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Poker menteur

jplarche, Samedi, Juin 8, 2002 - 13:51

Christian Chavagneux

Bush multiplie les mesures protectionnistes à quelques mois des élections législatives américaines. Sans aucune considération pour ses partenaires.

Analyse de Christian Chavagneux, Alternatives économiques
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Ça chauffe entre l’Europe et les États-Unis. Plusieurs conflits mettent à mal les relations commerciales entre les deux premières puissances économiques mondiales. Il faut dire que les Américains en font un peu trop d’un seul coup : protectionnisme sur l’acier, forte augmentation des subventions à l’agriculture et refus de se plier à la demande de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) d’éliminer les aides à l’exportation par le biais des paradis fiscaux.

Pascal Lamy, le commissaire européen au commerce, a fini par s’énerver de ce comportement égoïste. Il menace les Etats-Unis de rétorsion immédiate. Son agacement est d’autant plus grand que les autorités politiques américaines ont pris ces décisions uniquement pour s’attirer les bonnes grâces des électeurs, en vue des élections législatives partielles de novembre prochain. Et tant pis si le reste du monde, et l’Europe en particulier, doit en subir le coût.

La question n’est pas vraiment de savoir si George W. Bush est soudainement devenu protectionniste. Comme le souligne le spécialiste d’économie politique internationale Benjamin J. Cohen (voir page 49), le président américain se comporte tout simplement comme un politicien prêt à tout pour gagner les élections. Même si cela doit se faire au détriment de son credo commercial libéral. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à le mettre en œuvre en faisant progresser l’initiative de zone de libre-échange des Amériques et en favorisant, en novembre dernier à Doha, le lancement d’un nouveau cycle de trois ans de libéralisation commerciale.
Il s’agit plutôt pour l’Europe de savoir jusqu’où elle peut accepter que la situation politique américaine interne influence le fonctionnement du commerce mondial, du fait de l’hégémonie des Etats-Unis. Le dossier le plus flagrant, de ce point de vue, est celui de l’acier. Le président Bush décide en mars dernier d’imposer pour trois ans des tarifs douaniers allant de 8 à 30 % sur les produits en acier. L’Union européenne est la première touchée, non seulement parce qu’elle est le premier fournisseur des Etats-Unis (20 % de part de marché), mais aussi parce que les autres producteurs mondiaux vont chercher à lui vendre plus d’acier pour compenser leur manque à gagner du marché américain (soit un préjudice total de 2,5 milliards de dollars, selon l’Union européenne).

Une décision politique

L’OMC autorise les mesures de sauvegarde protectionniste lorsqu’une industrie en difficulté est soumise à une forte pression des importations. Ce n’est pas du tout le cas dans ce conflit : les importations américaines d’acier ont diminué de 33 % en volume depuis 1998. De plus, le recul de la production nationale n’a pas été particulièrement élevé comparé à ce qui se passe dans d’autres secteurs de l’économie. Est-ce alors pour sauver des emplois américains ? Entre septembre 2001 et mars 2002, le secteur privé a détruit un peu plus d’un million d’emplois, dont 631 000 dans l’industrie. Mais l’essentiel des pertes a eu lieu dans les biens d’équipement (242 000 emplois, dont 127 000 dans l’électronique), pas dans la sidérurgie (seulement 39 000, soit 3,5 % du total).

La seule justification économique à ce protectionnisme pourrait provenir du fait que les Etats-Unis connaissent un déficit commercial important dans le domaine des produits sidérurgiques. Mais il reste faible par rapport aux déficits constatés dans les biens de consommation, l’automobile et les biens intermédiaires. Des mesures de restriction des importations dans ces secteurs auraient été bien plus efficaces si l’objectif était de limiter le déficit commercial.

Loin de toute rationalité économique, la décision américaine sur l’acier est d’abord politique. Elle fait plaisir au lobby sidérurgique et à ses retraités, pour moitié installés en Floride, un Etat important pour les élections législatives à venir. Pascal Lamy ne s’y est pas trompé. Parmi les mesures de rétorsion qu’il propose d’imposer dès juin, figure l’imposition de 100 % de droits de douanes sur des produits comme le jus d’orange de… Floride. Ce qui rend les Etats-Unis furieux. Car, sachant très bien que leurs mesures sont illégales, ils ont parié sur le fait que, suite à la plainte déposée notamment par l’Union européenne, l’OMC mettrait environ un an à prendre sa décision, c’est-à-dire bien après les élections. Un délai qui suffit aux Américains pour revenir sur leurs mesures protectionnistes, une fois engrangés leurs bénéfices politiques. Si l’Europe réagit vite, elle aussi de manière illégale, sans attendre le feu vert de l’OMC, le président Bush aura beau jeu de pousser des cris d’orfraie pour non-respect des règles multilatérales ; mais la stratégie politique des Etats-Unis tombe à l’eau. Ce qui a le don de les énerver. C’est pourquoi les menaces montent de plusieurs crans depuis début mai.

