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Enron - Worldcom - VU et les autres, ou la crise du nouveau capitalisme

Carl Desjardins, Jeudi, Juillet 18, 2002 - 00:34

Dominique Plihon

Les désastres en chaîne des groupes Enron, WorldCom et
Vivendi-Universal (VU) ne sont pas des évènements indépendants et méritent que l'on en tire quelques leçons. Ces accidents révèlent les dysfonctionnements graves, pour ne pas dire la faillite, du capitalisme boursier, porté aux nues il y a peu par la plupart des professionnels et des médias. Ce qui est d'abord remis en cause, c'est la conception actuelle de l'entreprise.

Les désastres en chaîne des groupes Enron, WorldCom et Vivendi-Universal (VU) ne sont pas des évènements indépendants et méritent que l'on en tire quelques leçons. Ces accidents révèlent les dysfonctionnements graves, pour ne pas dire la faillite, du capitalisme boursier, porté aux nues il y a peu par la plupart des professionnels et des médias. Ce qui est d'abord remis en cause, c'est la conception actuelle de l'entreprise. Celle-ci est considérée comme un objet financier dont il s'agit d'accroître la valeur boursière par tous les moyens : rachats d'actions, fusions-acquisitions, ventes des unités les moins rentables, montages financiers . Ainsi, l'apogée puis la faillite d'Enron n'ont rien à voir avec son activité industrielle - le négoce du gaz et de l'électricité - mais proviennent uniquement de ses activités financières. Derrière les montages en cascades de prêts de plus en plus risqués destinés à financer des opérations de fusions-acquisitions fort juteuses, Enron n'apportait pas de réelle contribution au fonctionnement du marché de l'énergie qui n'a pratiquement pas été affecté par sa disparition. De même, Vivendi-Universal est devenue un holding financier, constitué d'un empilement d'actifs financiers sans cohérence industrielle, et destiné à créer de la valeur pour les actionnaires. Ainsi s'explique ce hiatus non maîtrisé, à l'origine de la crise de VU, entre le secteur traditionnel de l'ex-Compagnie générale des eaux et les activités liées à la nouvelle économie.

Ce qui est également remis en cause, c'est la capacité des marchés financiers à réguler le secteur productif. Dans le nouveau capitalisme actionnarial, la Bourse est supposée jouer un triple rôle. D'abord, financer les entreprises ; or l'on constate que ce n'est pas vraiment le cas puisque, au cours des années récentes, les émissions nettes d'actions par les entreprises (émissions brutes moins les rachats d'actions et les dividendes) ont été négatives en Europe, comme aux Etats-Unis. Cela signifie que les entreprises versent plus qu'elles ne reçoivent de leurs actionnaires. La deuxième fonction de la Bourse est de valoriser les entreprises ; là aussi on peut être dubitatif ! Les niveaux totalement irréalistes des valeurs technologiques et d'entreprises du secteur traditionnel telles que Enron montrent que, très souvent, le niveau des cours en Bourse ne donne aucune indication sérieuse sur la valeur des entreprises. Enfin, la Bourse est supposée favoriser les restructurations industrielles, les actions servant de monnaie d'échange à l'occasion des OPE. Or on a pu voir que, dans la quasi totalité des cas, ces restructurations sont gouvernées par une logique purement financière, en dehors de toute cohérence industrielle.

Ainsi, on est en présence d'une contradiction fondamentale : d'un côté, la Bourse domine le nouveau capitalisme ; d'un autre côté, la Bourse s'avère incapable de guider les entreprises vers des choix susceptibles d'assurer leur développement à long terme. La fameuse " discipline du marché " ne fonctionne pas ! Les actionnaires, et surtout les fonds d'investissement, poussent les entreprises à se conformer à des normes financières à court terme (pratique du bench marking). C'est ce qui a amené les dirigeants d'Enron, WorldCom et VU à truquer leurs comptes pour afficher à tout prix les résultats attendus. Quant aux autres acteurs du marché financier supposés contrôler les entreprises, ils ne jouent pas leur rôle de contre-pouvoir face aux dirigeants dont ils sont souvent les complices actifs ou passifs. C'est le cas des cabinets d'audit (Andersen) ou des autorités de régulation (notamment les Commissions des opérations de bourse), mais également des banques d'affaires, des agences de notation, des analystes financiers et des journalistes boursiers. Il est particulièrement piquant de constater que le fiasco économique et social le plus emblématique se soit produit dans le secteur des télécommunications dont les libéraux voulait faire un paradigme de la régulation par le marché. Bref, l'épisode actuel confirme ce que l'histoire nous avait déjà enseigné : le capitalisme est incapable de s'auto-réguler et laissé à lui-même il ne peut qu'entraîner des dysfonctionnements majeurs dont les salariés et plus généralement les peuples du monde font les frais.

Au total, ce sont les principaux rouages du capitalisme actionnarial qui sont en crise. Des réformes profondes s'imposent donc. Leur objectif principal doit être de réduire l'emprise dramatique de la finance de marché sur les entreprises et plus globalement sur l'économie. Deux voies de réforme sont primordiales. Il faut d'abord aller vers une autre conception de l'entreprise qui doit être définie, non comme un " objet " appartenant à ses actionnaires, mais comme une " communauté d'intérêts " dont la finalité n'est pas de faire des profits, mais de créer des emplois et de la richesse. Il faut donc en finir avec une conception de la gestion, toute entière tournée vers " la création de valeur pour l'actionnaire ". Cela implique une refonte du cadre juridique actuel pour reconnaître les droits de toutes les parties prenantes de l'entreprise, au premier rang desquels les salariés. Ceux-ci, qui constituent la source de valeur fondamentale dans l'économie actuelle fondée sur les connaissances, doivent se voir reconnaître de nouveaux droits qui limitent ceux liés à la propriété du capital et redonnent au code du travail un pouvoir contraignant sur les stratégies des actionnaires. La deuxième série de réformes est de revenir sur la dérégulation excessive de la finance, pour borner son activité, en renforçant le pouvoir de contrôle de l' Etat (notamment maintien d'un secteur public fort), de ses autorités de tutelle, et en instaurant des instances de contrôles publiques efficaces à l'échelle européenne et internationale.

Il est vain d'attendre que les gouvernements et les institutions internationales tirent spontanément le bilan de la situation actuelle et s'engagent sur la voie du bon sens en acceptant de remettre en cause les dogmes libéraux. Les réformes, que nous venons d'esquisser, ne pourront voir le jour que si se construit à l'échelle nationale et internationale un mouvement social capable de les imposer. Le mouvement actuel de lutte contre la mondialisation libérale, du quel Attac est partie prenante, en indique la voie.

- Dominique Plihon. Economiste, professeur à l'université de Paris-Nord. Président du Conseil scientifique d'Attac France Contact pour cet article. Secrétariat Conseil scientifique ATTAC France c...@attac.org

- Publié dans le courriel d'ATTAC



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