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Devoir de mémoire

vieuxcmaq, Samedi, Septembre 15, 2001 - 11:00

Carmen Moral-Suarez (csuarez@videotron.ca)

Montrer des images et orienter nos émotions dans une seule direction : celle de l’incompréhension qui engendre la peur.

Les événements survenus mardi aux États Unis sont d’une gravité hors du commun. Nos médias devraient nous fournir des éléments de réflexion, contribuer à recentrer le débat sur les vraies questions, s’éloigner des thèses officielles transmises par CNN et les satellites américains, faire un travail d’enquête et d’information journalistique d’autant plus minutieux que l’heure est grave.

La tradition juive dit que l’important n’est pas la réponse mais de savoir poser les bonnes questions. Combien riche est cet enseignement !

Devoir de mémoire.

L’ampleur de la tragédie de ce mardi 11 septembre exige que l’on fasse une pause, que l’on prenne le temps d’enterrer les morts dans la dignité et que l’on réfléchisse pour tenter de comprendre. Malheureusement, mais sans surprise, depuis le 11 septembre à 9H00 du matin, aucune des grandes chaînes de télévision n’informe ses auditeurs. Toutes se contentent de montrer. Montrer des images et orienter nos émotions dans une seule direction : celle de l’incompréhension qui engendre la peur.

Nous vivons la troisième tragédie médiatisée du tournant du millénaire. En 1993, l’Irak envahit le Koweit et s’effondre sous les bombardements alliés; en mars 1999, l’otan fond sur la Serbie; aujourd’hui les États Unis d’Amérique sont la cible d’attentats terroristes d’une ampleur sans précédent. Trois événements qui sont couverts par les grandes chaînes de télévision de façon similaire : bombardement d’images, fausses analyses, présentation d’un point de vue unique, maquillage des preuves, traitement qui incite à percevoir toute opinion divergente comme un soutien tacite aux forces du mal.

Rappelons-nous :

En 1993 des Kowétiens décrivent la barbarie de l’envahisseur. Une jeune infirmière, témoigne à travers ses sanglots et devant nos caméras que les irakiens ont égorgé sous ses yeux les nouveaux nés. Quelques mois après le conflit, nous apprenons, discrètement, que la jeune femme est un membre de la famille princière et que son témoignage est fabriqué de toute pièce. Il s’agissait de préparer l’opinion publique internationale à une intervention belliciste et de présenter l’attaquant comme un ennemi de la barbarie.

En 1999, les « accords de Rambouillet » sont présentés au public occidental comme le désir généreux de l’otan de parvenir à un accord négocié avec la Serbie visant à mettre fin au drame de la population kosovar. Les termes de l’accord ne nous sont jamais précisés, qu’il suffise au public de croire que la volonté de l’otan est de sauver des vies humaines. Hors il appert que le refus des Serbes de signer ce document portait essentiellement sur deux points : la prétention de l’otan à maintenir une force armée sur l’ensemble du territoire de l’ex-Yougoslavie et l’exigence de la tenue d’un référendum sur l’autonomie du Kosovo dans les trois années suivant la signature de l’accord. Connaissant ces points, on comprend mieux qu’une nation, quelle que soit la sympathie que l’on porte à son dirigeant démocratiquement élu, s’insurge contre des dispositions qui annihilent sa souveraineté nationale. Rien n’est dit non plus de la contre-proposition votée par le parlement serbe et présentée à Rambouillet dont la seule existence montre que le dialogue n’était pas bloqué. Mais l’otan voulait la guerre, il la fit. Le prétexte humanitaire vacille quand on sait que les bombardements n’on fait qu’intensifier, de manière tout à fait prévisible, la répression serbe et décupler le nombre de victimes. Il chancelle et choit quand on analyse que les États Unis d’Amérique devaient affermir leur position de leader au sein de l’otan dont la justification première tombait avec la fin de la guerre froide. Pourtant, durant ce tragique épisode qui n’a pas pris fin avec l’arrêt des bombardements, toute voix s’élevant contre les frappes aériennes était aussitôt accusée de défendre un dictateur sanguinaire.

Ce rappel du traitement médiatique de deux tragédies récentes nous oblige à recevoir avec circonspection les images et les commentaires qui nous sont montrés aujourd’hui sur les écrans. De nombreuses questions surgissent immédiatement qui ne sont pourtant pas posées. Seuls les spécialistes allant dans le sens de la seule piste évoquée jouissent de temps d’antenne. Dans la presse écrite, même les interventions les plus nuancées nous entraîne sur la piste moyenne orientale, en faisant - dans les meilleurs des cas - un état des lieux détaillé, mais accréditant l’idée unique que l’ennemi y plonge ses racines.

Demandons-nous donc :
Pourquoi tant de détestation envers les États Unis d’Amérique ? À cette question, presque tout le monde peut répondre, sauf le pauvre citoyen américain si bien convaincu que son pays est le fer de lance de la liberté et de la démocratie à travers le monde. Pourtant, quelques éclaircissements sur la politique extérieure de son pays au cours des cinquante dernières années relativiserait peut-être sa peur aujourd’hui puisque tant est que la peur vient souvent de l’incompréhension.

