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Impasse du nationalisme de droite et du nationalisme de gauche au Québec

léniniste-trotskyste, Friday, May 18, 2007 - 21:09

Article sur la politique québécoise qui a été publié dans le dernier numéro de la revue trotskyste française Révolution Socialiste.

Lettre du Canada

Impasse du nationalisme « de droite » et du nationalisme « de gauche » au Québec

Contexte historique et politique

Au cours de l’automne 2005, nous avons assisté à une course à la chefferie au Parti Québécois, un parti nationaliste bourgeois qui prône la création d’un État québécois indépendant du Canada et capitaliste. C’était un événement qui ne s’était pas produit depuis 1985 lors de la démission du fondateur du PQ, René Lévesque. Elle s’est terminée le 15 novembre 2005, jour anniversaire de la première prise du pouvoir par le Parti Québécois en 1976. Il n’y a pas eu d’enjeu véritable dans cette course. Tous les candidats juraient fidélité, comme de raison, aux dogmes du capitalisme impérialiste et aux politiques anti-ouvrières.

Peu de temps après cette course à la chefferie, en décembre 2005, le gouvernement du Parti libéral du Québec, un parti bourgeois favorable au maintien de l’unité canadienne, dirigé par Jean Charest a promulgué une loi spéciale, la loi 142, pour mettre fin aux moyens de pression des travailleurs et des travailleuses du secteur public québécois. Cette loi très répressive a imposé unilatéralement une nouvelle convention collective aux employés de la fonction publique et interdit tout moyen de pression jusqu’à l’échéance de la présente convention collective.

Ce fut une défaite sévère pour la classe ouvrière québécoise, dont la responsabilité incombe aux bureaucrates syndicaux qui ont refusé de mener une lutte unifiée contre les attaques du gouvernement Charest et qui ont rejeté les appels pour une grève générale provenant de la base militante des syndicats du secteur public. Ces derniers sont restés divisés tout au long de la lutte et ont mené des actions dispersées et très faibles, comme par exemple des demi-journées de grève, des manifestations symboliques et le boycott des activités parascolaires par les enseignants. Seuls les travailleurs de trois ministères ont entrepris une grève de longue durée, soit le ministère de la Justice, le ministère du Revenu et la Société d’Assurance-Automobile du Québec (SAAQ), qui ont abandonné leurs moyens de pression au bout de quelques semaines à cause de leur isolement. Tout ceci démontre une fois de plus le rôle traître des bureaucrates syndicaux pro-capitalistes qui sont à la tête des organisations de masse de la classe ouvrière.

La direction du PQ va de plus en plus vers la droite

André Boisclair, le nouveau chef du PQ, aspire à pousser son parti davantage vers la droite en adoptant des politiques qui sont encore plus néolibérales et anti-ouvrières que d’habitude. Il rêve de poursuivre l’offensive antisociale amorcée par ses prédécesseurs à la tête du Parti Québécois, Lucien Bouchard et Bernard Landry et amplifiée par le libéral Jean Charest tout en camouflant ses buts derrière un langage pédant et technocratique. Il n’a critiqué que du bout des lèvres la loi spéciale du gouvernement Charest contre les travailleurs de la fonction publique et a même refusé de s’engager pour l’abolir s’il gagne les prochaines élections. Lors d’une conférence donnée en septembre 2005 devant des étudiants de CÉGEP (institutions d’enseignement général et professionnel entre l’école secondaire et l’université), André Boisclair a déclaré que l’on devait prouver que l’instauration de la gratuité scolaire au niveau universitaire comporte plus de bénéfices que de dépenses pour l’État québécois ! C’est une logique typiquement et complètement capitaliste digne de Bush, Blair, Harper et Jean Charest. Il ne faut pas oublier que le Parti Québécois a déjà tenté, en 1996, de dégeler (augmenter) les frais de scolarité pour les étudiants universitaires du Québec et qu’il a reculé suite à une grève étudiante massive et combative.

Le PQ, en tant que parti capitaliste, n’est aucunement une alternative au Parti Libéral du Québec. Ses critiques des coupures de Charest ont d’ailleurs été perçues comme étant peu crédibles par les travailleurs et travailleuses, les étudiantEs, et tous ceux et celles qui luttent contre les politiques antisociales du gouvernement libéral. Des bureaucrates syndicaux ont formé, à l’intérieur du PQ, le groupe Syndicalistes et Progressistes pour un Québec Libre (SPQLibre) qui tente de fournir une couverture de « gauche » et légèrement socialisante au Parti Québécois. Malgré le SPQLibre, la classe ouvrière québécoise ne devra jamais oublier que le PQ est un parti bourgeois qui a toujours défendu le projet d’un Québec capitaliste indépendant lié aux banquiers de New-York et que les nombreuses coupures draconiennes effectuées par ce parti n’étaient aucunement des « erreurs de parcours », mais plutôt le résultat de la crise économique du capitalisme que la bourgeoisie veut faire payer à la classe ouvrière.

