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Le langage de la déstabilisation

Carl Desjardins, Samedi, Mai 11, 2002 - 06:11

Marcos Roitman Rosenmann

C'est l'existence d'une pratique démocratique au Venezuela qui a fait échouer le coup d'État militaire. Cette affirmation se fonde sur l'analyse suivante. Les citoyens lambda, les sans visage, ont rempli les rues disposés à défendre leur gouvernement et sa politique. C'est la démonstration d'un haut niveau de politisation qui surgit après des années d'apathie et d'indifférence provoquées par l'action gouvernementale corrompue d'Action Démocratique (AD) et du parti démocrate-chrétien (COPEI) pendant les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix du XX° siècle. Cette situation s'est conclue par la prison pour Carlos Andrés Pérez tout comme pour les hauts fonctionnaires de l'administration.

De Marcos Roitman Rosenmann. Sociologue et Professeur de l'Université Complutense de Madrid. Centre de Collaborations Solidaires Traduction : Odile Bouchet. coor...@attac.org traducteurs bénévoles (*)

C'est l'existence d'une pratique démocratique au Venezuela qui a fait échouer le coup d'État militaire. Cette affirmation se fonde sur l'analyse suivante. Les citoyens lambda, les sans visage, ont rempli les rues disposés à défendre leur gouvernement et sa politique. C'est la démonstration d'un haut niveau de politisation qui surgit après des années d'apathie et d'indifférence provoquées par l'action gouvernementale corrompue d'Action Démocratique (AD) et du parti démocrate-chrétien (COPEI) pendant les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix du XX° siècle. Cette situation s'est conclue par la prison pour Carlos Andrés Pérez tout comme pour les hauts fonctionnaires de l'administration .

Aujourd'hui le Venezuela est une société où une partie importante de la population est engagée dans le projet d'État-nation dessiné dans la nouvelle constitution politique approuvée par le référendum et promulguée en 2000. Cette singularité permet de comprendre en partie la défaite des putschistes dans leur essai d'ignorer la Grande Charte en imposant un gouvernement de fait. Il est difficile de comprendre la présence de plus de deux cent mille personnes, rien qu'à Caracas, encerclant le Palais de Miraflores, demandant la restitution du gouvernement légitime et de son président constitutionnel sans alléguer un engagement démocratique à l'intérieur de cette action.

Dans des situations extrêmes, on joue sa vie. Un coup d'État militaire implique la mort, la répression, la torture, l'assassinat, en plus de la perte des libertés démocratiques de base. Dans ces circonstances, de façon responsable et non téméraire, dans l'anonymat, des hommes et des femmes, des civils et des militaires brisent les barrières de la peur en s'opposant à la rupture de l'ordre constitutionnel et démocratique voté par 88% des vénézuéliens. Au-delà de la position des forces armées loyales à la constitution, dont l'action est elle aussi essentielle, nous ne devons pas oublier cette leçon d'engagement politique et humain d'une partie significative de sa société civile en faveur de sa démocratie. Il faut en faire une lecture positive. Les réformes politiques, la lutte contre le néo-libéralisme et l'opposition aux grandes puissances hégémoniques peuvent exister si une société souveraine exerce son droit à l'auto-détermination en soutenant son gouvernement et ses réformes. Une autre réalité est possible.

Cependant, les analyses politiques préalables réalisées depuis l'opposition par les théoriciens de la gouvernance, les démocraties de faible intensité et les alliés internationaux ont construit un cadre de la réalité politique sociale et économique du Venezuela tendant à créer une atmosphère propice à l'involution politique. Elles ont lutté pour implanter le langage de déstabilisation. C'est ainsi que le triomphe électoral du candidat Hugo Chávez a été présenté à l'opinion publique internationale comme un danger pour les institutions politiques au Venezuela et en Amérique Latine. On comprenait que son élection ne ferait pas avancer le processus politique issu du pacte de 1958. Le peuple souverain avait commis une erreur en l'élisant. Par conséquent il était nécessaire de créer une stratégie pour inverser cette incommode circonstance. Il faudrait parvenir à ce que le pays retourne au point antérieur à la défaite électorale des partis traditionnels COPEI et AD. Mais comment s'y prendre puisque le président élu avait gagné légitimement les élections ?

Dans ce cas comme dans d'autres semblables, on a recours à des stratégies de disqualification et de déstabilisation. L'histoire de l'Amérique Latine est pleine de complots tramés en coulisses par des spécialistes en conspirations et putschs. Les exemples abondent. Peu de pays échappent à cette pratique développée par les bourgeoisies et les groupes transnationaux de pouvoir économique et politique qui " gouvernent " le monde pourvus d' un degré élevé d'impunité.

