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Le budget participatif : un outil révolutionnaire pour un "dialo

vieuxcmaq, Mardi, Février 5, 2002 - 12:00

VINCENT DECROLY (publié par le collectif du cmaq) (vincent.decroly@lachambre.be)

Thème d'un séminaire d'approfondissement critique tenu ce 2 février par plusieurs centaines d'alter mondialistes au Forum social mondial, le budget participatif (BP) est une méthode de gouvernement radicalement démocratique. Il bénéficie aujourd'hui d'un recul de 12 années, suffisant pour en mesurer la pertinence.

Par Vincent DECROLY, Député fédéral belge

Le BP est une institution politique propre à forcer l'avènement d'une authentique nouvelle culture politique chez les élus. La manifestation très animée qui a marqué le début du Forum parlementaire mondial l'a à nouveau rappelé, il est devenu urgent de forcer les mandataires qui s'y sont engagés à mieux résister aux tentations de la pensée unique. Trop souvent, on les a vus ces derniers mois abandonner délibérément leur pouvoir a 'la main invisible' du marché.

Depuis 1989, la ville de Porto Alegre (1,3 millions d'habitants) est dirigée par un élu du Front populaire. Ce Front est une large coalition rassemblée autour du Parti des travailleurs (PT). Il a inscrit la démocratie participative en tête de ses priorités électorales.

Au Brésil, qui sortait d'une longue période de dictature et de corruption, l'idée a fait mouche de restaurer la transparence dans la gestion de la chose publique - et de le faire, volonté politique cruciale, dans une perspective favorable aux pauvres et aux bas revenus croupissant depuis des décennies dans les favelas.

Le BP repose sur un principe de délégation directe et complète, aux citoyens, des choix relatifs à l'utilisation d'une proportion significative du budget public. Ainsi sont gérés, a Porto Alegre, quelque 20 % du budget de la ville, portant sur les grands secteurs d'investissements publics (infrastructures et communications, énergie, santé, éducation, environnement et qualité de la vie...)

Énoncée abstraitement, l'idée peut paraître aller de soi : "le peuple veut un dispensaire ? Il a droit a un dispensaire. Il exige une école ? Qu’on la lui fournisse ! Il revendique un réseau d'égouttage, les grues n'ont qu'à entrer en action" !

C'est pourtant loin d'être si simple, qu'on ne s'y trompe pas! Il faut d'abord que les décideurs reconnaissent l'impasse dangereuse dans laquelle leur culture politique dominante a conduit la démocratie représentative (élus qui ne jouent plus suffisamment leur rôle de contrôle du gouvernement, partis devenus inaptes à assurer des progrès vers les programmes sur lesquels ils ont été portes au pouvoir, ministres qui abdiquent trop souvent de leur mission d'intérêt général face à des intérêts privés, réduction de la politique a des techniques de communication et de clientélisme, essor de l'extrême-droite sur ce terreau propice...)

Au-delà d'un accord sur ce diagnostic, le BP bien compris requiert des politiques une attitude d'autolimitation de leur pouvoir et une posture intellectuelle de confiance dans les ressources citoyennes. On est donc loin des "consultations" et autres "concertations" plus ou moins contraignantes pour les décideurs. Ces procédures sont un progrès par rapport à l'unilatéralisme despotique qui a longtemps prévalu, mais le processus du BP, lui, se déroule sur neuf mois par an. Il aboutit à des réalisations directement décidées par les assemblées de citoyens et leurs délégués, réparties sur base de priorités géographiques et thématiques hiérarchisées par eux, au terme d'un débat en plusieurs étapes dont ils affinent chaque année les règles de procédure.

Dans le contexte du BP, le mandataire politique et son administration ont deux obligations capitales. D'abord, l'appui logistique inconditionnel à l'ensemble du processus : à Porto Alegre, l'administration du maire a droit à 2 sièges sur 48 au sein du Conseil du budget participatif, l'instance finale d'arbitrage et d'impulsion des nouvelles priorités. Ces deux représentants mayoraux n'ont pas le droit de vote. Ils prennent bien sûr part aux discussions, mais se plient aux décisions adoptées par les autres délégués... même lorsqu'elles ne correspondent pas aux souhaits du "premier citoyen" de la ville.

Par contre, le maire et l'administration se portent systématiquement garants de la réalisation des projets ainsi décidés.

