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Impunité pour les multinationales

tartosuc, Jeudi, Septembre 5, 2002 - 13:11

Anne Marchand

Très présentes à Johannesburg, principaux sponsors du sommet, les multinationales n'ont eu de cesse de démontrer leur volonté de contribuer à une planète écologiquement, économiquement et socialement viable et durable, avec force conférences, interventions et visites sur le terrain. Absolument omni-présentes dans cette jeune démocratie qui passe sans transition d'un régime d'apartheid au libéralisme le plus offensif, elles affichent leurs enseignes au fronton du Sommet de la Terre mais aussi des écoles.

Très présentes à Johannesburg, principaux sponsors du sommet, les multinationales n'ont eu de cesse de démontrer leur volonté de contribuer à une planète écologiquement, économiquement et socialement viable et durable, avec force conférences, interventions et visites sur le terrain. Absolument omni-présentes dans cette jeune démocratie qui passe sans transition d'un régime d'apartheid au libéralisme le plus offensif, elles affichent leurs enseignes au fronton du Sommet de la Terre mais aussi des écoles (this school is sponsored by…Coca-cola, si, si), des centres de santé, des entreprises d'insertion, des centres culturels et aucun espace public n'y échappe.
Pas de contrainte pour les entreprises en terme de responsabilité sociale et environnementale, auront donc décidé les chefs d'Etat et de gouvernements réunis en Afrique du Sud, et pourtant. L'impact négatif des multinationales en matière d'environnement et de conditions de travail est grandissant. Surtout, il n'est l'objet d'aucun contrôle, d'aucun règlement. Pas moins d'un quart de l'activité économique de la planète est entre les mains de 200 compagnies qui n'ont d'autres comptes à rendre qu'à leurs actionnaires. Quid des populations et des Etats, des territoires où elles s'installent ? Comment peser, où se plaindre, devant quelle cour ? L'extraterritorialité de leurs activités est en effet souvent, pour ces multinationales, garantie d'immunité.

Propre au Nord, sale au Sud
A l'initiative de l'Ong Ground Work (" travail de terrain "), affiliée aux Amis de la terre, ils furent plusieurs – Malais, Américains, Mozambicains, Sud-africains…– à venir témoigner de l'impact des multinationales sur leur vie et des luttes qui sont les leurs. Les exemples furent nombreux. Retenons-en deux. Celui de cette décharge d'ordures ménagères, située au cœur d'un township. Gérée par Sita, une filiale du groupe français Suez, elle accueille en fait sans le reconnaître quantité de déchets toxiques, hospitaliers avant tout, au mépris le plus total de la sécurité des habitants, des enfants surtout qui se blessent aux seringues usagées ou s'empoisonnent.

Aux plaintes et interpellations des habitants, le discours se veut rassurant, niant tout danger. " Et ce qui est sans doute le plus impressionnant dans cette affaire, remarque Laura Morosini, des Amis de la terre/France, c'est la totale collusion entre les pouvoirs publics sud-africains et les multinationales. " Sur le site de Sita, son activité sud-africaine n'apparaît pas. Jouissant d'une très bonne réputation, cette filiale est en France associée à de nombreuses associations de défense de l'environnement sous forme de partenariats…
A Sasolburg, c'est TotalElfFina qui est mise en cause. Dans cette ville de raffineries du nom de la compagnie d'essence sud-africaine Sasol, l'essence est fabriquée à base de charbon. A l'origine de la fabrication de ce diesel le plus polluant qui puisse exister au monde, la tentative du régime d'apartheid de contourner l'embargo auquel il était alors soumis et de produire son propre carburant. Près de 10 ans après l'accès de l'ANC au pouvoir, la production se poursuit au détriment de l'état de santé des populations environnantes et de l'environnement lui-même. TotalElfFina détient à 50% l'une de ces raffineries. L'an dernier, une grave explosion en a paralysé quelque temps l'activité, entraînant une pénurie d'essence dans tout le pays. A 50 mètres, sont dressées les premières baraques des townships où habitent les travailleurs de Sasolburg. Habitations sous le vent, souvent couvertes de nuages en provenance de l'entreprise. "Il est alors impossible de respirer, les gens étouffent, sont pris de quintes de toux, témoigne Laura Morosini. A la pollution chronique s'ajoutent ces moments de nuages, particulièrement difficiles à vivre selon les principaux concernés." Maladies de peau, maladies respiratoires, les habitants s'organisent et s'inquiètent auprès de l'entreprise. "Vapeur d'eau", leur répond-on.

