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Six raisons de l’absence de débats politiques au Québec

Anonyme, Vendredi, Avril 11, 2003 - 10:11

Serge-Étienne Parent

Votez ALQ!

Partout à travers la province, les pancartes et panneaux électoraux sont sortis avant les tulipes. Saviez-vous qu'un panneau était à l'origine un filet pour attraper des animaux, d'où l'expression «tomber dans le panneau»? Sur ces affiches se résume en slogans l’entier débat politique au Québec. Avec la récente popularité de l’ADQ, on nous prévoyait une campagne d’idées de part et d’autres dans les éditoriaux des différents médias. Mais non, il n'y a pas de débat. Et si, par malheur, une candidate ou un candidat ose s'ouvrir la gueule, les chefs de parti s'arrachent le scoop comme de quoi «ça n'a pas bon sens!» ou «écoutez, ce n'est pas ça que mon candidat voulait dire.» Pensez à Joëlle Lescop, porte-parole de l’ADQ en matière de santé, qui a suggéré qu’implanter un cœur artificiel à une dame de 96 ans sur son lit de mort n’était peut-être pas la meilleure façon de gérer l’attribution des chirurgies cardiaques. C’est une question d’éthique très grave, mais qui a sur-le-champ suscité de basses réactions de la part du PQ et du PLQ, de sorte que le débat a été tué dans l’œuf. Les trois clans se tiennent la barbichette et le premier qui parlera recevra une tapette. Le premier qui osera poser une question ou mettre sur la table quelque matière à débat sera la cible d’une rafale de bêtise. Ceci m’a amené à méditer sur le discours politique actuel. J’ai déniché quelques causes probables de cette absence chronique de débat politique au Québec.

Premièrement, les Québécois aiment les nouvelles idées tant qu’elles n’entrent pas en contradiction avec notre culture, pour ne pas dire avec nos anciennes idées. Nous sommes des progressistes conservateurs. Des souverainistes avec association. Des révolutionnaires tranquilles. Des nationalistes de gauche. En tout et pour tout, c’est le changement dans la continuité.

Deuxièmement, le discours politique est basé sur le choix stratégique, non sur une vision du Québec. La finalité du Québec, qui est aujourd’hui la croissance économique, n’est aucunement remise en question. Des débats pré-consentis. On débat sur la stratégie la plus efficace pour atteindre la finalité. En ce sens, on n’essaie pas de justifier une position, mais de l’expliquer par des jeux de cause à effet sur telle ou telle stratégie. Par exemple, Messieurs Landry, Charest et Dumont s’acharnent sur comment gérer les hôpitaux, sans se demander pourquoi il y a des malades. De ce discours stratégique découlent des engagements électoraux sur des points très précis. On nous explique comment les sous-comités de gestion des hôpitaux vont régler les problèmes de cancer du pancréas. Comment les prêts seront attribués aux étudiants des régions désirant étudier dans les régions centrales. Comment les réductions des frais de transport en commun seront répartis. Le débat sur la souveraineté s’est spécialisé sur des aspects administratifs technico-économiques et juridico-constitutionnels. Mais tout ça, je m’en fous royalement. Je m’en contre-fous, et re-contre-fous, de ces stratégies hyper-précises qui feront que, peut-être, je pourrai obtenir une déduction d’impôt sur mon prochain achat de laveuse-sécheuse. En fait, les enjeux sont tellement spécialisés que de la souveraineté ne me concerne plus, tout comme la santé, l’éducation ou l’environnement. Ça ne touche plus que les responsables des différents départements ministériels. Ce qui m’intéresse, c’est une vision. De cette vision découleront les stratégies à adopter. Le sens que l’on donne aux stratégies est le plus souvent «être plus compétitif» ou «faire face au marché mondial», tel qu’exprimé par Marie Malavoy, Jean Charest et par le représentant de l’aile jeunesse de l’ADQ lors de leur discours à Sherbrooke. Le seul sens qu’il reste à nos vies est donc d’être compétitif dans un marché mondial. En fait, il s’agit plus d’une finalité prise pour acquise que d’une vision ou d’un sens. Sans vision, la stratégie n’a pas de sens, d’où l’absurde du discours actuel. Trois partis, une finalité. On nous impose cette finalité et nous en choisissons, en votant, les nuances stratégiques. Apparemment, ce n’est pas en politique que cette construction de sens aura lieu.

Troisièmement, les médias se sont donnés le mandat de respecter le pluralisme des partis, à condition de limiter le pluralisme. Des pluralistes libéraux. La couverture médiatique est offerte équitablement, mais seulement à travers l’axe libéral PQ/PLQ/ADQ. Pas question de parler de l’UFP ou du Parti vert, histoire d’éviter tout danger de débat engendré par les remises en question éventuelles sur les finalités. La couverture médiatique est opaque : en couvrant tout, on cache tout.

