non-résidentes (actuellement 30%). Aucun traité de taxation des États-Unis qui s'adresse particulièrement, est documenté, et entre directement en conflit avec cette structure ne pourra remplacer ces règles générales.»
Source : Lulu.com

La journaliste écrit: «Enfin, Lulu.com peut fournir, moyennant des frais de 99 $, un ISBN (pour International Standard Book Number), qui permettra à l'auteur d'accéder à des sites comme Amazon.com ou d'autres lieux de diffusion.» Or, ce n'est pas l'auteur lui-même qui accède à Amazon.com ou autres sites mais Lulu.com car en achetant un numéro ISBN, l'auteur cède ses droits d'éditeur à Lulu.com qui devient ainsi l'éditeur du livre. Bref, on ne parle plus d'autoédition mais d'édition à compte d'auteur dès que l'auteur achète un ISBN à Lulu.com.

Il faut bien comprendre que l'achat de ce numéro ISBN est lié au forfait de distribution nommé «Publié par Lulu». Si l'auteur souhaite retenir les services de distribution de Lulu.com, il doit obligatoirement retenir l'option «Publié par Lulu» parce que l'autre option, «Publié par vous», n'est pas disponible en dehors des USA peut-on lire sur le site de Lulu.com: «Le service "Publié par Vous" n'est actuellement accessible qu'aux résidents des États-Unis, des Îles Vierges US , de Guam et de Porto Rico.» (Source) Autrement dit, ici aussi, pour les auteurs québécois, tout forfait de distribution avec Lulu.com, implique l'édition à compte d'auteur et non pas l'autoédition. L'option «Publié par vous» au lieu de par Lulu.com permettrait à l'auteur québécois de demander lui-même un numéro ISBN aux instances québécoises. Mais ce serait une opportunité d'affaires de perdue pour Lulu.com car l'attribution des numéros ISBN est gratuite au Québec, ce que l'article du quotidien le Devoir ne précise pas.

La journaliste mentionne, en citant à un magazine français, «dans leur grande majorité, les auteurs proposant leurs oeuvres en ligne ne vendent jamais plus que quelques dizaines d'exemplaires». Toute la question est de savoir si l'auteur couvrira ses frais de départ avec un revenu réel de 56% car chaque étape est sujette à paiement (voir: Comparaison de coûts entre la Fondation littéraire Fleur de Lys et Lulu.com).

L'une de ces étapes consiste à fournir à lulu.com son oeuvre sous la forme d'un fichier PDF. Si vous retenez l'une des options de distribution, Lulu.com exige que ce fichier PDF soit produit avec le logiciel de la firme américaine Adobe: «Le texte devra être converti en PDF par Adobe. (Si vous fournissez votre propre PDF il doit être converti avec Adobe; ...)» (Source) Or, ce logiciel coûte au bas mot 350.00$ chez Bureau en gros. Si vous ne l'avez pas, vous devrez payer lulu.com pour la conversion.

Dans un reportage, il est important de relever les détails les plus significatifs pour le lecteur, dans ce cas, un Québécois devant une firme étrangère américaine, mais la journaliste du quotidien Le Devoir se limite à des généralités qui ont tout pour induire en erreur les auteurs québécois en mal d'un éditeur.

À la haute direction du quotidien Le Devoir, il est important de préciser que la Fondation littéraire Fleur de Lys est connue du responsable des nouvelles culturelles, ne serait-ce que pour nos nombreuses critiques de son travail, ce dernier laissant en plan une présentation en bonne et due forme de notre initiative. De toute évidence, Le Devoir préfère une firme américaine aux initiatives québécoises.

Serge-André Guay
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