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L’Empire de la Mort

vieuxcmaq, Samedi, Décembre 8, 2001 - 12:00

Nurit Peled-Elhanan (ogerlitz@cs.huji.ac.il)

Influencé par la guerre, Dylan Thomas a écrit un poème intitulé: «Et la mort n’aura pas d’empire». En Israël elle a un empire. Ici la mort règne et le gouvernement d’Israël est un gouvernement de la mort. Alors, la chose la plus surprenante - concernant l’attaque terroriste d’hier à Jérusalem et toutes les attaques – est que les Israéliens en soient tellement surpris.

La propagande et l’endoctrinement réussissent à faire transmettre les nouvelles de ces attaques comme si elles n’avaient rien à faire avec la réalité israélienne. Les faits présentés par les médias israéliens (et américains) sont l’histoire d’assassins « arabes » et de victimes israéliens dont le seul péché consiste à demander sept jours de grâce.

Il n’est même pas nécessaire de retracer les faits d’il y a un an, il en suffit de semaines, de journées et même des dernières heures, pour savoir que les choses sont différentes, que chaque attaque est l’anneau d’une chaîne d’horribles événements ensanglantés qui n’ont pas cessé durant 34 ans, et dont la cause est une occupation brutale. Une occupation qui comprend l’humiliation, la famine, le refus de moyens d’existence, la démolition de maisons, la destruction de récoltes, le meurtre d’enfants, la détention de mineurs sans inculpation ni jugement dans des conditions abominables, la mort de bébés aux points de contrôle, les tromperies politiques.

La semaine passée, après l’assassinat de Abu Hunud, une journaliste de « Yediot Aharonot » m’a demandé si je me sentais « soulagée ». Si je n’avais pas eu peur qu’un tel meurtrier se déplace librement. Je lui ai dit que je ne me sentais pas soulagée, et que je ne pouvais me sentir soulagée tant que les meurtriers d’enfants palestiniens circulaient librement. Le meurtre de ces enfants, tout comme le meurtre d’un homme - aussi suspect soit-il - sans inculpation ni jugement, ou le meurtre, hier peu avant l’attaque, d’un enfant de dix ans, garantissent que, désormais, aucun enfant israélien ne pourra aller à l’école en sûreté. Désormais, tous les enfants israéliens payeront pour la mort des cinq enfants à Gaza et d’autres enfants à Jénin, à Ramallah et à Hébron.

Les Palestiniens ont appris des Israéliens que chaque victime doit être vengée par une dizaine, une centaine, de victimes. Ils l’ont proclamé maintes fois: tant qu’il n’y a pas de paix à Ramallah et à Jénin, il n’y aura pas de paix à Jérusalem et à Tel Aviv. Ce ne sont donc pas les Palestiniens qui doivent observer sept jours de grâce, mais plutôt les Forces Israéliennes de l’Occupation.

Ce vendredi nous avons appris que les politiciens des deux côtés sont arrivés à un accord qui permet de rouvrir le casino à Jéricho, source de revenus considérables. Et ceci sans intervention américaine, sans conférence au sommet, rien qu’avec l’assistance d’avocats et de gens d’affaires qui ont promis à tous ce qu’il fallait. Ceci nous démontre que le conflit n’est pas le conflit des leaders, et que ceux-ci réussissent à trouver des solutions quand l’affaire les touche vraiment (autrement que le sang de nos enfants).

Cet incident me donne à croire que nous tous, Israéliens et Palestiniens, sommes les victimes de politiciens qui jouent la vie de nos enfants dans des jeux de prestige et d’honneur. Les enfants semblent avoir moins de valeur que les jetons de roulette.

Mes les attaques sont utiles à la politique israélienne, une politique qui veut nous faire oublier que cette guerre est une lutte pour la paix des colons et pour la continuation de l’occupation; une politique qui conduit de jeunes Palestiniens à se suicider d’après l’exemple de Samson: « Je mourrais avec les Philistins »; une politique qui veut nous faire croire qu’ «ils veulent aussi Tel Aviv et Jaffa » et qu’ «il n’y a personne avec qui on peut parler», tout en liquidant ceux avec qui on aurait peut-être pu parler.

A présent, sachant que nos leaders peuvent arriver à un accord de paix quand il s’agit d’argent, nous devons insister à ce qu’ils fassent la paix aussi quand il s’agit de choses moins importantes comme la vie de nos enfants. Tant que tous les parents en Israël et en Palestine ne se soulèvent pas contre les politiciens et demandent qu’ils restreignent leur soif de sang et leur désir de conquête, le royaume souterrain des enfants morts ne cessera de s’étendre. Les mères qui, depuis toujours, ont élevé leur voix pour la vie et contre la mort doivent se révolter contre la transformation de nos enfants en tueurs et tués, doivent éduquer les enfants afin qu’ils refusent de participer à des actes criminels, et doivent forcer les politiciens de céder la place à ceux qui sont capables de s’asseoir à la table de négociation et arriver à une paix vraie et juste, qui sont prêts au dialogue dont le but n’est pas de tricher, d’humilier, de manipuler et d’abaisser l’autre, mais de parler afin d’arriver à une solution qui considère l’autrui, une solution sans racisme et sans mensonges. Sinon, la mort continuera de régner.

J’aimerais demander aux parents qui n’ont pas encore perdu d’enfants de regarder de temps en temps la terre sous leurs pas et d’écouter les voix qui montent du royaume des morts sur lequel ils marchent jour par jour et heure par heure, car là-bas chacun sait qu’il n’y a pas de différence entre une vie et une autre, que la couleur de la peau ou de la carte d’identité ne joue aucun rôle, qu’il n’est pas important quel drapeau flotte au-dessus de quelle colline et dans quel sens on se tourne pour faire sa prière.

Dans ce royaume les enfants israéliens gisent auprès des enfants palestiniens, les soldats de l’armée de l’occupation auprès des bombes-suicide, et personne ne se rappelle qui était David et qui était Goliath. Car là-bas tous savent qu’on les a trompés et qu’on leur a menti, que les politiciens sans sentiment et sans conscience ont joué leur vie, comme ils continuent de jouer la nôtre. Par le moyen d’élections démocratiques nous avons donné le pouvoir à ceux qui transforment notre foyer en un lieu de meurtre infini. Ce n’est qu’en les faisant cesser que nous pouvons peut-être rendre la vie à ce lieu. Et la mort n’aura pas d’empire.

Nurit Peled-Elhanan
Yediot Aharonot, 1er décembre 2001

Dr. Nurit Peled-Elhanan a perdu sa fille, qui avait alors treize ans, il y a quatre ans dans une attaque de bombe-suicide à Jérusalem. Le Prix Sacharov pour la Paix et la Liberté d’Expression lui fut décerné par le Parlement Européen en 2001.



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