À qui profitent ces attentats ?
Quelles en seront les conséquences sur la politique américaine et sur la politique des pays occidentaux ?
Quelle organisation est assez puissante pour perpétrer les actes de mardi ?
Les médias ont fait état de 2000 pistes suivies par le FBI. Quelles sont ces pistes ?
Comment se fait-il que seule la piste d’Oussama ben Laden soit commentée ?
Ben Laden est le premier nom à être apparu dans les heures (ou est-ce dans les minutes?) qui ont suivies les écrasements. La suite des informations transmises porte à croire que la recherche de preuves va dans le sens d’une confirmation d’hypothèse davantage que d’une recherche de vérité. N’est-il pas incroyable qu’une organisation capable de perpétrer de telles attaques aériennes (synchronisation, pilotage, impuissance des radars, inefficacité des contrôles au sol, etc) commette la bévue monstrueuse de faire voyager ses auteurs, fichés par le FBI nous dit-on, sous leur véritable identité ? Auraient-ils pris le risque de se faire arrêter avant l’embarquement et de faire ainsi capoter un plan si minutieusement préparé, ou auraient-ils été assurés de pouvoir embarquer sans risque grâce à des complicités – alors lesquelles -, ou bien nous prend-on simplement des imbéciles ? N’est-il pas surprenant que les pirates ainsi identifiés appartiennent, justement et comme par hasard, au groupe que l’on a suspecté dès le premier instant sans pour autant être capable de déjouer ses plans avant leur exécution ? Pourquoi les pays du G7 s’engagent-ils à appuyer sans réserve les Etats-Unis dans leurs visées vengeresses sans désigner au préalable un cadre d’intervention (droit de contrôler l’enquête américaine, présence de preuves de culpabilité irréfutables, demande d’extradition aux pays susceptibles de cacher d’éventuels coupables, etc) ? Advenant une attaque militaire des Etats-Unis contre quelque pays que ce soit, quelles sont les répercussions à prévoir et comment les alliés y feront-ils face ?

Dans La Jornada, quotidien mexicain, en date du 12 septembre, Guillermo Almeyra rappelle quelques faits troublants. Les perspectives qu’ils ouvrent donnent froid dans le dos et on hésiterait à les rapporter si la perspective ouverte par l’attitude belliciste de l’administration Bush et de ses alliés n’était tout simplement terrifiante.

M. Almeyra nous remet donc en mémoire que l’incendie du Reichstag, attribué par les nazis aux communistes et justifiant une politique répressive fut en fait allumé par les nazis eux-mêmes. L’explosion du cuirassé Maine dans la baie de la Havane qui avait été attribué par Washington aux espagnols pour justifier la guerre contre Cuba été en fait l’œuvre des États Unis qui n’hésitèrent pas à sacrifier la vie de leurs marins pour justifier leur attaque. Le fameux Peal Harbor avec lequel on rapproche les événements du 11 septembre, avait été annoncé à Washington mais Roosevelt n’a pas tenté d’empêcher les milliers de morts car l’attaque “surprise” a justifié l’entrée en guerre des États Unis auprès d’une population et d’une admistration jusque là pacifiste, non interventioniste et résistante. J’ajoute aux rappels de M. Almeyra que dans les années 60-70, le Pentagone n’a eu aucun scrupule à tester le LSD sur ses propres concitoyens, non consentants et non informés, des centaines de personnes de la classe moyenne qui consultaient pour troubles nerveux et dont les réactions aux prescriptions étaient dûment commentées et transmises au Pentagone par des psychiatres et psychothérapeutes complaisants.

En résumé, les événements survenus mardi aux États Unis sont d’une gravité hors du commun. Les décisions prises par l’ensemble des chefs d’état de la communauté internationale seront lourdes de conséquences. Nos médias devraient nous fournir des éléments de réflexion, contribuer à recentrer le débat sur les vraies questions, s’éloigner des thèses officielles transmises par CNN et les satellites américains, faire un travail d’enquête et d’information journalistique d’autant plus minutieux que l’heure est grave.

Si la colère s’empare légitimement de nous devant le spectacle de l’hécatombe newyorkaise, la rage m’étouffe devant la couverture médiatique qui en est faite et ses conséquences meurtrières. D’aucun disent « plus rien ne sera comme avant ». Je crois qu’au contraire tout sera « encore plus comme avant ».

Carmen Moral-Suarez,
Citoyenne montréalaise

Ref :
Serge Halimi et Dominique Vidal, L’opinion, ça se travaille, Agone Éditeur, avril 2000.
Noam Chomsky, Le Nouvel Humanisme militaire, Leçons du Kosovo, éditions Écosociété, juillet 2000

ensemble de dossiers rassemblés par le monde diplomatique, articles antérieurs traitant du Moyen Orient et du terrorisme.


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