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Analyse des évévements du 28 juillet

basta, Tuesday, July 29, 2003 - 02:22

Basta

La journée du 28 juillet aura été un moment de réflexion sur la nature et la fonction de l'activisme, particulièrement pour ceux qui ont vécu cette journée en étant prêts des événements. On a vu deux formes de violence: celles de casseurs, et celles des forces policières. Rappelons tout d'abord les faits, pour les analyser par la suite.

Un rappel des faits

Selon les estimations de MM. Gabriel Babineau et John Viola, du Collectif juridique/Libertas Libertas Legal Collective, le nombre des arrestations lors des manifestations contre l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce), pour le lundi 28 juillet, s'élèverait finalement à un peu plus de 340, une portion significative de la manifestation (la moitié selon certains). Parmi ces manifestants arrêtes, on compterait 21 responsables médicaux, de même que le docteur Amir Khadir (Coalition des Médecins pour la Justice Sociale, Solidarité-Union- Coopération, Médecins du Monde, source RDI 29/07). Des responsables de la mobilisation populaire, comme l'activiste Jaggi Singh, ont été arrêtés (voir le communiqué de la mobilisation https://cmaq.net/fr/node/12903). Rappelons aussi que plusieurs de ces manifestants ont été arrêtés alors qu'ils ne participaient à aucune action, s'étant retirés dans le calme de la zone verte, endroit dédié à la discussion et à l'information.

Libéré dans la soirée, M. Khadir a pu témoigner des traitements injustes infligés aux manifestants arrêtés. Plusieurs auraient été détenus durant 9 heures, attachés et privés de toute forme d'alimentation. Rappelons que la température a atteint les 27 °C, ce qui rend le manque d'eau et d'aliments forts inconfortables et même inacceptables. De plus, un témoin oculaire, préférant garder l'anonymat, dit avoir observé des fouilles corporelles effectuées sur des manifestantes féminines par des policiers masculins.

Les manifestants, selon les membres de Libertas, seront détenus 24 heures pour les empêcher de participer à nouveaux aux émeutes de demain. Ils seront accusés de "participation à une émeute" et "d'attroupement illégal".

Analyse de la police, des médias et de la désobéissance civile

Nous sommes donc autorisés à dire que, de façon générale, le comportement des forces policières a été injuste, excessif et illégal. Certes, "au moins quatre commerces du centre-ville de la métropole" (selon Radio-Canada) auraient été endommagés, de même que quelques poubelles et parcomètres; quelques véhicules, etc., mais il n'y a pas là de raison valable à la suspension de certains droits humains fondamentaux. Même en temps de guerre, remarque M. Khadir, le personnel médical est respecté par les forces armées.

De la sorte, en plus de brimer certains droits garantis par la Chartre des droits et libertés, les actes posés aujourd'hui par les forces policières sont aussi inacceptables selon leurs propres critères car ils constituent aussi des violations au Code de déontologie des policiers du Québec (http://www.canlii.org/qc/regl/rcqc/20030530/r.q.o-8.1r.1/tout.html):

article 6 alinéa 1
- le policier ne doit pas avoir recours à une force plus grande que celle nécessaire pour accomplir ce qui lui est enjoint ou permis de faire;

article 10, alinéa 2
- le policier ne doit pas être négligent ou insouciant à l'égard de la santé ou de la sécurité d'une personne placée sous sa garde

article 10, alinéa 4
- le policier ne doit pas, sauf en cas de nécessité, fouiller une personne de sexe opposé, assister à la fouille d'une telle personne ou faire fouiller une personne placée sous sa garde par une personne qui ne soit pas du même sexe

En bref, il y a là une authentique répression policière. Qui plus est, cette répression policière, dénoncée par les participants et organisateurs de la mobilisation populaire, n'a pratiquement pas été soulignée par les médias corporatistes, plutôt intéressés à propager une vision fort réductrice de la manifestation, une vision qui s'attarde aux comportements violents de certains groupes. Les motifs réels de cette protestation ont été bien souvent écartés au profit d'une couverture sensationnaliste.

Aussi a-t-on vu le bris des rares vitrines endommagées filmé sous tous les angles et diffusé en boucle, donnant l'impression, à qui n'était pas présent, que la manifestation était un festival de destruction urbaine. On a laissé parler amplement le Bon Travailleur, le Contribuable Consciencieux, le Citoyen Ordinaire et le Commerçant Honnête, qui s'accordent pour dire que les manifestations ont perturbé leur déplacement ou la bonne marche de leurs affaire$. Certains propos devenaient carrément farfelus, comme ce présentateur parlant de "centaines de personne avec des roches et des marteaux dans leurs sacs" (LCN), ou cette présentatrice TVA annonçant, en début d'après-midi, des épisodes de grabuge supposément prévus pour le soir, ce que même les manifestants et organisateurs ignoraient !

