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Les ravages du sida en Afrique du Sud: Le pays orphelin

vieuxcmaq, Mardi, Février 26, 2002 - 12:00

Daphnée Dion-Viens (daphneedv@hotmail.com)

L’Afrique du Sud enterre ses morts. L’épidémie de sida tue chaque jour des centaines de personnes, laissant derrière elles un nombre encore plus grand d’orphelins. À ce rythme, d’ici les dix prochaines années, un enfant sur trois aura perdu au moins un parent décédé du sida. Portrait d’un pays défiguré.

« J’aurai bien aimé terminer mes études secondaires, raconte Avhashoni Tshitimbi, 17 ans. Étudier, c’est beaucoup plus facile que de faire vivre une famille ». Avec sa sœur Tsitamune, 15 ans, il s’occupe à temps plein de leurs sept frères et sœurs depuis que leurs parents sont décédés du sida, l’an dernier.

Chaque matin, dès l’aube, l’aîné de la famille marche 10 kilomètres pour se rendre à la rivière pêcher, pendant que ses deux frères, Nichetheni, 14 ans, et Musiwalo, 11 ans, cueillent des mangues dans le champ près de la maison familiale. Si la pêche est bonne, Avhashoni se rendra en après-midi au village pour essayer de vendre ses poissons et les fruits fraîchement cueillis. C’est le seul revenu dont la famille dispose, avec une partie de la maigre pension que reçoit leur grand-tante, seul parent avec qui ils sont toujours en contact. Mais ce n’est souvent pas assez, et les enfants doivent parfois se contenter d’un repas par jour. « Le plus difficile, c’est lorsque je ne ramène pas assez d’argent à la maison », avoue l’aîné.

Avhashoni fait partie des quelques 183 000 orphelins de moins de 18 ans qui sont à la tête d’une famille, selon Statistics South Africa. Avec un quart de la population sud-africaine infectée par le VIH et la progression continue de l’épidémie, le phénomène ne peut que s’aggraver. Les prévisions les plus conservatrices avancées par ONUSIDA prévoient que d’ici 2010, un enfant sur trois aura perdu au moins un parent décédé du sida au Swaziland, au Zimbabwe et en Afrique du Sud, trois pays d’Afrique australe.

«C’est l’un des problèmes les plus graves auxquels sera confrontée l’Afrique du Sud au cours des prochaines années, et c’est le problème auquel on est le moins préparé », affirme Jesper Morch, porte-parole du South Africa United Children Fund. Le portrait qu’il trace de la situation actuelle est alarmant : des jeunes de 11, 12 ou 13 ans responsables d’assurer la survie de leurs frères et sœurs plus jeunes, des millions d’enfants dans la rue, ayant parfois recours au crime et à la prostitution pour se nourrir. Bref, « une réalité qui touche déjà un trop grand nombre d’enfants », selon M. Morch.

Puisque le problème est relativement nouveau, l’Afrique du Sud n’est pas prête à faire face à cette situation. Il y a 10 ans, on retrouvait peu d’enfants de la rue à Johannesburg ou d’adolescents à la tête de familles dans les campagnes. Il n’y a pas de structure adéquate en place dans les communautés pour prendre en charge ces orphelins, que l’on estime aujourd’hui à plus d’un million au pays.

Quelques organismes communautaires viennent en aide à ces enfants, mais ils sont trop peu nombreux pour les besoins de la population et souffrent d’un manque de financement chronique. L’organisation Gundo Community Development, qui vient en aide à 78 orphelins dans la région de Venda, au nord du pays, repose sur deux âmes charitables. Depuis maintenant deux ans, Tshifiwa Makhoshi et Tebogo Nematei donnent leur temps et leur argent pour aider ces enfants.

Le directeur de l’organisation, M. Nematei, enseigne à l’école primaire de son village chaque matin. Ses après-midi, il les consacre aux orphelins. Accompagné de sa collège Tshifiwa, une diplômée universitaire sans emploi, il sollicite la population et organise diverses activités afin de fournir vêtements et nourriture aux familles sans parent. L’organisation ne reçoit aucune aide financière. M. Nematei doit défrayer lui-même toutes les dépenses engendrées, que ce soit la location d’un bureau, les déplacements en voiture ou encore la ligne téléphonique.

La famille Tshitimbi est bien chanceuse de pouvoir compter sur eux. Le jour de notre visite, le sac de farine de maïs et les boîtes de conserves que M. Nematei leur apporta fut un soulagement pour Avhashoni. Pour quelques jours, il n’aura pas à se demander comment nourrir ses frères et sœurs.

Le directeur de Gundo Community Development déplore le manque de soutien financier gouvernemental: « Nous faisons le travail du gouvernement en prenant ces enfants à charge, mais nous n’avons pas reçu un sou, malgré des demandes de financement répétées. On doit faire l’impossible avec trois fois rien ».

Selon Foy Sikwane, directeur du département de la sécurité sociale de la Northern Province, la demande de financement de Gundo Community Development est toujours en étude, après un an d’attente. Le nombre important de demandes de subvention et le peu de ressources disponibles rendent laborieux le processus d’attribution du financement, explique-t-il.

Le gouvernement du Congrès national africain (ANC) a pourtant débloqué des fonds l’an dernier correspondant à 1,6 million $ CAN consacrés à la lutte contre la pauvreté chez les orphelins du sida et le développement d’aide à domicile pour ces enfants qui sont souvent eux-mêmes atteints du virus. Un investissement bien timide, qui correspond en fait à moins de 0,1% du budget national.

Le porte-parole du South Africa United Children Fund déplore aussi le peu de ressources consacrées à l’intervention auprès des orphelins : « Le gouvernement sud-africain est en avance sur certains pays d’Afrique australe, mais les politiques et plans d’action ne sont pas accompagnés par le budget nécessaire à l’implantation de ces programmes». Il insiste par ailleurs sur la nécessité d’une action concertée: « La seule façon de gérer la situation de manière efficace est de favoriser une approche holistique et d’établir une stratégie nationale, un modèle d’intervention qui peut être reproduit dans l’ensemble du pays ». Ainsi, un programme d’aide aux orphelins du sida devrait s’inscrire dans le cadre d’une stratégie globale visant la réduction du nombre de nouvelles infections et la prolongation de la vie des personnes déjà atteintes du VIH, affirme-t-il.

La stratégie actuelle du gouvernement vise la reconstruction du milieu familial, en encourageant la prise en charge des orphelins par un membre de la famille ou de la communauté. Mais il faut d’abord venir à bout des préjugés. M. Nematei explique que la peur et l’ignorance empêchent la population de regarder la situation en face: « Les gens infectés ne parlent pas de la maladie parce qu’ils ont honte et ne font donc pas de plan pour l’avenir de leurs enfants. Ces enfants sont eux-mêmes rejetés lorsque les membres de la communauté apprennent que leurs parents sont décédés du sida. Ce mur de silence doit être brisé; on doit éduquer les gens afin d’encourager l’entraide. La population doit s’occuper de ces orphelins ».

Enrayer les préjugés et stimuler la solidarité afin de venir en aide aux enfants. Voilà le défi de tout un pays. La population d’Afrique du Sud qui, il n’y a pas si longtemps, s’est alliée pour renverser le gouvernement de l’apartheid, doit encore une fois se serrer les coudes pour faire face à un autre mal, qui menace cette fois de décimer le pays en entier.

Daphnée Dion-Viens a effectué un séjour en Afrique du Sud dans le cadre d’un stage en journalisme avec l’organisme Alternatives.



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