A l’encontre de Doha

L’Europe en a d’autant plus ras le bol que le président Bush indique au même moment qu’il va signer une proposition de loi permettant au Congrès de distribuer 80 milliards de dollars (87,5 milliards d’euros) de subventions supplémentaires à l’agriculture au cours des six prochaines années (en plus des 100 milliards déjà prévus). Cette augmentation est essentiellement destinée aux producteurs de céréales et de coton, eux aussi situés dans des états importants pour les élections. Une telle décision contrevient totalement à la loi américaine de 1996, qui prévoyait la disparition progressive des subventions, ainsi qu’aux accords de Doha, lors desquels les Etats-Unis s’étaient engagés à supprimer progressivement les subventions agricoles. Afin d’éviter toute contrainte sur leur calendrier de réforme de la politique agricole commune, les Européens avaient demandé que ce retrait s’engage « sans préjuger du résultat ». Une clause de style qui leur revient à la figure quelques mois plus tard…
Reste le cas des FSC, les Foreign Sales Corporation. Cette loi fiscale permet aux firmes multinationales installées aux Etats-Unis de bénéficier de subventions indirectes aux exportations en utilisant leurs filiales dans les paradis fiscaux. Après avoir porté plainte, l’Union européenne a obtenu gain de cause auprès de l’OMC. Marquant sa bonne volonté, le président Bush a déclaré début mai qu’il allait travailler avec le Congrès pour que les Etats-Unis se conforment à cette décision.

Du côté du Congrès, on laisse entendre qu’il faudra bien un an avant de négocier une nouvelle législation. Les multinationales américaines y sont prêtes : Boeing et Microsoft, notamment, rivalisent actuellement de propositions ingénieuses de réformes du code des impôts pour conserver leurs avantages fiscaux, tout en se conformant à la demande de l’OMC. Celle-ci devrait fixer le montant de rétorsion auquel ont droit les Européens le 18 juin prochain. Ces derniers réclament 4 milliards de dollars, mais le montant devrait être plus proche d’un milliard. Quoi qu’il en soit, les officiels américains ont déjà laissé entendre que si les Européens utilisaient leur droit à sanction à propos des FSC, les relations commerciales transatlantiques en seraient remises en cause pour longtemps.

Intimidations

Des menaces qui payent. Plusieurs pays européens, comme l’Allemagne, dont la croissance actuelle dépend largement des exportations, cherchent à modérer l’ardeur combative de Pascal Lamy. Après lui avoir refusé des mesures de rétorsion sur l’acier, jugées trop risquées, ils ont fini par trouver un compromis avec le commissaire européen : celui-ci doit poursuivre d’intenses négociations avec les Etats-Unis pour obtenir des mesures de compensation sur l’acier avant le 18 juin. Si elles échouent, l’Europe a soumis à l’OMC une courte liste de produits américains pouvant faire l’objet de mesures protectionnistes dès le 18 juin et une longue liste pour d’éventuelles futures représailles.

L’Europe aurait-elle dû subir le comportement américain sans broncher et attendre que les tensions s’apaisent, une fois les élections américaines passées, avec le risque d’un Congrès encore plus ancré à droite et plus protectionniste ? Ou bien a-t-elle bien fait de montrer ses muscles, au risque de renforcer les parlementaires américains hostiles à l’OMC ? Des élus qui se font de plus en plus entendre et qui seraient bien capables de saborder l’institution multilatérale, laissant le champ libre aux seuls rapports de force. La bonne entente personnelle tant vantée entre Pascal Lamy et son homologue américain Robert Zoellick risque de ne pas suffire à résoudre le problème. Le mois de juin sera chaud.

Visitez le site d'Alternatives économiques pour retrouver des analyses en profondeur sur la globalisation.et le libéralisme économique.


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