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Un barrage contre les dictateurs

arcenbulle, Samedi, Mai 25, 2002 - 04:35

Moncef MARZOUKI

Aucun peuple ne peut se prétendre souverain à l'intérieur de ses frontières s'il n'a pas les trois libertés fondamentales que sont les libertés d'expression, d'association et d'élection

En Tunisie, où le pouvoir s'apprête une fois de plus à confisquer la souveraineté du peuple, seule la communauté internationale pourrait faire prévaloir le droit.

La communauté internationale va être confrontée lundi prochain à un problème inédit. Il existe un pays qui s'appelle la Tunisie, habité par un peuple pacifique, modéré, développé et avide de vivre dans une société démocratique, mais soumis à une dictature d'un autre âge. Son Président a confisqué toutes les libertés individuelles et collectives dont le droit à des élections honnêtes. Il s'est fait élire deux fois en 1994 et 1999 par 99 % et des poussières. Il se prépare dimanche à modifier par référendum la Constitution, qui lui interdit un troisième mandat en 2004.

Nul n'a de doute concernant le résultat de la soi-disant consultation du peuple. Elle va lui donner ce qu'il exige : l'impunité, la présidence à vie et le droit de déposséder les traîtres à sa personne de leur nationalité. Or toute la Tunisie, bâillonnée et fliquée comme nulle autre population au monde, rejette avec horreur une telle perspective. Malgré une répression qui s'emballe, la résistance démocratique s'intensifie et prépare la riposte au putsch constitutionnel en marche. Parmi les mesures qu'elle envisage : une plainte aux Nations unies, le lendemain de l'annonce des scores habituels. La plainte portera sur la confiscation de la souveraineté du peuple tunisien à travers une consultation trafiquée de bout en bout et donc illégale. Elle s'accompagnera d'une demande d'invalidation de ce référendum et la non-reconnaissance de la légitimité du pouvoir tunisien en découlant.

Pour beaucoup, la démarche relèverait d'une opération de «public relation» à la limite de la bouffonnerie. Au cas où la bureaucratie onusienne répondrait à cette plainte inhabituelle, ce sera probablement pour nous apprendre que l'ONU n'est pas en mesure de la considérer, son mandat ne le lui permettant pas de s'immiscer dans les affaires intérieures d'Etats souverains.

Il serait grand temps de mettre à jour ce concept. Il a commencé par signifier le droit d'un peuple à ne pas dépendre d'un Etat étranger. Il a fini par légitimer l'oppression de ce même peuple par son Etat national se considérant le maître absolu d'une population, à l'abri de toute critique, vite baptisée ingérence étrangère.

Il est devenu patent de nos jours que la souveraineté nationale, cet autre nom du droit à l'autodétermination, n'a de sens qu'à deux conditions : l'interdépendance dans l'égalité à l'extérieur et la démocratie à l'intérieur. Aucun peuple ne peut se prétendre souverain à l'intérieur de ses frontières s'il n'a pas les trois libertés fondamentales que sont les libertés d'expression, d'association et d'élection. C'est cette souveraineté que les dictatures violent en se comportant comme un véritable régime d'occupation interne. Le combat pour la démocratie est devenu dans ces conditions un véritable combat pour une seconde indépendance.

Mais arrêtons-nous aux deux raisons qui rendent la plainte irrecevable par ce syndicat des Etats qu'est l'ONU. Primo, il n'existerait pas de textes donnant le droit à un peuple de porter plainte contre son gouvernement, de contester ses méthodes et encore moins sa légitimité. Il n'y aurait donc aucune base légale pour prononcer, dans un pays donné, la non-constitutionnalité d'une loi sur la presse ou sur les associations, encore moins invalider des élections aussi visiblement trafiquées soient-elles.

Secundo, il n'existe pas de structure capable de traiter une telle plainte, ne parlons pas de l'absence d'une force capable d'imposer, le cas échéant, ses décisions. En fait, le message implicite est clair. Si vous voulez vous débarrasser de votre dictature, faites comme tout le monde : descendez dans la rue, faites vous hacher menu par les mitraillettes comme cela s'est fait partout et comme cela a été le cas chez vous en 1978 et en 1984. Si vous l'emportez, on sera bien content pour vous. Si vous n'y arrivez pas, on sera bien obligé de continuer de traiter avec votre dictateur sur lequel nous ne nous faisons aucune illusion par ailleurs.

