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Les trois formules du professeur Rumsfeld

Salwa, Mercredi, Mars 26, 2003 - 17:38

François-Bernard Huyghe (Observatoire d'infostratégie)

Un jour où on lui demandait « Quel serait le critère d'une victoire des U.S.A. contre le terrorisme ? », D. Rumsfeld avait répondu « Le jour où plus personne ne menacera le mode de vie américain. » Quel serait son critère d'une victoire sur l'Irak ?

Il ne saurait s'agir d'un critère militaire classique : obtenir une reddition en bonne et due forme, arrêter Saddam ou trouver son cadavre, occuper le territoire ennemi, désarmer les troupes irakiennes, etc.. Cela, personne ne doute que les Etats-Unis y parviennent à plus ou moins court terme.

La victoire ne sera vraiment acquise -- de son point de vue -- que si la guerre d'Irak remplit au moins deux fonctions :

1) permettre un contrôle à peu près paisible du pays et de ses ressources (n'oublions pas que les U.S.A., de leur propre aveu, sont là pour plusieurs années)

2) autoriser les U.S.A. à poursuivre leur grand dessein : croisade contre l'axe du Mal, reformatage du monde arabe par « contagion démocratique », contrôle de la mondialisation (shapping the globalization), ou toute autre idée qui peut passer dans le cerveau d'un néo-conservateur. Toute autre idée, cela inclut sans doute aussi : s'assurer à long terme contre l'émergence de la Chine et/ou de l'Europe.

Ce programme grandiose -- surtout le second point -- suppose que la première guerre soit aussi un succès d'opinion (en termes de télévision nous dirions : « que le pilote de la série recueille un taux de satisfaction honorable »). Grands experts en guerre culturelle et idéologique, les néo-conservateurs veulent avant tout éviter un « effet Vietnam » : la jeunesse U.S. se détourant des « vraies valeurs américaines » par pacifisme et l'opinion internationale trouvant dans l'Empire Américain une cause à tous leurs malheurs, voire un objet de projection pour tous leurs ressentiments.

Ce qui ramène toujours au même problème : vendre la guerre. La prévente n'a pas été un énorme succès. La lutte contre l'antiaméricanisme, l'hitlérisation de Saddam Hussein, la quête du « pistolet fumant » (les preuves de l'existence d'armes de destruction massive ou de collusion avec Al Quaida), la diplomatie toute en finesse, autant de résultats pour le moins mitigés. Quand on en est amené à déclarer que votre action reçoit le soutien de 45 pays dont quinze préfèrent rester anonymes, il y a encore des progrès à faire.

Le fameux réflexe dit « du premier coup de canon », qui ressoude l'opinion en cas de conflit peut-il jouer ? Oui, dans une certaine mesure aux U.S.A. et en Grande-Bretagne (cela c'est le calcul de Tony Blair). Mais il faudra plus que cela. Le succès de la guerre dépend de trois facteurs : le temps, le taux de dommages collatéraux visibles, et l'usage d'armes biologiques et chimiques.

Le temps parce qu'un succès rapide minimisera toutes sortes de risques. qu'ils soient météorologiques, boursiers, financiers, psychologiques, diplomatiques, etc. Ainsi, plus les choses iront vite, plus les U.S.A. pourront plaider qu'il suffisait d'avoir le courage d'y aller et que les craintes et hésitations du « camp de la paix », la France au premier rang, traduisaient de la pusillanimité ou des compromissions. « You don't argue with sucsess ! » Une victoire rapide faciliterait également la découverte de « bons Irakiens » acclamant leurs libérateurs. La rapidité a un avantage corollaire : elle diminue les chances de Saddam Hussein d'apparaître comme un martyr. Quelqu'un qui ne résiste pas une semaine peut difficilement passer pour un nouveau Saladin. Dernier facteur dont il faut tenir compte : les néo-faucons qui n'ont guère vu le feu sont des fanatiques de technologie et sont persuadés que la supériorité U.S. implique une victoire éclair. C'est une idée dont ils ont convaincu le président et sans doute eux-mêmes. Les vrais généraux (Schwarzkopf et, dans une moindre mesure, Powell) ne partagent pas cet optimisme.

La visibilité des dommages. Même si plus personne ne croit plus à la niaiserie de la guerre « zéro mort », le succès d'une guerre télévisée repose largement sur son T.V.V. (taux de victimes visibles). Nous avons rappelé cent fois combien l'obsession des images du Vietnam (petite fille sous le napalm ou « body bags » ramenant les cadavres des boys au pays) pèse lourd. D'autre part, personne ne rêve de rééditer le succès de la première guerre du Golfe où personne n'a vu les morts irakiens, ou presque. La nouvelle stratégie U.S. décrite dans un autre article de Vigirak - intégrer les journalistes au corps de troupe au lieu d'essayer de les tenir à l'écart de l'action- ne peut fonctionner que si la concurrence est inexistante ou noyée sous le flux des « bonnes images ». Quid d'Al Jazeera ? Mais aussi quid des journalistes indépendants qui pourraient se promener librement dans l'Irak bombardé (comme ceux de F2, qui, à l'heure où nous écrivons, semblent vouloir rester sur place) ? Quelle liberté de circulation auront-ils, mais aussi quels moyens de transmission de leurs images ? Faut-il croire l'information donnée par une grande journaliste de la B.B.C., Kate Adie ? Au cours d'une interview, un officier du Pentagone lui aurait déclaré qu'ils bombarderaient tous les sites dont parviendraient des signaux électroniques, même si les signaux en question étaient ceux de journalistes utilisant leurs propres téléphones-satellitaires pour transmettre l'information. En clair, cela signifierait que les journalistes non intégrés au système américain au cas improbable où ils échapperaient à la censure irakienne et où ils parviendraient à transmettre auraient peu de chance de récidiver.

Les armes biologiques et chimiques. Ici nous rentrons dans un raisonnement stratégique dont la complication rappelle ceux du temps de la dissuasion. Si vraiment Saddam ne possède plus d'armes biologiques ou chimiques, la thèse américaine du danger imminent s'effondre dans le ridicule. On sait alors que c'était une guerre pour rien. Soit Saddam en possède réellement, plus les vecteurs nécessaires (ce qui n'est pas une petite affaire). Il est alors confronté à un choix bizarre. Ou il utilise ses armes avec la satisfaction macabre de vendre cher sa peau, mais sans espoir de changer le cours final des choses et en faisant le baiser de la mort au camp de la paix.. Ou il ne les emploie pas, délégitimant ainsi ses adversaires, mais courant le risque stupide qu'après la défaite, les télévisions américaines puissent montrer aux populations affolées les stocks d'armes que Saddam n'aurait pas hésité à offrir à des terroristes si les U.S.A. ne l'avaient pas empêché.

Telles sont les trois formules du professeur Rumsfeld ; trois équations avec beaucoup d'inconnues.



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