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Liberté d’expression et répression policière

Anonyme, Mercredi, Mai 8, 2002 - 15:24

Des avocats dénoncent les arrestations massives

De Denis Barrette, Pascal Lescarbeau, Isabelle Limoges, Denis Poitras, Andrea Valdivia, William Sloan, avocats et avocates

L’intervention policière de vendredi 26 avril dernier effectuée au point de ralliement de manifestants anti mondialisation, avant même que la marche ne débute, est non seulement inacceptable mais s’inscrit dans un effort concerté des forces de l’ordre de faire taire tout mouvement de dissidence et d’opposition aux efforts des grandes puissances d’imposer la mondialisation des marchés.

Rappelons d’abord les faits. Des centaines de manifestants antimondialisation s’assemblent autour de 16h00 au Square Dominion, près de la Place du Canada, à Montréal. À mesure que la foule grossit, les discours se multiplient et les manifestants s’apprêtent à débuter une marche de protestation au cours de laquelle certains participants allumeront des flambeaux. Cette foule est pour la plupart composée de jeunes, de marginaux ainsi que de contestataires qui n’appartiennent pas et ne s’identifient pas aux institutions revendicatrices traditionnelles. Quelques instants avant que la marche ne débute, alors que tout est calme dans le parc, l’escouade anti-émeute du Service de Police de la Ville de Montréal (S.P.V.M.) entoure tous les manifestants se trouvant dans le parc de façon à ce que ces derniers n’aient aucune sortie possible. Plusieurs journalistes, observateurs et autres passants attirés par le rassemblement se retrouvent pris au piège. Des centaines de personnes seront ainsi illégalement détenues pendant des heures.

Les policiers de l’escouade anti-émeute refusent de s’identifier lorsqu’on leur demande et dissimulent délibérément leur insigne ainsi que leur numéro matricule permettant de les identifier. Les policiers émettront ensuite aléatoirement des constats d’infractions. À l’extérieur de l’encerclement, des citoyens qui voulaient participer à la manifestation, frustrés d’être privé ainsi de leur liberté fondamentale invectivent les policiers et demandent la libération de leurs camarades. Des altercations s’ensuivent. Les policiers s’en prendront physiquement à plusieurs personnes qui se trouvaient dans le parc et utiliseront, selon leur caprice, le poivre de cayenne. S’ensuit dans le voisinage une véritable chasse aux manifestants lorsque des agents d’infiltration, habillés de façon à se mêler à la foule décident de procéder à l’arrestation de l’un ou de l’autre. La police séquestre les clients d’un restaurant « Subway » en les empêchant d’en sortir sous prétexte que des manifestants s’y sont engouffrés. Des personnes se trouvant aux abords de la station de métro Peel, à des lieux du point de rassemblement, seront arrêtées pour avoir participé à un attroupement illégal. Il y aura en tout 25 arrestations, selon la thèse du SPVM.

Les forces de l’ordre décident de procéder tout simplement à l’application d’un interdit de manifester. L’absence totale de motifs afin d’intervenir de cette façon est manifeste. Des mois après l’interpellation brutale des policiers appuyés de la cavalerie lors de la manifestation du 23 octobre 2000 en marge du sommet du G-20 à Montréal et un an après les nombreuses bavures policières commises lors du III e Sommet des Amériques de Québec.

Le lendemain de l’arrestation massive du 26 avril, alors qu’il s’adressait aux représentants des médias en conférence de presse, le Commandant André Durocher a dû redoubler d’effort pour trouver des excuses fallacieuses, des justifications douteuses et des mensonges éhontés qui expliqueraient les actions des policiers. Son arrogance était à l’apogée lorsqu’il demanda à certains journalistes, présents lors des événements, qui lui posaient des questions compromettantes, leur nom ainsi que celui du média qu’ils représentent pour ensuite leur proposer une discussion en tête-à-tête après la conférence de presse. Par deux (2) fois il répondra aux journalistes de cette façon. Pas intimidant le moins du monde, le comportement de monsieur Durocher. Il poussera même l’insulte à l’injure en affirmant qu’un pistolet de calibre 9mm retrouvé à la station de métro Peel appartenait à des manifestants. C’est invraisemblable, et ce pour au moins deux (2) raisons : (1) Jamais une arme à feu ou une arme blanche tel un poignard ne fut retrouvé sur un seul manifestant au Québec depuis le mouvement antimondialisation ; (2) Lors de la manifestation du G-20 à Montréal, au moins 40 agents doubles appartenant au SPCUM et à la Sûreté du Québec avaient infiltré les manifestants ! Certains s’étaient même infiltrés au préalable dans des organismes communautaires qui affichaient ouvertement leur intention de participer à la manifestation. Or, André Durocher a mentionné à plusieurs reprises lors de son exercice de relation publique qu’il y avait eu utilisation d’agents d’infiltration lors de l’opération du vendredi 26 avril. On est en droit d’espérer, sinon de présumer, que 40 agents d’infiltrations soient en mesure de détecter la présence d’une arme à feu lors d’un événement de ce genre, ce qui entraînera rapidement l’arrestation de l’individu en question. Il aurait d’ailleurs été surprenant que le SPVM ait déployé son escouade anti émeute pour faire face à de vrais criminels armés. Il est beaucoup plus facile de courageusement serrer les rangs lorsque l’on fait face à des centaines de jeunes pacifiques, quelques femmes, enfants et vieillards que lors d’une réunion locale des Hell’s Angels. Tenons nous le pour dit, jamais au Québec la vie d’un seul policier n’a été mise en danger en marge d’une manifestation antimondialisation. Par contre, le nombre d’arrestations illégales et d’usages abusifs de la force ne cesse d’augmenter.

