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Comment Attac a voulu étouffer la contestation interne après Gênes

vieuxcmaq, Lundi, Janvier 14, 2002 - 12:00

Cornélius Chesterfield (daemon9@caramail.com)

Volonté d’escamotter le debat. Peu de place laissée aux critiques d’organisation et de choix politique. Questions de militants restées sans réponse… Après Gênes, les leaders d’Attac ont essayé de minimiser la montée en puissance d’une frange radicale chez leurs adhérents : ils ont étouffé la parole de ceux qui ne se reconnaissaient plus dans les prises de position du Bureau et souhaitaient passer à des modes d’action plus directs.

Environ deux mille personnes sont allées à Gênes sous la bannière ATTAC. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’elles participaient à ce type de rassemblement. Certains militants ont été frappés, arrêtés, emprisonnés et torturés. Beaucoup d’adhérents, restés en France, ont passé plusieurs jours pendus au téléphone pour essayer d’avoir de leurs nouvelles et les faire libérer. Comme dans beaucoup d’organisations, le traumatisme a été grand.
Logiquement les militants s’attendaient à discuter et débattre de Gênes lors de la dernière Université d’été qui s’est déroulée sur quatre jours à Arles à l’automne dernier. Vu la répression et les violences commanditées par le Pouvoir, beaucoup s’interrogeaient sur la coopération d’Attac avec les autorités italiennes pour préparer la manifestation, ne comprenaient pas les déclarations de Serge Aguitton à la presse pour prépaprer les futurs sommets (" Nous ne pouvons rien faire sans le concours des forces de l'ordre ", La Tribune, 23 juillet 2001). D’autres encore voulaient savoir comment les décisions d’actions avaient été prises.

Première surprise en découvrant le programme officiel : aucun espace n’avait été prévu. Aucun moment n’avait été organisé pour mettre à plat ces questions. Face aux multiples protestations, le Bureau d’Attac a finalement décidé de réserver une partie du dimanche après-midi à Gênes. À la dernière seconde donc un petit panneau manuscrit a été punaisé dans le hall, invitant les militants à venir écouter les témoignages des personnes qui s’étaient rendues là-bas et débattre de ce qu’avait fait Attac sur place. Bien entendu beaucoup de personnes, prévenues à la dernière minute – ou pas prévenues du tout - n’ont pas pu y assister.

Le samedi, la veille de la rencontre donc, le témoignage d'une adhérente d'Attac, arrêtée, emprisonnée et torturée à Gênes, a circulé. Photocopié et donné de la main à la main, il dénonçait l'attitude de l’association avant, pendant et après les manifestations. Il critiquait par exemple le mot d’ordre donné aux manifestants de faire de la délation en dénonçant tout élément perturbateur. Mettait en cause les négociations continuelles avec les autorités. S’élevait contre l’engagement de ne pas entrer dans la Zone rouge. Ou encore s’insurgeait contre les prises de position du Bureau contre les Black Blocs.
Après avoir lu le témoignage de Valérie Vie, beaucoup de militants sont spontanément venus lui apporter leur soutien "Ils m'ont dit qu’ils partageaient mon opinion sur l’attitude d’Attac " témoigne-t-elle.
Conscient que ces critiques se faisaient en fait l'écho de la pensée d'une partie de plus en plus importante des militants d'Attac, qu'une poussée radicale se développait au sein du mouvement, Bernard Cassen, président de l’association, a regretté ce soir-là d'avoir organisé ce débat pour le lendemain. "Il y a eu de la part de Bernard Cassen beaucoup de peur et d'appréhension ", se souvient Mina, une adhérente présente au moment de la discussion du Bureau. " On tombe trop dans le pathos, disait-il. Il y a trop de témoignages. Trop d'émotion. Finalement ça nuit à l'image d'Attac ". Il voulait annuler cette réunion. Il a dit clairement qu'il regrettait d'avoir accepté qu’elle ait lieu ". Interrogé, Bernard Cassen a nié avoir dit ces mots. Il a parlé " de sources non identifiées et d’informations non vérifiées ". Pourtant deux personnes, présentes au moment de la scène, confirment ces propos.