C’est très facile de faire de belles promesses et d’adopter des positions « progressistes » quand on est dans l’opposition. Mais l’exercice du pouvoir est une autre histoire. Les différents mandats du Parti Québécois ont été très instructifs à cet égard. On n’a qu’à se rappeler les attaques brutales contre les fonctionnaires québécois en 1982-1983 qui n’avaient rien à envier à celles qui ont été perpétrées par les gouvernements les plus à droite, dans les autres provinces du Canada. En 1996, le Parti Québécois a mis sur pied une politique de « déficit zéro », ce qui veut dire l’élimination complète du déficit budgétaire gouvernemental, en coupant sauvagement dans les programmes sociaux et dans la fonction publique, avec la suppression de plus de 15 000 emplois.

Fondation d’un nouveau parti « de gauche »

L’alternative ne se trouve pas non plus du côté du nouveau parti de « gauche » qui a été créé en février 2006 avec la fusion de l’Union des Forces Progressistes et d’Option Citoyenne, les deux principales organisations de la gauche réformiste québécoise, et qui porte le nom de Parti Québec Solidaire (PQS).

C’est un parti populiste « de gauche » qui évite systématiquement toute référence à la classe ouvrière et au socialisme dans sa déclaration de principes dans le but de « ratisser large » et d’être bien perçu dans les médias bourgeois. Ses fondateurs sont des nostalgiques des économistes bourgeois de l’école keynésienne et de la sociale-démocratie d’après-guerre, qui prétendaient fallacieusement réguler le capitalisme national dans l’intérêt de tous. Leur prétendu « Etat-providence » s’est fracassé avec la crise capitaliste mondiale de 1973 dont les bourgeoisies impérialistes sont sorties –temporairement– en reprenant les concessions qu’elles avaient dû accorder aux prolétariats des pays avancés et en réussissant à restaurer le capitalisme en Europe centrale, en URSS, en Chine…

Le réformisme est désormais sans réforme, car la bourgeoisie n’a pas d’autre solution que de poursuivre ses attaques contre tous les acquis antérieurs de la classe ouvrière. Dans Le Devoir du 6 février 2006, une des porte-parole du PQS, Françoise David, qui était une militante du groupe maoïste En Lutte dans les années 1970, a déclaré qu’il n’était pas question que le nouveau parti appartienne à l’extrême-gauche et que les concepts de dictature du prolétariat et de révolution « violente » étaient immédiatement récusés, sans doute pour être plus « crédible » aux yeux de la bourgeoisie.

La loi sur la Clarté référendaire promulguée en 2000 par le gouvernement libéral fédéral de Jean Chrétien est une attaque sérieuse contre les droits nationaux du Québec, car elle permet au gouvernement fédéral de s’ingérer dans la formulation de la question référendaire et de déterminer la majorité nécessaire pour déclarer l’indépendance du Québec. Le récent scandale des commandites, qui implique un détournement massif de sommes d’argent vers des agences de publicité proches du Parti Libéral du Canada pour financer des campagnes pour l’unité nationale canadienne, illustre la volonté de l’État canadien d’empêcher coûte que coûte l’exercice légitime du droit du Québec à l’autodétermination. Le chauvinisme de grande nation du Canada anglais, qui est dominant au sein de l’État canadien et donc encore plus dangereux que le nationalisme étroit du Québec, est un poison pour l’unité de la classe ouvrière canadienne contre les capitalistes anglophones et francophones.

Que ce soit en Palestine, Irlande, au Kurdistan, au Pays basque ou au Québec, les nationalistes bourgeois et petit-bourgeois sont incapables d’apporter une solution démocratique aux problèmes nationaux. Au niveau de la question nationale du Québec, le Parti Québec Solidaire, tout en se prononçant en faveur de la souveraineté du Québec, maintient une certaine ambiguïté, sans doute pour rallier le parti social-démocrate, le Nouveau Parti Démocratique, qui est fédéraliste et qui tente de réaliser une percée au Québec. Pour unifier la classe ouvrière de tout le Canada, il faut défendre résolument le droit du peuple du Québec à l’autodétermination et ce incluant le droit à la sécession et à former un État indépendant, tout en reconnaissant les droits des Indiens et en combattant le nationalisme québécois, la volonté des indépendantistes bourgeois du Parti Québécois et du Bloc Québécois de devenir les exploiteurs exclusifs de « leur » classe ouvrière.