Il nous est impossible en tant que juriste de comprendre le motif légal d’intervention et de détention des personnes rassemblées au Square ainsi que des passants. M. Durocher affirme que leur action était justifiée en raison de crainte raisonnable que des personnes allaient commettre des actes illégaux et ce, en raison, dit-il, des actions passées des groupes participant à cette marche. Soulignons que parmi les centaines de personnes accusées suite à des interventions musclées des policiers par le passé à Montréal, une infime minorité a été déclarée coupable. Quelques chiffres : des 100 arrêtés du Commando-Bouffe (la distribution de nourriture aux pauvres devant l’Hôtel Reine-Élizabeth) seulement une dizaine ont effectivement subi leur procès (ils sont présentement en appel devant la Cour d’appel du Québec), les autres accusés ayant été acquitté; des 150 arrêtés de Westmount (1er mai 2000), environ la moitié ont vu les accusations retirées et les autres sont toujours en attente de procès; des 70 arrêtés de la manifestation des Citoyens et Citoyennes Opposés à la Brutalité Policière (C.O.B.P.) du 15 mars 2000, la majorité (environ 60) subiront leur procès au mois de septembre; des 40 accusés d’avoir participé à une émeute lors de la manifestation du G-20, deux seuls subiront sous peu leur procès, les accusations ayant été retirées pour les autres par le bureau du Substitut du procureur général de Montréal suite à la demande des accusés d’être jugés par un juge et un jury. Combien des 371 arrêtés de la manifestation de C.O.B.P. du 15 mars dernier subiront réellement leur procès et seront déclarés coupables ?

Pour ce qui est de la « crainte raisonnable », la loi parle plutôt de « motifs raisonnables de croire » afin de justifier une telle intervention. Retenez bien ce qualificatif monsieur Durocher : « RAISONNABLE » et non capricieux, arbitraire ou instinctif. D’ailleurs, même s’ils existent, ces motifs pourraient justifier l’arrestation de quelques individus. Pas 350. Allons nous bientôt assister à l’arrestation de foule entière au motif qu’un seul individu s’y dissimule ? La vérité est beaucoup plus cruelle et intimidante, les policiers ont muselé les manifestants, point à la ligne.

Parlons des objets exhibés lors de la conférence de presse télévisée, on y pouvait voir une grande bannière qui trônait, bien en évidence, parmi les preuves à charge, sur laquelle était inscrit le slogan « G – 8 : Génocide ». Parions que le SPVM n’était pas d’accord. Pourtant, on serait en droit de croire que le message du Commissaire aux plaintes de la Gendarmerie Royale du Canada suite à son enquête sur l’enlèvement de Jaggi Singh et la violation des droits à la liberté d’expression lors du sommet de l’APEC à Vancouver avait été clair en ce qui concerne la saisie par la police d’objets de ce genre. Alors que la Charte des droits et libertés de la personne aura été adoptée il y a 26 ans et que l’on vient tout juste de souligner les 20 ans de la Charte canadienne des droits et libertés les événements récents soulignent de bien triste façon l’état des libertés fondamentales à la démocratie : les libertés d’expression et d’opinion.

Il n’est pas étonnant que la police continue d’agir de la sorte. La plupart des demandes de plaintes criminelles faites par les policiers contre les manifestants étant approuvées par le ministère public, elles donneront suite à des accusations formelles. C’est le policier, chargé par notre constitution d’appliquer la loi, qui décide qui il arrêtera et qui il accusera selon son humeur du moment. Un exemple à cet égard vaut 1000 mots : Combien de policiers de la Sûreté du Québec ont été accusés lorsqu’ils ont violemment pris à parti le ministre de la Sécurité publique de l’époque, Guy Chevrette ainsi que son garde du corps, lors d’une manifestation violente où y participaient plusieurs dizaine de policiers armés ? Aucun, alors que des caméras de télévision avaient capté toute la scène. Pourquoi ? Parce que, selon le Procureur de la Couronne chargé du dossier, qui s’est expliqué après l’écoulement de la prescription (le délai imparti selon la loi pour poursuivre), les agents, habillés en uniforme, avaient enlevé leurs insignes permettant de les identifier, ce qui rendait impossible toute poursuite contre eux ! Il n’a évidemment demandé à aucun supérieur de la Sûreté du Québec d’identifier les belligérants. Les policiers ayant pourtant l’obligation déontologique de s’identifier, n’aurait-il pas pu au moins porter plainte auprès du Comité de déontologie policière ? Impossible, puisqu’il ne connaît pas leurs noms !

Denis Barrette


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