Finallement, la rencontre a bien eu lieu le dimanche après-midi. Et elle a suscité un réel intérêt : environ 150 personnes y ont participé. Nouvelle surprise : une très faible place a été attribuée aux témoignages, interrogations et aux débats. Tandis que les autorisés de la parole ont longuement exposé leur version des faits, les adhérents qui voulaient prendre le micro ont été priés " d’aller vite " et n’ont eu droit qu’à quelques minutes d’exposé. Même les personnes qui avaient subi des violences à Gênes n’ont pas été invitées officiellement à s’exprimer à la tribune.
En parlant justement de ces personnes incarcérées, Bernard Cassen a déclaré que "Malheureusement il avait fallu assurer un service après-vente de Gênes" pour les faire sortir. Puis il a fustigé devant ses militants "le comportement inouï et scandaleux du gouvernement italien ". Il a pourtant oublié de leur dire qu’il siège au Conseil d'administration de l'Institut d'Etudes Européennes aux cotés de… Renatto Ruggiero qui n’était autre que le Ministre des Affaires étrangères italien à ce moment ! Et Ancien directeur de l'OMC de surcroit ! Difficile dans ces conditions de porter crédit aux accusations de Bernard Cassen.
"Travailler avec des Etats qui sont déjà corrompus par le capitalisme ça me paraît difficile" a d’ailleurs noté un adhérent au micro. "Il y a plein de députés qui ont des cartes Attac, ça fait très joli mais qu'en font-ils concrètement ?", s’est interrogée une autre au sujet d’élus qui n’avaient pas bougé le petit doigt pour les détenus de Gênes malgré de fortes sollicitations.

Beaucoup de militants ont profité de cette tribune pour donner leur sentiment. C’est là que l’on a pu sentir que, malgré des conditions d’expression réduites au minimum, une frange radicale se développait au sein d’Attac. Valérie Vie, très applaudie, a dit sa " honte d’être secrétaire d’Attac " : " Je suis une adepte de la non-violence pourtant j'ai défoncé la barrière de la Zone Rouge, j'ai été arrêtée dans la Zone Rouge. En sortant j'ai eu une douleur physique, mais j'ai surtout senti un immense sentiment de honte en lisant les propos de Susan George (dénonçant les Black Blocs ndla), un immense sentiment de honte en voyant l'attitude que nous avions pendant la manifestation, l'attitude de dénonciation par rapport aux autres tranches de la population manifestante, l'attitude d'écart que nous avions voulu tenir pour assurer notre crédibilité par rapport à l'opinion publique. " Un adhérent a expliqué pourquoi –comme beaucoup d’autres jeunes- il n’avait pas participé a la manifestation organisée : "Je fais partie d'Attac mais, à Gênes, je n'ai pas participé à la manifestation avec Attac car je n'étais pas d'accord avec les orientations. Ça ne sert pas à grand’chose d’envoyer des ballons en l'air (action décidée par Attac, ndla). J'ai préféré aller dans la manifestation Désobéissance. Il fallait au moins avoir l’intention d’entrer dans la Zone rouge, ne pas être résigné d’avance. Comment s'est prise la décision du type d'action d'Attac à Gênes ? ". Aucune réponse n’a été donnée. Le texte d’une autre adhérente d’une soixantaine d’années, écrit juste après Gênes, va dans le sens de ces propos : elle dénonce " l’ambiance assez autoritaire, voire méprisante, vis à vis des comités locaux et des militants (…). On nous a annoncé le matin que nous approcherions du mur de grillage que nous ne pourrions ni franchir ni détruire sans danger, mais qu’il y aurait des actions symboliques, non violentes mais assez fortes. Or, à part un laché de ballon complètement foireux, rien n’avait été prévu. (… ) Il y aurait même des choses à dire sur le peu de débats que nous avons pu avoir tant les prises de paroles étaient occultées par les dirigeants parisiens qui reprenaient la parole entre chaque expression de militant ". Un autre militant a demandé quand Attac passerait enfin à l’action concrête comme l’appel officiel à la destruction de champs d’OGM. Lui non plus n’a jamais obtenu de réponse.
Ces prises de position reflètent l’opinion d’une partie croissante des membres d’Attac. Des membres qui refusent la cogestion avec les pouvoirs en place et " la stratégie de lobbying qu’adopte l’association depuis Gênes, pas de contre-pouvoir ", s’insurge une membre du Conseil d’administration. Un changement de cap qu’assument les dirigeants : " Nous n'avons pas l'intention de nous compromettre avec les institutions. En revanche, nous sommes prêts à un dialogue sur le fond pour changer les choses comme un syndicat avec un patron " a déclaré Serge Aguitton à la presse.

Certains, dégoûtés de la frilosité et de l’attitude de l’association ont d’ores-et-deja rendu leur carte. D’autres songent aussi à partir. La sission est une grande peur des dirigeants même si Bernard Cassen répête à l’envi qu’il ne craint pas " le début de la moindre division d’Attac ". Pourtant une " liste noire des comités locaux circulent. Des comités où circule une réflexion critique. Les dirigeants sont persuadés qu’un danger vient de là ", déclare une membre du Bureau.

Mais la plus grande crainte de Bernard Cassen provient de la perte de soutien de l’Opinion publique. Les références à la conquête des médias sont omniprésentes. "Nous avons remporté la bataille médiatique. Ce n'était pas gagné d'avance", se plait-il à répéter. Ainsi, même si des membres du Bureau " regrettaient d'avoir maintenu la réunion sur Gênes, qu’ils "n'étaient pas prêts". Somme toute, ils s'en étaient bien tirés. Comme cette rencontre n'avait pas été annoncée dans les programmes, la presse n'était pas venue"…



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