Autre écueil de taille - gardons-nous d'une vision angélique du BP : ces assemblées citoyennes sont proprement politiques, au sens où le conflit et les divergences d'intérêts s'y développent parfois rudement. Entre citoyens et représentants de la ville, mais surtout entre citoyens eux-mêmes ! Poursuivre des travaux qui ont pris du retard ou investir dans des priorités nouvelles ? Renforcer telles aides à caractère social ou faire primer des apports en infrastructure matérielle ? ...

Dans la tâche proprement politique d'aider la société à mieux se comprendre et à appréhender les clivages qui la traversent, le BP excelle. C'est sans doute dans ses règles de fonctionnement et de décision que le génie de celui qui a été mis en place à Porto Alegre tient le plus. Ces procédures reflètent en effet une subtile combinaison entre compétition et altruisme - une compétition sans laquelle il n'y a pas démocratie, mais totalitarisme ; un altruisme sans lequel il n'y a pas solidarité, mais paternalisme.

Fonctionnaire en charge de la coordination générale du BP à Porto Alegre, Tavama Nunes Santos (une trentaine d'années, comme la plupart de ses collègues du service du BP) a décrit cet alliage ce 2 février, chiffres et exemples des dernières années à l'appui.

Les assemblées qui lancent chaque année la dynamique du BP peuvent élire un nombre de délégué s proportionnel au nombre des participants qu'elles attirent. Détail ? Pas du tout : cette règle catalyse très efficacement la mobilisation des quartiers qui souhaitent que la mairie prenne davantage leurs problèmes spécifiques en ligne de compte. Chaque année d'ailleurs, la participation augmente (elle est passée de quelques centaines d'habitants en 1989 à plusieurs dizaines de milliers en 2001) et la représentativité démocratique des délégués (révocables et limités à deux mandats consécutifs) s'améliore. Si, dans la phase initiale de l'élaboration du budget, ce dispositif stimule une émulation positive entre quartiers, il se trouve tempéré ensuite par l'intervention d'assemblées thématiques et par quelques coefficients de pondération des priorités sélectionnées.

En effet, à côté des assemblées par quartier, ont été instituées des assemblées thématiques. Avec l'aide de techniciens de l'administration ou des universités de Porto Alegre, elles planchent sur des enjeux spéciaux à affronter par l'ensemble de la ville (comme la prévention de la criminalité, ou encore la réduction de la pollution atmosphérique). Les priorités qui émergent de ces assemblées thématiques sont donc "croisées" avec celles issues des assemblées zonales.

Ces dernières sont également affectées de coefficients mathématiques. Il s'agit principalement du nombre d'habitants concernés par la priorité proposée et du niveau objectif de carence dont ils ont à souffrir. De cette façon, un quartier qui revendique puissamment un effort de la municipalité quant à son raccordement au réseau d'égouttage, mais qui est déjà desservi à 75 %, recevra une aide en ce domaine, mais moindre qu'un quartier qui n'est, lui, dote qu'a 45 %.

Quels qu'ils soient, les rapports de forces bruts pouvant résulter de la
démographie, de l'orientation politique ou même du taux de participation
d'un quartier se trouvent au final modules en fonction d'un principe
essentiel de solidarité : "de chacun selon ses moyens, a chacun selon ses
ressources".

Le politique estime traditionnellement que le discrédit qui frappe son action tient à un manque de compréhension des électeurs. Et pas mal des élus que je côtoie de se plaindre "du poujadisme ambiant", "du fossé grandissant" et de tout ce qui leur paraît "injuste" dans leur phénoménale perte de crédibilité. Les citoyens s'inquiètent des dégâts anti-démocratiques, anti-sociaux et anti-environnementaux des politiques a l'œuvre ? "Ils ont tort, ils n'ont pas bien compris". Il suffirait dés lors non pas de réorienter ces politiques, mais de les réexpliquer ! Réponse habituelle donc : la "communication", avec les dépenses pharaoniques qui vont de pair. Dans l'action politique aujourd'hui, elle est censée limiter la casse, voire réparer magiquement les dégâts. On l'aura devine : avec le BP, il s'agit d'inverser diamétralement la perspective qui prévaut traditionnellement, selon laquelle "les citoyens doivent être éduqués". En réalité, ce sont les politiques qui méritent une leçon. De retour de Porto Alegre, qui aura vraiment retenu la sienne ?

www.vincentdecroly.be/


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