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Vote et tais-toi

Carl Desjardins, Lundi, Mai 13, 2002 - 15:33

Balou pour No Pasaran

«Le nombre de citoyens qui suivent les affaires publiques avec le désir d'y prendre part est limité. Il est heureux qu'il en soit ainsi ( !). Le simple citoyen qui est un vrai démocrate se fait, en silence, un jugement sur le gouvernement de son pays, et lorsqu'il est consulté, à dates régulières pour l'élection d'un député par exemple, exprime son accord ou son désaccord. Après quoi, comme il est normal et sain, il retourne à ses préoccupations personnelles, qui ont leur grandeur, ne serait-ce que par ce qu'elles ont de nécessaire, non seulement pour chaque individu, mais pour la société.» Michel Debré, Ces principes qui nous gouvernent, 1957.

«Le nombre de citoyens qui suivent les affaires publiques avec le désir d'y prendre part est limité. Il est heureux qu'il en soit ainsi ( !). Le simple citoyen qui est un vrai démocrate se fait, en silence, un jugement sur le gouvernement de son pays, et lorsqu'il est consulté, à dates régulières pour l'élection d'un député par exemple, exprime son accord ou son désaccord. Après quoi, comme il est normal et sain, il retourne à ses préoccupations personnelles, qui ont leur grandeur, ne serait-ce que par ce qu'elles ont de nécessaire, non seulement pour chaque individu, mais pour la société.» Michel Debré, Ces principes qui nous gouvernent, 1957.

L'abstentionnisme a souvent eu mauvaise presse mais rarement autant qu'aujourd'hui. Il trahirait une sorte de démission civique qui aurait permis au Front National d'accéder au second tour des élections présidentielles. C'est oublier que l'abstention constitue un comportement électoral permis dont se servent parfois les partis politiques institutionnels (notamment à l'Assemblée nationale). Plus généralement la participation électorale ne permet pas de définir la citoyenneté démocratique. Le reproche moralisateur cache mal la terrible défaite de la politique menée depuis plusieurs décennies et le divorce entre les électeurs et leurs représentants. Mais encore il tente de dresser les " bons " citoyens contre les " mauvais ", la jeunesse " calme et réfléchie " contre la jeunesse " sauvageonne ".

L'abstention : un comportement électoral parmi d'autres.

En France, le vote est un droit et n'est pas considéré comme obligatoire, comme cela peut l'être dans d'autres pays, la Belgique et l'Australie par exemple. Même ainsi, ces pays connaissent un assez fort taux d'abstention. Le vote repose donc sur un acte volontaire, un engagement libre. Le droit de vote, dont sont encore exclus les immigrés, implique le droit de s'abstenir. On doit donc prendre en compte le fait que l'abstention électorale est souvent le moyen pour certains de faire entendre leur voix. Il en est de même pour le vote blanc. L'abstention et le vote blanc signifient un désaccord politique et c'est par conséquent sur le terrain politique qu'il faut l'aborder et non sur le terrain de la morale (le devoir civique). Les partis politiques usent parfois de l'abstention ou du vote blanc. Ainsi en 1972, le parti socialiste appela à voter blanc lors du référendum sur l'élargissement de l'Europe. En 1988, le R.P.R. invita les électeurs à l'abstention lors du référendum sur la Nouvelle Calédonie. L'électeur d'un jour peut être ainsi l'abstentionniste du lendemain : c'est un comportement électoral et démocratique parmi d'autres.

