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Colombie: Uribe, président des paramilitaires

Anonyme, Mercredi, Juin 5, 2002 - 10:56

Frédéric Lévêque

Ce que les sondages laissaient présager depuis quelques mois s'est finalement réalisé. Alvaro Uribe Velez, candidat dissident du Parti Libéral - membre de l'Internationale socialiste - a été élu ce dimanche 26 mai 2002 à la présidence de la république colombienne, fonction qu'il exercera à partir du 7 août prochain.

Récoltant 54% des votes exprimés au premier tour, le candidat Uribe semble avoir conquis, avec son discours ferme et guerrier, les suffrages du peuple colombien ; semble seulement car son résultat est relativisé par un taux d'abstention de 54%. Avec son célèbre slogan "main ferme, grand cœur", il a réussi à se hisser à la tête d'un pays qui, souvent qualifié de " plus vieille démocratie d'Amérique latine ", s'enfonce chaque jour, de plus en plus, dans les méandres de la violence et de la guerre. Malgré son jeune âge et le costume neuf que lui ont taillé les médias au cours de la campagne, Uribe traîne déjà derrière lui une longue histoire qui permet de deviner son projet politique.

Avec le Cartel de Medellin ...

Né en 1952 dans une famille de la grande bourgeoisie du département d'Antioquia, une famille liée aux secteurs des gros propriétaires terriens, Uribe entama précocement sa carrière politique à la tête des services publics de la ville de Medellin - la capitale du département d'Antioquia. Faisant un passage au secrétariat général du ministère du travail, il devint directeur de l'Agence Aéronautique civile en 1980, poste qu'il quittera en 1982. Selon un journaliste de El Espectador (journal libéral), maintenant en exil, Uribe aurait été démissionné car, durant sa direction, de nombreuses licences furent octroyées au Cartel de Medellin permettant ainsi à ses pilotes de transporter de grandes quantités de cocaïne hors de Colombie.

C'est en 1982 qu'Uribe devint maire de Medellin au moment où le tristement célèbre cartel local était à son apogée. A la tête de cette organisation mafieuse, un certain Pablo Escobar régnait en maître sur la ville. Présidant le narco-développement économique de la ville, Escobar, pour améliorer son image et s'assurer une clientèle, stratégie qui le mènera à être élu au Congrès, finançait des projets dits 'communautaires' comme la plantation de milliers d'arbres dans la ville ou la construction d'un quartier pour les pauvres - 'Medellin Sin Tugurios'. Ces œuvres publiques furent soutenues par le maire Uribe qui inaugura lui-même le nouveau quartier populaire financé par l'argent de la drogue.

Les CONVIVIR

Grimpant les échelons du pouvoir, Alvaro Uribe Velez devint en 1994 gouverneur du département d'Antioquia. Prétendant stimuler la " participation citoyenne " dans la génération d'emplois, le gouverneur mit en place et appuya l'organisation d'un modèle paramilitaire de sécurité publique. Sur base du Plan Intégral de Sécurité Rurale (1994), Uribe impulsa un programme de formation de milliers de civils afin de créer les associations communautaires 'Convivir', groupes de civils armés qui, selon le Conseil National de Sécurité, devait exercer des fonctions défensives et préventives, de communication et d'information en soutien à la Force publique.

Très vite, ces associations se multiplièrent, débordèrent leur cadre 'légal' et furent impliquées dans des massacres - notamment dans la région bananière de Uraba - et se mirent au service des intérêts de gros propriétaires terriens et de narcotrafiquants pour exécuter leurs basses œuvres et ainsi assurer la mise en place de mégaprojets économiques et le bon fonctionnement de la contre-réforme agraire où l'argent sale de la drogue est blanchi. Bien qu'interdites en 1999, le développement de ces associations, promu par l'argent des oligarchies locales, permit aux paramilitaires, les Autodéfenses Unies de Colombie (AUC), de se fortifier pour devenir, en l'état actuel, une véritable armée d'occupation et d'extermination de leaders sociaux et responsable de 70 à 80% des violations des droits de l'homme en Colombie. Les CONVIVIR répondait à la même logique que les paramilitaires: contrôle politique local, politique contre-insurrectionnelle et protection des intérêts oligarchiques.

Cette politique menée par le nouveau président colombien et ses liens avec les escadrons de la mort - liens documentés par les organisations de défense des droits de l'homme - nous permettent de qualifier Uribe de candidat des paramilitaires, et à qui les leaders des AUC, Mancuso et Castaño, ont apporté plusieurs fois leur soutien.

Tout au long de sa campagne, Uribe s'est affirmé comme un partisan de la manière forte avec les insurgés alors que le processus de paix avec les FARC pataugeait - avant d'être rompu en février dernier. Il s'est prononcé, à de nombreuses reprises, pour le doublement des effectifs de la Police nationale et des forces armées. Ainsi que pour une aide militaire étrangère (lisez étasunienne) accrue. Mais sa proposition la plus controversée, celle qui a provoqué une levée de boucliers chez les défenseurs des droits de l'homme, est celle d'armer un million de civils (notamment les taximen et les transporteurs routiers) avec des radios et peut-être des armes pour créer un réseau national d'information servant les intérêts de la force publique, sur le modèle des CONVIVIR ou des patrouilles d'autodéfenses civiles (PAC) durant les années 80 au Guatemala. Si l'on prend en compte le fait qu'Uribe veuille reconnaître un statut politique pour d'éventuelles négociations aux AUC, son projet ne peut être que bénéfique aux forces d'extrême droite qui veulent pacifier le pays et accentuer l'imposition du modèle néolibéral en développant, par exemple, les grandes plantations de palmes africaines sur les terrains de paysans déplacés ou en créant un cadre plus accueillant au pillage par les transnationales de la biodiversité amazonienne et du sous-sol pétrolier du pays.

Durant son parcours dans les organes de l'Etat colombien, Alvaro Uribe Velez a progressivement bâti son projet d' " Etat communautaire ", selon ces termes, en centralisant de manière absolue le pouvoir exécutif, en contrôlant et affaiblissant le pouvoir législatif, en renforçant l'appareil militaire, en développant des structures paramilitaires, en violant les droits fondamentaux de la population et en maintenant des relations plus qu'étroites avec les secteurs le plus corrompus.

Uribe est un produit de la crise du système bipartite, ou plutôt du système de parti unique à deux têtes qui a dominé l'histoire colombienne. Depuis l'indépendance, partis libéral et conservateur ont monopolisé, violemment, le champs de la politique institutionnelle dans le pays et ont développé leur clientèle en se répartissant les postes publics. Même si de tout temps, l'Etat colombien a été faible et n'a jamais vraiment disposer de ressources face à la vorace oligarchie, aujourd'hui, le rouleau compresseur néolibéral, les ajustements structurels sont en train d'affaiblir profondément la structure étatique et Uribe semble être un homme capable d'unifier les secteurs économiques et militaires les plus réactionnaires pour donner une unité de commandement à la politique contre-insurrectionnelle menée contre les guérillas (FARC & ELN) et les mouvements sociaux. Cela, ajouté aux déclarations politiques de plus en plus agressives des Etats-Unis (et de l'Etat espagnol) et aux tentatives de déstabilisation du gouvernement progressiste vénézuélien, n'augure rien de bon pour l'avenir du pays andin.

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