Quatrièmement, depuis que la télévision est devenue la référence numéro-1 en tant que source d’information (le dominateur commun, a déjà dit Marc Favreau), nous vivons ni plus ni moins que dans un fast-food médiatique. En effet, de façon épistémologique, la télévision n’est pas un outil d’information : c’est un outil de divertissement. Si l’on désire diffuser de l’information à la télé, l’information doit être divertissante. Des informés divertis. Pourtant, une information n’est pas informative si elle est divertissante : c’est un divertissement. Un divertissement qu’on essaie de faire passer pour de l’information ne peut être qu’absurde et l’absurde est une contradiction du fait même qu’il soit exprimé. Le résultat est que la nouvelle s’adapte au média et le média est destiné au divertissement. Comme le discours politique est construit pour passer aux nouvelles, tout débat entre les Landry, Charest et Dumont ne peut être qu’absurde. Une intervention dans le débat politique actuel ne dépasse pas cinq secondes. Trois partis fois cinq secondes, ça fait quinze secondes pour régler un débat sur la privatisation des soins de santé. Il y a plus d’un siècle, aux États-Unis, Abraham Lincoln, qui n’était toujours pas président, et Stephen A. Douglas passaient des jours à débattre de questions diverses devant de grandes assistances. Un seul discours pouvait durer plus de 7 heures. On n’imagine plus ce genre de débat aujourd’hui, d’abord parce que les citoyens ne prennent plus de leur temps pour faire de la politique. Puis, parce que notre culture d’apprentissage est basée sur le mode télévisuel : nous sommes habitués à entendre un discours rapide, fragmenté et extravagant, mais aussi basé sur une mémoire du coup d’œil qui nous fait oublier tout fait notoire aussi rapidement qu’un zap de télécommande. Nous assistons donc à un débat composé exclusivement de slogans et de métaphores.

C’est une stratégie qui ne date pas d’hier. Ceci m’amène à un cinquième argument : la culture d’image. Il y a trois grandes branches en philosophie : la morale (le bien et le mal), l’esthétique (le beau et le laid) et l’épistémologie (le vrai et le faux). La morale et l’épistémologie sont parfois très complexes. Pour que le profane puisse se figurer ce qu’est le bien et le vrai, et ainsi qu’il puisse croire au dogme de la divinité, on lui offre le beau, qui lui est facilement perceptible. Ainsi, le profane associe le beau au bien et au vrai, et le profane devient croyant. Un croyant réaliste. Avez-vous déjà visité une cathédrale moyenâgeuse? Cette architecture, ces dômes, ces vitraux et ces sculptures forment une merveille esthétique, tout comme les chants grégoriens et l’odeur de l’encens. En politique, on utilise la même stratégie. Les chefs doivent être beaux : souriants, sympathiques, jovials. Les programmes doivent être beaux : colorés, imagés, expressifs. Même les autobus des partis sont des fresques ambulantes. Le beau est utilisé pour amener l’électeur à adhérer à une croyance religieuse envers le parti. Comme l’a dit M. Dumont : «Les Québécois veulent croire, ils ne veulent pas savoir.» La politique esthétique remplace le débat public.

Sixièmement, nous ne sommes plus citoyens. Nous sommes des consommateurs. Des consommateurs d’élection. Nous votons aux élections comme nous choisissons la couleur d’une chemise, par désir et non par conviction. Plus besoin de se casser la tête pour justifier nos choix. Voter n’est plus qu’une question de goût. Ça ne se discute pas. Nous avons des opinions sur tout, mais aucune conviction.

Finalement, nous voyons trois partis qui ont grand mal à se différencier autrement que par l’image. Et s’il y a quelque nuance entre les stratégies des PQ/PLQ/ADQ, ce sont des points technico-économiques ou constitutionnels très précis, qui n’ont rien à voir avec une vision pour le Québec. Je propose donc qu’on abolisse les élections. Tout ça n’est qu’une pièce de théâtre mal montée. Tant qu’à gaspiller des fonds publics pour nous divertir, divertissons-nous autrement. Ou mieux, gouvernons-nous autrement. Au moins, nous serons conscients de notre impuissance au lieu de nous contenter de pain et de jeux. Nous éviterons le meilleur des mondes. Nous éviterons de «mourir d’amusement», selon l’expression de Neil Postman. Non, ce n’est pas en politique que des questions de société, d’environnement et d’éthique seront posées. Il y a trop de rectitude, trop de ligne de parti, trop de bornes, trop de cette sphère politico-socio-économco-juridique. En somme, il y a trop de géométrie. Je propose donc que le PQ, le PLQ et l’ADQ, ces trois partis à allégeance néolibérale, forment l’Alliance Libérale du Québec, et n’en parlons plus. Votons ALQ. Une démocratie autoritaire.

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