La justification de la violence est un sujet complexe qui ne pourrait être réglé en quelques lignes. Mentionnons premièrement que la violence, en elle-même, n'est pas nécessairement réprimable: devant des situations clairement injustes, une utilisation concertée de la violence peut être justifiée. La complexité de ce problème vient du fait qu'on ne sait pas toujours à quelle condition une telle justification est possible.

Pour plusieurs activistes ou sympathisants du mouvement altermondialiste et anticapitaliste, des actes de dommage de propriété corporatiste sont des actes qui, bien qu'ils soient illégaux ne sont pas pour autant illégitimes. Les cibles sont souvent symboliques, et ce type de comportement a été de toute l'histoire de la contestation le dernier recours de gens du peuple convaincus qu'on ne les écoute pas et qu'on les brime. "Qui sème la misère récolte la colère", scandaient-ils dans la rue.

Traditionnellement, ces actes étaient posés par des gens d'une ville, d'une région ou d'un pays, contre des institutions de la ville, région ou pays, dont le comportement était injuste envers ces gens. Cependant, aujourd'hui, le comportement injuste n'est plus localisé: les entreprises qui créent des dégradations écologiques, politiques, économiques et culturelles, sont des multinationales dont le pouvoir s'étend de jour en jour grâce à des institutions multinationales comme l'OMC. L'ennemi des opprimés n'est donc pas toujours face à eux; c'est pourquoi il n'y a bien souvent que des symboles matériels contre lesquels la résistance peux lutter.

Beaucoup de manifestants qui adhèrent à cet argumentaire ne sont toutefois pas prêts à poser des actes de désobéissance civile violents. On pourrait comprendre cette position comme une délégation de pouvoirs: tout comme ce n'est pas tout le monde de la société civile qui est prêt à se livrer à des actes de violence acceptés, comme certains comportements militaires et policiers, ce n'est pas tout le monde du mouvement anticapitaliste qui est prêt à les poser, mais dans les deux cas on délègue ce pouvoir à des personnes qui acceptent de plein gré ce statut. En bref, il y a des forces de l'ordre et des forces du désordre. Et le désordre, comme disait Ferré, c'est l'ordre, moins le pouvoir.

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Subject: 
Délégation de pouvoir ? Faut pas charier...
Author: 
Richard Fecteau
Date: 
Tue, 2003-07-29 09:45

Bonne analyse, en général, quoique discutable sous bien des aspects. Avant de déclencher des réactions trop vives, je tient à préciser que des consensus émergent sur la question de la légitimité de certaines de violences. Dans le cas tout particulier de la violence qui s'attaque à des biens physique sans mettre en danger de personnes, je crois qu'on en est revenu du purisme pacfiste de certains groupes.

Le système est violent et cause par ses contradictions ce type de réactions. Le débat est ailleurs. Il se situe davantage au niveau de la question de la création d'un rapport de force. Ce rapport de force avec l'État bourgeois doit-il être basé sur une élité avant-gardiste éclairé qui comprend profond le sens du vitre qui vole en éclas ou plutôt sur la socialisation de nos opinions au sein de la population ? Comment éviter la récupération de nos actions par les médias corporatistes et leurs publicistes ? La violence fait-elle avancer notre cause ou nous met-elle la population à dos. Tel est le débat qui, lui, ne sera jamais complètement résolu tant les positions des divers groupes divergent à ce propos. Force est toutefois de constater que la violence d'une seule personne rend invisible la non-violence d'un milion de manifestantEs.

Je m'éloigne toutefois de mon point.

Où je m'insurge c'est quand basta affirme que "Beaucoup de manifestants qui adhèrent à cet argumentaire ne sont toutefois pas prêts à poser des actes de désobéissance civile violents. On pourrait comprendre cette position comme une délégation de pouvoirs: tout comme ce n'est pas tout le monde de la société civile qui est prêt à se livrer à des actes de violence acceptés, comme certains comportements militaires et policiers, ce n'est pas tout le monde du mouvement anticapitaliste qui est prêt à les poser, mais dans les deux cas on délègue ce pouvoir à des personnes qui acceptent de plein gré ce statut."