Les honnêtes gens continueront donc à traiter sans états d'âme, avec des voisins volant et violant sous leurs propres yeux, au lieu d'appeler la police ou de cesser d'avoir la moindre relation avec eux. On reconnaît par là même, dans le saint des saints du droit international, que dans le cas d'espèce, il n'y a pas de solution de droit mais seulement une solution de force.

Une telle attitude de la bureaucratie onusienne est inacceptable car les textes permettant l'invalidation de tous ces référendums bidons existent bel et bien. L'article 25 du Pacte des droits civiques et politiques, que la Tunisie a ratifié, reconnaît le droit à des élections libres comme l'un des droits fondamentaux de l'homme. On peut aussi invoquer l'article 2 de la Déclaration du droit des peuples à l'autodétermination de décembre 1960.

A quoi serviraient des textes, nous dira-t-on, s'il n'y a pas d'instances pour les imposer ? A quelle structure judiciaire peut s'adresser la société civile nationale ou internationale pour demander justice face à un pouvoir coupable de violer les textes qui fondent aujourd'hui la légalité internationale ?

Le cas tunisien est justement là pour souligner l'existence d'un trou important dans le dispositif que l'humanité essaye depuis cinquante ans de mettre en place pour que le droit prévale sur la force. Appelons cette structure virtuelle la Cour constitutionnelle internationale. Elle pourrait invalider les faux référendums, les élections truquées, comme il y en a tant dans le Sud, ainsi que les pratiques scélérates s'attaquant aux libertés fondamentales ou protégeant la torture comme instrument du terrorisme d'Etat.

Cette structure pourrait exiger que les élections soient refaites sous contrôle de l'ONU. En cas de refus, les sanctions pourraient être prononcées.

Elles ne prendraient pas l'aspect grossier des embargos qui mettent dans le même sac le peuple et ses bourreaux, mais distingueraient la population, l'Etat et le régime. Ainsi, la cour pourrait, par exemple, demander aux Etats de droit de renvoyer les ambassadeurs du régime félon, mais pas les fonctionnaires du consulat chargés des affaires des citoyens, et encore moins pénaliser les citoyens du pays en question. Les hommes clés du régime, désignés hors la loi par la CCI, seraient eux, et seulement eux, la cible de l'embargo.

Montrés du doigt, interdits de voyage dans l'espace de droit, voyant leurs comptes en banque à l'étranger gelés et leur dossier transmis devant le Tribunal criminel international pour ceux impliqués dans les affaires de torture, ces hommes, ivres de pouvoir et habitués à l'impunité, apprendraient à mieux gérer leur mégalomanie et leur agressivité.

Certes, on est encore loin de ce rêve, mais ne dit-on pas que c'est le premier pas qui compte. C'est à la société civile internationale de faire ce premier pas.

Elle peut, dans un premier temps, en jeter elle-même les bases sous forme d'un Tribunal Russell (1) de la démocratie. Dans un second temps plus ou moins lointain, elle obligerait les Etats à l'incorporer dans l'appareil judiciaire international comme ce fut le cas du Tribunal pénal international.

Son existence rendrait l'exercice de la dictature encore plus périlleux, écourterait sa durée en renforçant la résistance démocratique. Elle serait aussi une pièce maîtresse dans le maintien de la paix dans le monde, puisque ce sont, le plus souvent, des dictateurs à moitié fous qui ont déclenché les plus terribles guerres.

Bien sûr, les Tunisiens ne vont pas attendre que leur liberté soit récupérée par de tels mécanismes, encore loin dans le futur. Hélas! ils devront beaucoup se sacrifier pour la mériter. En revanche, il est à espérer qu'à l'occasion du débat autour du problème tunisien, on voit s'amorcer une réflexion collective sur les diverses stratégies, dont la CCI, pour éradiquer la dictature au même titre que la lèpre ou la peste, maladies beaucoup moins mortelles pour l'homme et infiniment moins dangereuses pour l'humanité.
(1) Du nom du Tribunal international créé en juillet 1966 par le mathématicien britannique Bertrand Russell avec Jean-Paul Sartre, et qui avait pour but de juger «les crimes de guerre» américains au Viêt-nam.

Conseil National Pour Les Libertés en Tunisie
www.cnlt98.org/


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