Lors de son dernier congrès à la fin novembre 2006, le Parti Québec Solidaire a adopté une plateforme électorale comportant 25 propositions. C’est un programme profondément populiste qui évite encore une fois toute référence au socialisme et qui n’est aucunement centré sur la classe ouvrière. C’est une liste d’épicerie qui veut simplement « améliorer » le capitalisme en donnant des miettes aux travailleurs. On y retrouve entre autres la hausse du salaire minimum à 10$ de l’heure, la hausse des prestations sociales pour couvrir les « besoins essentiels », plus de logements sociaux, l’augmentation de la durée des vacances, l’abolition des lois antisyndicales promulguées par le gouvernement Charest, la réduction progressive des frais de scolarités à l’université, un programme de lutte contre l’homophobie et la violence faite aux femmes, etc. Sur le plan économique, il n’y aucune mention de l’étatisation des moyens de productions. On revendique simplement la nationalisation du secteur éolien de l’énergie avec la création d’Éole-Québec et la mise sur pied d’une compagnie pharmaceutique publique Pharma-Québec. Pour justifier la hausse du salaire minimum la direction de QS utilise des déclarations faites par des politiciens bourgeois. En voici un exemple :

« Aujourd’hui, c’est le gouvernement libéral de l’Ontario qui nous donne raison en augmentant le salaire minimum à 10,25$. Plus tôt cette semaine, le commissaire chargé par Ottawa d'examiner les normes du travail fédérales Harry Arthurs, a proposé que le salaire minimum atteigne 10,22 $ l'heure. Il n’y a donc rien d’excessif à proposer que le salaire minimum passe à 10 $/h au Québec. Cette hausse est normale et nécessaire pour la dignité et bénéfique pour l’économie québécoise », a affirmé Françoise David, porte-parole de Québec solidaire.

Il n’y a rien sur les questions internationales dans la plateforme de Québec Solidaire. Pourtant, en septembre dernier, QS a pris position pour le retrait des troupes impérialistes canadiennes d’Afghanistan mais on n’en retrouve aucune mention dans ce programme électoral. Comme nous pouvons le constater, nous sommes très loin d’un programme de revendications transitoires comme Trotsky l’avait formulé en 1938 pour combattre le capitalisme décadent.

L’extrême-gauche du Québec se démasque

Le plus désolant dans tout ça est le soutien enthousiaste qui est accordé par toute une variété de pseudo-marxistes, tels que les pablistes de Gauche Socialiste, les cliffistes de Socialisme International, les staliniens du Parti communiste du Québec, etc. Le Parti Communiste du Québec a traditionnellement pour but de mettre sur pied une coalition antimonopoliste avec des éléments « progressistes » de la classe dirigeante. Gauche Socialiste est célèbre, tout comme sa tendance internationale (le Secrétariat Unifié), pour son abandon, de moins en moins camouflé, du programme trotskyste de révolution prolétarienne internationale et pour son appui à toute coalition front-populiste et à tout nouveau parti nationaliste ou réformiste qui apparaît. Socialisme International considère que le mouvement altermondialiste, le mouvement anti-guerre, voire l’islamisme, sont plus importants que la classe ouvrière. Tous ces courants mythifient le PT et le PSol au Brésil, le PRC en Italie, IU en Espagne, le PDS et le WASG en Allemagne, Respect en Angleterre, mais aussi des organisations nationalistes comme le PRD au Mexique, le SSP et Solidarity en Écosse, le Hezbollah au Liban… et maintenant le Parti Québec Solidaire au Québec. Ils vont parfois jusqu’à appeler à voter pour des candidats de la bourgeoisie (Kerry, Aquino, Chirac…).

Tous partagent la même volonté de « réformer et humaniser » le capitalisme ainsi qu’un appui indéfectible au parlementarisme bourgeois, tout en enrobant leur discours d’un vernis pseudo-marxiste. Une telle ligne politique est une impasse pour la classe ouvrière, tout comme le « réalisme » du PQS. Les nouveaux partis réformistes sont des obstacles à la construction du parti ouvrier révolutionnaire et trahiront tout mouvement de masse de la classe ouvrière et de la jeunesse. Ils sont construits maintenant en tant que pièges préventifs pour fourvoyer les travailleurs vers l’impasse de la collaboration de classes et sauver l’État bourgeois en cas de crise révolutionnaire.

C’est pourquoi il faut rompre complètement avec tous les partis de la bourgeoisie, avec tous les partis nationalistes, se délimiter des partis réformistes et travailler avec acharnement et sans répit à la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire léniniste-trotskyste qui se situe dans la continuité de la révolution bolchevique d’octobre 1917 en Russie et de la Quatrième Internationale fondée par Léon Trotsky en 1938.

Recréons une internationale communiste !Construisons un parti ouvrier révolutionnaire de tout le Canada !

Montréal (Québec), 22 février 2007, correspondant



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