Ils mettent alors au point la "Bucket brigad", la "brigade du seau". Munis d'un seau spécialement conçu à cette fin, ils aspirent l'air incriminé au moyen d'une petite pompe et le remettent ensuite aux bons soins d'une équipe de chercheurs. Le verdict est formel : l'air est très chargé en benzène, une substance particulièrement toxique.
Les habitants comptent bien ne pas en rester là et envisagent déjà de se mettre en réseau avec d'autres, comme ces communautés noires américaines, installées elles-aussi à deux pas d'usines polluantes, de créer un site et de lancer un appel international pour que soit reconnue la responsabilité des multinationales et l'impact de leurs activités sur la vie des populations du Sud.

L'indispensable solidarité
"Il est possible aujourd'hui d'avoir ce que l'on appelle 'des doubles standards', dénonce Laura Morosini, c'est-à-dire des règles différentes selon les pays et les territoires. A partir du moment où ces entreprises, où qu'elles soient, développent le même type d'activités, il serait normal que les règles soient propres à cette activité, à l'échelle de la planète." A défaut, qui pourra empêcher les multinationales de faire "propre" au Nord et "sale" au Sud ? Et comment peser ? Lorsqu'en Grande-Bretagne, par exemple, les consommateurs peuvent faire pression en organisant le boycott de telle ou telle marque, que peuvent faire les travailleurs du Sud en direction d'entreprises de produits manufacturés ou pétrolières dont la production est réservée à l'export ? Les moyens ne sont pas les mêmes. En l'absence de règles internationales, les recours en justice demeureront limités aux pays où les sociétés civiles sont suffisamment organisées, où l'Etat de droit existe et où la jurisprudence peut évoluer. Ailleurs, le terrain est ouvert à toutes les prédations, sans contrôle et sans comptes à rendre.

"Au Nigéria, un pays relativement fort économiquement, le Pnb est de 99 milliards de dollars, le chiffre d'affaires d'Exxon est de 119 milliards de dollars.

Quand les multinationales ont un chiffre d'affaires supérieur au Pnb des pays où elles s'installent, de quel rapport de force peut-on parler", interroge Laura Morosini. L'inquietude est grande de voir les Etats peu a peu lacher de leurs exigences et s'en remettre les yeux fermes (et les poches ouvertes) aux promesses des entreprises. A Johannesburg, l'Europe et la France ont ainsi refusé de soutenir la proposition des pays en voie de développement (ceux du groupe dit des 77) d'instaurer un cadre international sur la responsabilité des entreprises. L'Onu elle-meme a entrepris depuis pres d'un an de labelliser les entreprises qui prennent des engagements en matiere de responsabilite sociale et environnementale. Drole de caution donne par les representants des Etats aux multinationales qui, par ailleurs, prennent de plus en plus de place dans les negociations internationales.
Bonne nouvelle néanmoins. Depuis mars dernier, sept paysans camerounais, soutenus par les Amis de la Terre et l'association Sherpa, poursuivent en justice le groupe français Rougier et sa filiale camerounaise Sfid devant les tribunaux français, qu'ils accusent de "pillage illicite de ressources forestières au détriment des populations". Objet de la plainte : "destruction de biens appartenant à autrui, faux et usage de faux, escroquerie, recel, corruption de fonctionnaires". Une première, qui pourrait sonner le glas de l'impunité des multinationales. A condition toutefois que la solidarité soit à l'œuvre entre consommateurs du Nord et travailleurs du Sud et que l'Omc ne triomphe pas sur le dos des Etats et des élus.

Anne Marchand - Apress - 4 septemnbre 2002

www.mediasol.org


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