Délégation de pouvoirs ? Ça vient d'où ça ? Pas en mon nom, comme on disait lors de la guerre en Irak. M'a-t-on demandé mon opinion avant que ne soit smaché la fenêtre du Murder King ? Non, et j'ose croire que ce ne sera jamais le cas. Si, dans le mouvement anti-mondialisation, on peut s'appuyer sur l'appui implicite de l'ensemble des participantEs, on tombe dans un système aussi anti-démocratique que celui que l'on dénonce.

Si une personne veut faire de la casse, je ne serai pas imbécile au point de la condamner publiquement, bien que l'envie m'en prenne régulièrement en voyant mes efforts d'éducation populaire réduits à néant. Je ne condamnerai pas, mais je ne laisserai surtout pas passer des affirmations de ce type : le flic ne tapoche personne en mon nom, Pettigrew ne négocie pas en mon nom et le gars (tous des gars, en passant) ne démolit pas de la marchandise en mon nom...

Ceci étant dit, mes solidarités avec tous ceux et celles qui ont eu la bad-luck d'être arrêtéEs !

Richard Fecteau


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Subject: 
violence et visibilité
Author: 
steph
Date: 
Tue, 2003-07-29 15:08

"La violence fait-elle avancer notre cause ou nous met-elle la population à dos. Tel est le débat qui, lui, ne sera jamais complètement résolu tant les positions des divers groupes divergent à ce propos. Force est toutefois de constater que la violence d'une seule personne rend invisible la non-violence d'un milion de manifestantEs."

Je ne suis vraiment pas convaincu de celà. Je suis prêt à accorder que la violence (si c'est de cette façon qu'on considère les dommages à la propriété privé) amène une certaine image négative à l'ensemble du mouvement, mais je doute fortement qu'elle rende la non-violence invisible, à preuve le nombre de critiques de l'OMC dans les différents médias. Pour ma part, je crois qu'il vaut mieux une apparation médiatique déformée que pas d'apparition du tout. Lorsque toute la planète voit des manifestants faire de la casse contre ce sommet à Montréal, je crois que le débat devrait plutôt être: "Vaut-il mieux une mauvaise image, ou pas d'image du tout?".

Par ailleurs quand je lis dans Liberation: "Deux cents jeunes manifestants, munis des planches et de barres métalliques", je crois que les efforts devrait aller davantage à pousser les grands médias à faire leur job.


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Subject: 
violence et visibilité
Author: 
steph
Date: 
Tue, 2003-07-29 15:15

(commentaire publié ailleurs)

"La violence fait-elle avancer notre cause ou nous met-elle la population à dos. Tel est le débat qui, lui, ne sera jamais complètement résolu tant les positions des divers groupes divergent à ce propos. Force est toutefois de constater que la violence d'une seule personne rend invisible la non-violence d'un milion de manifestantEs."

Je ne suis vraiment pas convaincu de celà. Je suis prêt à accorder que la violence (si c'est de cette façon qu'on considère les dommages à la propriété privé) amène une certaine image négative à l'ensemble du mouvement, mais je doute fortement qu'elle rende la non-violence invisible, à preuve le nombre de critiques de l'OMC dans les différents médias. Pour ma part, je crois qu'il vaut mieux une apparation médiatique déformée que pas d'apparition du tout. Lorsque toute la planète voit des manifestants faire de la casse contre ce sommet à Montréal, je crois que le débat devrait plutôt être: "Vaut-il mieux une mauvaise image, ou pas d'image du tout?".

Par ailleurs quand je lis dans Liberation: "Deux cents jeunes manifestants, munis des planches et de barres métalliques", je crois que les efforts devrait aller davantage à pousser les grands médias à faire leur job.


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Subject: 
Une autre image est possible (joke)
Author: 
Richard Fecteau
Date: 
Tue, 2003-07-29 15:36

Bien d'accord avec toi, ce sont des questions pertinentes sous certains aspects, mais je pense que ton commentaire pose le débat d'une manière un peu simplifiée. Il y aurait d'autre manière de frapper les médias, si l'on veut, et qui serait positive. Pour y arriver, il faut bien de l'imagination, un plus grand nombre de manifestantEs, une meilleure préparation de l'opinion publique à la tenue d'un événements, une plus grande clarté dans notre message, le recours à d'autres formes de contacts avec la population que les grands médias, etc.

Je conviens que c'est difficile de réunir toute cette série d'éléments, il s'agit de travailler les perceptions qu'a la population du mouvement, comme tout le monde le fait déjà mais en baissant un peu facilement les bras. Certains exemples existent de coups d'éclats drôlement efficaces, quand il vient le temps d'attirer l'attention des médias mainstream et de garder l'image d'un groupe articulé plutôt qu'armé, si je peux m'exprimer ainsi.