Les abstentionnistes " votent " aussi. C'est mathématique. Il est drôle d'entendre que les abstentionnistes ont fait le jeu du Front National. Je pense au contraire que la politique qui a été mise en ?uvre pendant 30 ans a beaucoup servi le F.N. Quoi qu'il en soit cet argument illogique repose sur l'idée que l'électeur qui ne s'est pas déplacé pour le premier tour, aurait forcément voté contre le F.N. en votant pour le parti socialiste. Rien ne dit, en effet, qu'en proportion, le F.N. aurait réalisé un plus mauvais score si le nombre d'électeurs avait été supérieur. Il aurait pu faire mieux. D'autres candidats aussi. Tant et si bien qu'en pourcentage rien ne dit que le F.N. ne serait pas au second tour. En effet quand bien même tous les électeurs auraient voté (100 %) on aurait pu avoir 25 % pour Chirac, 17 % pour Jospin, 16 % pour Hue, 14 % pour Boutin, 10 % pour Arlette et 18 % pour Le Pen. Dans cet exemple, le Front serait aussi au second tour. Le succès du F.N. tient plus à la défaite des partis de la gauche plurielle. Elle est la conséquence de la politique qu'ils ont mené et dont l'électeur ne voulait pas la poursuite. Force est de constater que les moralisateurs électoralistes ne nous disent pas grand chose à ce sujet. Ils se contentent de culpabiliser l'électeur-abstentionniste qui n'y est pour rien. Au contraire, il faut faire remarquer que, d'un point de vue mathématique, l'abstention favorise toujours le candidat qui arrive en tête. Supposons une élection avec trois candidats. 20% des électeurs choisissent de s'abstenir. 40 personnes votent pour A, 30 pour B et 10 pour C. A disposera de 40/80 X 100 soit 50 % des suffrages exprimés, B de 37,5 % (30/80 X100) et C de 12,5% (10/80 X100). L'écart entre A et B qui était de 10 point par rapport aux inscrits passe à 12,5% par rapport aux exprimés. L'écart entre B et C passe de 20 à 25, et de 30 à 37,5 entre A et C. Involontairement, les abstentionnistes ont creusé l'écart et renforcé l'avantage du candidat A. On peut donc affirmer sans rire, que les abstentionnistes ont plus aidé en pourcentage (et non en voix réelles) Chirac que Le Pen.

La participation électorale ne permet pas de définir la citoyenneté démocratique

Si les moralisateurs persistent à situer le débat uniquement au niveau des urnes, il est fort possible que les urnes leur reviennent en pleine figure. Il est impensable de rendre un comportement électoral, individuel et libre, responsable d'une situation politique et sociale générale. Ce n'est pas les abstentionnistes qui ont géré le chômage et la mondialisation capitaliste, qui expulsent les sans-papiers, qui font exploser les usines chimiques, etc. Ce ne sont pas les abstentionnistes qui refusent de donner le droit de vote aux immigrés. Le score du F.N., le fort taux d'abstention, l'émiettement du corps électoral, la déroute de la gauche plurielle et la fatigue de la droite sont à l'image du corps social. La société française, comme les autres pays, est profondément fracturée et divisée par le capitalisme. Les haines comme le capital s'accumulent. Voter ou pas n'y changera pas grand chose. Au delà de l'inquiétante montée des politiques sécuritaires et discriminatoires, dont le F.N. n'est qu'une des expressions, c'est cette situation sociale et politique qui inquiète le plus. Comment tenir ferme quand tout, même une élection présidentielle, part en jus de boudin ? Constatons qu'une abstention importante touche désormais l'élection présidentielle jusqu'alors préservée, contrairement à d'autres élections. C'est la preuve qu'il y a quelque chose de cassé. Face à ce constat, les moralisateurs trouvent un large écho dans les médias institutionnels. On nous parle des bons citoyens qui votent en montrant du doigt les abstentionnistes, on loue la jeunesse qui défile contre celle qui manifeste et revendique, on divise le monde entre ceux qui ont du mérite et ceux qu'ils faut surveiller. On parle des gentils et des méchants, de ceux qui souhaitent être de braves citoyens-consommateurs et de ceux qui cherchent, qui expérimentent ou qui désespèrent en faisant les cons (1). Car le vote n'est pas le seul moyen de peser sur les décisions collectives. Au contraire, on peut soutenir qu'une véritable démocratie n'est forte que de la participation active des individus qui la composent et qui se moquent ou ne se limitent pas aux opérations électorales de la démocratie représentative : je ne vote pas et je ne me tairais pas.

Balou

(article écrit à l'aide de la revue Territoires de 1990)

(1) Faut-il le rappeler : les récentes lois dites de Sécurité Quotidienne sont des lois contre les pauvres et les petits poissons pas contre la pauvreté et les patrons.

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