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Éthique et religions: Le lobby pharmaceutique

Anonyme, Jeudi, Avril 25, 2002 - 14:28

Jean-Claude Leclerc

Toute une campagne est en marche visant à permettre aux sociétés pharmaceutiques de vanter leurs pilules directement aux consommateurs. Et d'après un sondage Ipsos-Reid, commandé par leur lobby, la majorité de la population y est favorable, pour peu qu'Ottawa donne sa bénédiction aux annonces.

Au Canada, il est interdit de faire la promotion des médicaments d'ordonnance auprès du public. Mais comme cette publicité est permise aux États-Unis, les Canadiens en voient à longueur de journée à la télé américaine. Une majorité pense même qu'elle est légale ici aussi. En réalité, seule la Nouvelle-Zélande autorise aussi cette publicité de masse. Mais les multinationales du médicament comptent bien gagner d'autres marchés.

Au Canada, elles se sont associées avec des médias et des agences de publicité pour faire plier le gouvernement. Ce lobby se présente comme un groupe visant à permettre aux citoyens d'avoir accès à l'information médicale. À l'entendre, on aurait trouvé le moyen de réduire les listes d'attente, de suppléer au peu d'information donnée par les médecins, et à rendre les gens davantage responsables de leur santé. De quoi sauver le système!

Aux États-Unis, cette publicité a été autorisée en 1997. En 1999, ce budget était de 1,8 milliard de dollars. Il a grimpé à 2,5 milliards en 2000. À elle seule, Merck a dépensé pour Vioxx, un produit pour l'arthrite, plus que Pepsi ou Budweiser, d'après le U. S. National Institute for Health Care Management. Bien sûr, la loi impose d'indiquer les effets secondaires des médicaments. Mais cela ne freine pas les consommateurs, à en juger par la hausse des ventes.

Les médecins américains sentent le danger. Eux-mêmes étaient déjà courtisés par les pharmaceutiques qui leur offrent des échantillons gratuits et des sessions de luxe sur les bienfaits de leurs produits. Voilà que maints patients exigent ce nouveau remède qu'ils ont vu à la télé, et plus d'un médecin cède tout en sachant que le produit est inutile ou même nocif. Pire, on invite les gens à l'acheter par Internet où un «docteur de compagnie» tient lieu de médecin traitant.

Or, la tendance à l'automédication est déjà problématique. Trop de gens s'empiffrent de pilules et d'autres produits sans égard aux effets ou aux combinaisons dangereuses. La prochaine étape sera-t-elle la suppression du médecin et du pharmacien comme spécialistes du médicament? C'est déjà fait pour les médicaments sans ordonnance. Quelle calamité sociale va se répandre dans une population inculte à cet égard?

La publicité incite à acheter. Un des médicaments vantés à la télé américaine promet de guérir la calvitie. D'après une étude publiée par le British Medical Journal, l'année durant laquelle on en a fait la publicité, les visites chez le médecin pour cette «maladie» ont augmenté de 79 %. L'auteur note le saut qualitatif dans les messages. Il y avait une pilule pour chaque maladie, désormais on aura une maladie pour chaque pilule!

Dans la même revue, l'industrie se défend. Pourquoi les consommateurs n'auraient-ils pas droit d'obtenir toutes les informations nécessaires pour faire des choix en connaissance de cause? Et pourquoi ce traitement injuste pour l'industrie du médicament, alors que toutes sortes d'organisations sont libres de diffuser de l'information, même de qualité douteuse? Visiblement, l'industrie de la pilule songe à imiter celle du tabac et à défendre «le droit du public à l'information».

Sauf que le public n'a pas accès à toute l'information, surtout pour les produits nouveaux, dont les effets réels ne seront souvent connus que des années plus tard.

Conflit d'intérêts

La médecine est déjà trop portée à prescrire des médicaments pour à peu près tous les maux. Si certains remèdes soulagent les symptômes, peu vont au coeur du problème et guérissent la maladie. Prévention, alimentation équilibrée, environnement sain, équilibre psychique, thérapies diverses importent au moins autant qu'un apport pharmaceutique. La voie qu'on propose n'a rien d'un choix.

Au reste, tous les malades ne sont pas également «intéressants». Aux États-Unis, l'industrie pharmaceutique vise les plus vastes marchés possibles. Les maladies chroniques qui touchent un grand nombre de gens et sont susceptibles d'en faire des consommateurs fidèles, sont mises en vedette dans la publicité. En tête du palmarès, on trouve des anti-inflammatoires pour l'arthrite, des antihistaminiques pour les allergies et, bien sûr, des antidépresseurs.

L'industrie se trouve dans un conflit d'intérêts patent, estiment ses critiques. Si elle avait à coeur de contribuer à la santé publique et au soulagement des malades, la voie à suivre serait toute tracée. Elle n'aurait qu'à soutenir financièrement la formation du personnel et l'éducation scientifique du grand public. Mais il s'agit pour elle de faire avant tout de l'argent, disent les observateurs, et de se prémunir contre une concurrence accrue.

Déjà cette publicité de masse gonfle le prix des médicaments. Non seulement les pilules coûtent plus cher, mais plus de gens en demandent. L'effet sur les coûts de la santé est déjà important, et au rythme des augmentations, il sera catastrophique. Aussi, les associations de médecins et de pharmaciens s'inquiètent de cette transformation du système de soins et s'opposent à toute libéralisation. (Aux États-Unis, des assureurs de même que plusieurs entreprises craignent une telle évolution, car les régimes d'assurance médicament risquent d'écraser sous le poids.)

Le ministère fédéral de la Santé, après que le Parlement eut interdit la publicité des médicaments d'ordonnance, a entrouvert la porte. On peut parler d'une maladie à condition de ne pas mentionner un remède, et on peut annoncer un remède si on ne précise pas à quelle maladie on le destine. D'où l'astuce des doubles messages publicitaires qui ont fait leur apparition. D'un côté, on se porte au secours de monsieur et de sa dysfonction érectile, par exemple; de l'autre, on montre son voisin bondissant d'enthousiasme grâce au viagra.

Le ministère prétend ne pas vouloir élargir la loi. Mais on la met déjà en échec. Sous l'influence des États-Unis, la brèche pourrait s'agrandir. Pour les médias d'ici, pareille manne pourrait valoir jusqu'à 400 millions. Qui va y contester l'exploitation de la maladie et de l'ignorance? En tout cas, tous n'ont pas de la santé publique la même conscience que le Globe and Mail, qui suit de près ce dossier. Et à ce jour le monde de la santé n'a pas fait savoir clairement s'il veut ou non du free for all à l'américaine.

À la lumière de l'expérience, force est de conclure que cette publicité devrait généralement être interdite. La population est déjà compulsivement dépendante d'une série de produits dangereux. Faut-il faire en plus la promotion d'une autre consommation, plus insidieuse peut-être? Si un médicament répond à un grave enjeu social ou à quelque urgence nationale, le gouvernement lui-même devrait normalement en faire lui-même la promotion.

Autrement, on assistera à une autre exploitation effrénée d'une population à cet égard vulnérable, et à une grave démission des pouvoirs publics censés la protéger. Nos motards millionnaires ne vendent-ils pas des drogues que les gens sont «libres d'acheter ou non»?

Jean-Claude Leclerc enseigne le journalisme à l'Université de Montréal.

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