Il me semble toutefois que ton exemple du Libération prouve ce que j'avançais un peu plus haut : une personne avec des planches fait oublier toutes les autres. Elle est plus spectaculaire et sensationnelle à elle seule qu'une foule complète. N'oublions pas non plus les photos, qui sont davantage regardées que les articles. En général, dans un journal, la plupart des gens ne lisent que les gros titres, les vignettes des photos et quelques paragraphes rapides.

Si j'avais à répondre à ta question, toutefois, j'aurais tendance à dire qu'on est mieux de ne pas avoir d'image. Si on est pas capable de profiter d'un party de caviar comme celui de l'OMC pour faire lever l'opinion publique, aussi bien travailler davantage à l'émergence d'un lame de fond au sein de la population et confrontons le pouvoir de manière plus diffuse.


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Subject: 
diversité des tactiques
Author: 
societelibre
Date: 
Tue, 2003-07-29 16:16

bonne analyse, mais je suis d'accord avec richard qu'il n'est pas question de délégation de pouvoirs, au contraire, il est justement question d'aucune délégation de pouvoirs.

Le mouvement est uni pour ce qui a trait à ce qu'il lutte contre, mais il vit par la diversité des solutions qu'il propose. De même, les manifestants sont unis par ce qu'ils luttent contre, mais les manifestations vivent par la diversité des tactiques utilisées et le respect de chacun et de ses tactiques et idéologies, conformément à certains principes fondamentaux qui dans ce cas sont les principes de l'Action Mondiale des Peuples.

Donc je suis peut-être personnellement en désaccord tactiquement avec l'utilisation de bris matériel (que je n'appelerais pas violence, car aucune vie humaine n'est mise en danger), mais je respecte ceux qui utilisent cette tactique, tant qu'ils respectent les principes de l'AMP. Tout comme je peux être personnellement en désaccord tactiquement avec ceux qui croient qu'on peut changer le monde seulement avec des manifestations légales organisées avec les policiers et sans actions directes, mais je les respecte et ne proclame pas que seule la désobéissance civile est tactiquement bonne. Donc personne n'a le pouvoir sur personne, personne ne délègue personne d'autres pour agir en son nom, mais chacun respecte les idéologies et les tactiques de chacun: c'est à la base du mouvement selon moi; la diversité, l'auto-détermination, la solidarité et l'organisation horizontale.


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Subject: 
Je suis un peu fatigué
Author: 
alexis
Date: 
Tue, 2003-08-12 11:29

alexis, Bon, je suis un peu fatigué de lire et relire éternellement les mêmes propos sur le même sujet : La violence est-elle légitime ; Comment doit-on gérer cette violence, etc. Premièrement, je ne mettrais jamais en doute l'idée de la discussion, de l'auto-crtique et du débat. Aussi, je suis tout à fait d'accord avec le fait qu'il s'agit d'une violence purement symbolique. Par ce fait même, nécessaire. À ce jour, personne n'a encore réclamé le pouvoir par les armes ! Et c'est en fait pour éviter ce fardeau aux générations suivantes qu'il y a, aujourd'hui, ces manifs.
Par ailleurs, je suis d'accord avec Richard sur certains points lorsque celui-ci dit qu'il faut faire attention quant à nos tactiques et stratégies. Par exemple, j'ai été très étonné et déçu de voir deux militant dire à TVA le matin du shut down :"Il faut faire la révolution, il faut tout casser." Ce que je veux dire ici, c'est qu'il faut faire très attention à nos propos lorsque l'on s'aventure dans le "meilleur des" mondes médiatiques. Bravo à vous, vous avez donné un let motiv et une certaine légitimation aux reportages subséquents. En passant, les pires que j'ai vue à ce jour. Je parle évidemment de ceux de TVA qui ont été diffusés aux heures de grandes écoutes. On montrait ces deux extrais et ensuite le reporteur se promenait dans la foule en filmant l'arsenal du militant casseur. C'était d'une tristesse qui frisait la folie.
En ce sens, je crois qu'aucun carcan médiatique ne doit faire obstacle à toute action de désobéissance civile. Par ailleurs, de grâce, ne les aidez pas par des propos qui ne feraient qu'alimenter leurs allégations aussi ridicules qu'insensées.

Et pendant qu'on est à procrastiner encore et encore sur les virgules de la manif, sur les chances de la récupération politique et médiatique des actions, eux, ils s'organisent. Et le débat reste toujours à ce niveau, c'est-à-dire au plus petit dénominateur commnun politique que ce soit.


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