Dans l'objectif d'en finir avec le nouveau président, a commencé la construction d'un prototype de personnalité, de caractère et d'idéologie politique qui permette d'interpréter la vie et l'ouvre d'Hugo Chávez Frías. C'est ainsi qu'est bâtie la vision d'un nouveau président, adaptée aux fins de créer une aversion généralisée dans la communauté politique internationale. On le ridiculise physiquement en montrant que le Venezuela ne mérite pas un gouvernant de petite stature, d'autant moins qu'il a à son passif un projet politique absurde et fou, contraire à la globalisation et étranger à la dynamique des évènements internationaux. En qualifiant son caractère et sa conduite de messianiques, d'illuminés, d'égotistes, d'autoritaires, de despotiques, ou d'irrévérencieux on parvient à une disqualification totale. La conclusion est claire : Hugo Chávez n'est pas capable de l'exercice du pouvoir politique. Et de dénoncer ainsi une façon de gouverner populiste, bonapartiste, totalitaire, despotique, personnaliste, et caetera. Qui donc défendrait ou soutiendrait semblable somme de bévues chez une seule personne.

Ni projet démocratique, ni changement constitutionnel. Il faut prendre des distances. Ceux qui tenteront d'expliquer le changement politique et le projet bolivarien seront victimes du même processus de disqualification. Isolement tactique qui donne des résultats. Hugo Chávez est séparé de l'histoire politique et sociale du Venezuela. Il est présenté comme une erreur de la providence alors qu'il faut récupérer la raison politique. C'est un fou, un pitre, un bouffon. N'importe laquelle de ces épithètes l'identifie et remplit la fonction requise : disqualifier la personnalité d'Hugo Chávez. Qu'arriverait-il s'il en était de même pour Felipe González, Berlusconi, Aznar, Bush, ou d'autres présidents et ex-présidents d'Europe occidentale,si leurs personnalités et leurs actions politiques étaient caricaturées ?

La logique établie, on s'en prend à présent à l'action du gouvernement. Il est démontré que ses actes sont le fait d'une déraison ancrée dans des principes périmés dont le résultat ne saurait être que la faillite, le discrédit et la perte de confiance de la communauté internationale dans le pays. On provoque un sentiment d'infériorité issu de la honte d'être vénézuélien et d'avoir pareil président. Blagues de mauvais goût et sourires complices. L'image concoctée prend forme et tous tombent d'accord sur le type auquel appartient Hugo Chávez : un dictateur. Et bien sûr, en ce temps de démocratie globalisée un dictateur peut être destitué dans un acte de reconstruction démocratique. Nous tenons tous les éléments. Il ne manque qu'à créer l'environnement adéquat pour justifier en temps et heure l'action séditieuse. Le putsch est montré comme le produit d'une exaspération dans le partage de l'espace vital, motivée par le caractère arbitraire des décisions d'un Président " illuminé " détaché de la réalité, dans laquelle toute la société se soulève contre lui. On est au point de non-retour. La chute du dictateur est nécessaire et réclamée par " ce qu'il y a de plus noble " dans la société vénézuélienne. La légitimité du soulèvement est garantie. Il y a plus, les gouvernants s'empressent de donner leur approbation. Toledo au Pérou, Ricardo Lagos au Chili, Aznar en Espagne, pour n'en citer que trois. Mais ils comptaient sans une éventualité : la réponse sociale et populaire qui a évité que les bandits ne séquestrent la démocratie.

Après cet échec, on essaie à présent de montrer la défaite comme une victoire. Le contrôle du discours et des médias joueront de nouveau un grand rôle dans ce processus. On allègue que c'était une réprimande. On tente de parvenir ainsi à l'amnistie des putschistes. Si le gouvernement n'empêchait pas l'action de la justice, le désir de revanche serait démontré et la déstabilisation justifiée encore une fois. Maintenant plus que jamais il est nécessaire d'appliquer la loi en jugeant les putschistes. La politique discrétionnaire ne doit être appliquée qu'après. Mais il ne peut pas y avoir d'impunité. Mettre en pratique des mesures de grâce n'empêche pas l'application des lois. Les séditieux doivent comparaître devant les tribunaux, cela donnera un contenu démocratique profond à la République Bolivarienne du Venezuela.

Marcos Roitman Rosenmann.
Première publication Correo Informativo.
Contact pour cet article. Rédaction Correo Informativo
info...@attac.org

- Publié dans le courriel d'ATTAC



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