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La victoire de la Bataille de Québec : Bilan et Perspectives

vieuxcmaq, Mercredi, Août 15, 2001 - 11:00

Sébastien Bouchard (sebboutch@hotmail.com)

Ce texte vise à présenter brièvement et de façon critique le contexte général et surtout la lutte menée par les divers acteurs ayant agi contre le Sommet des Amériques. Le tout se termine avec les perspectives politiques qui semblent se dégager et les possibilités de recomposition de la gauche au Québec.

Contexte de recul social, de montée des luttes et de recomposition de la gauche

Pour mieux comprendre la dynamique militante qui s'est développé autour du Sommet, certains éléments d'introduction au contexte mondial et national actuel peuvent être identifiés.

L'arrivée de l'humanité dans le troisième millénaire s'effectue dans un contexte économique régressif de perpétuation du capitalisme néolibéral. Après la croissance économique liée aux politiques keynésiennes dans les années 1950, 60 et début 70, nous nous retrouvons dans un long cycle de crise et de faible croissance économique . Parallèlement, la valeur des actifs financiers est en hausse rapide et les multinationales, de plus en plus concentrées au fil des fusions, augmentent leurs profits moyens tout au long de cette période. Le tout est accéléré par les politiques néolibérales qui prennent la forme de coupures dans les programmes sociaux, de privatisation des secteurs rentables de l'État, de transferts du travail non rentable vers les femmes oeuvrant dans la sphère domestique, de politiques monétaires et fiscales régressives, de dégradation des conditions de travail et de déréglementation sociale et environnementale. Dans ce cadre, les accords de "libre-échange" (OMC, ALENA, accord européen, ZLÉA, AMI, APEC, etc.) et les plans d'ajustements structurels du FMI et de la Banque mondiale deviennent des instruments anti-démocratiques privilégiés pour imposer ces politiques.

Les États-Unis restent à l'avant-garde de cette offensive impérialiste, autant par un contrôle politique des institutions internationales, un contrôle économique et un contrôle militaire , ce dernier étant favorisé par l'effondrement du bloc de l'Est.

Face à cette accumulation de reculs, la gauche politique traditionnelle est en faillite. D'un côté, la chute des pays dits communistes (staliniens) a créé un recul social énorme pour la population des pays de l'Est (sans réelle démocratisation ni constitution d'une gauche forte). De plus, cet effondrement a laissé toute la place à un capitalisme triomphant et a mené à la déroute une partie importante de la gauche traditionnelle (les P.C.). D'un autre côté, les partis de tradition social-démocrate au pouvoir, surtout présents en Europe (NPD au Canada), ont mis en place des politiques clairement néolibérales, mais enrobées d'un discours social, ce qui fut acheté par une partie des mouvements sociaux. Au Sud, la gauche, tout comme le populisme sud-américain, le clientélisme redistributeur africain et l'interventionnisme étatique asiatique, ont été en grande partie laminés pour cadrer dans les programmes de rééchelonnement des dettes imposés par le FMI et la Banque mondiale. Il faut, par contre, voir que la faillite du stalinisme, de la social-démocratie (blairiste, de la 3e voie) ou des divers régimes politiques populistes ouvre les portes à une recomposition de la gauche politique et sociale qui est d'ailleurs en cours dans de nombreux pays.

L'éclosion et l'expansion de nouveaux mouvements sociaux massifs et combatifs, après un inégal mais long refroidissement lors des années 80 et début 90, est sûrement un des éléments les plus intéressants de la conjoncture. Amorcée par l'insurrection zapatiste le jour de l'entrée en vigueur de l'ALENA (janvier 1994) et par certaines luttes nationales importantes , la mondialisation des résistances arrache sa première victoire avec la chute de l'AMI (Accord Multilatéral sur l'Investissement), en 1998, qui prouvera que ces politiques néolibérales liées à la mondialisation ne sont pas une fatalité. L'émergence de nombreux mouvements comme ATTAC (né en France), Jubilée Sud et CADTM (pour l'annulation des dettes du Tiers monde), Via Campesina (luttes paysannes) et la Marche mondiale des Femmes permettront de lancer des campagnes mondiales visant directement le grand capital international, tout en restant ancrées dans les luttes nationales. C'est pourtant le déraillement des négociations à Seattle en 1999 qui sera le point de départ d'une suite de manifestations de masse internationalistes, notamment à Washington, Millau, Prague, Nice, Québec et Gênes. Une recomposition des mouvements sociaux nationaux et internationaux prend alors place, ce qui est aidé par de nouvelles coordinations comme l'Alliance sociale continentale, l'Action mondiale des peuples ou les rencontres de Porto Allegre.

Au niveau québécois

À partir de la fin de la 2e guerre mondiale, une série d'acquis sociaux se sont cumulés au Québec et au Canada par les luttes combatives du mouvement social et politique qui, avec le tournant néolibéral de la fin des années 70 début 80, n'était pas disposé à les laisser partir. Le patronat et le gouvernement canadien se sont alors servis de la signature d'accords de libre-échange avec les États-Unis pour imposer le néolibéralisme "de l'extérieur", ce qui fut totalement appuyé au Québec par les péquistes et libéraux, (le Québec étant un des seuls pays occidentaux à pas avoir eu de parti de gauche créé par le mouvement ouvrier et populaire).

Devenu conciliant avec l'idée du libre-échange au début des années 90, le mouvement social québécois se démobilise et s'embourbe dans une dynamique de concertation avec l'État et le patronat. Les Sommets sociaux-économiques de 1996 en sont la phase ultime (la pointe de l'iceberg), alors que les syndicats québécois appuient la politique de déficit zéro du PQ, parti politique nationaliste néolibéral qui maintient des liens incestueux avec la direction des grandes organisations du mouvement social québécois. Depuis, les coupures, les privatisations, les réformes régressives, la multiplication des lieux de concertation avec le PQ (Sommet de la Jeunesse, CLD, CRD, etc.) et la stagnation des luttes perpétuent les reculs sociaux jusqu'à la fin de la décennie. Notons tout de même la montée d'une certaine résistance, avec les grèves et désobéissances civiles des infirmières et des étudiantEs et la Marche mondiale des femmes de 1995.

C'est au tournant du millénaire qu'un certain renouveau prend place, alimenté par l'abolition de l'AMI et surtout la victoire de la bataille de Seattle relayée ici par des luttes locales. La Marche mondiale des Femmes, puis le Sommet des Amériques, seront les deux grandes campagnes qui animeront le pays, sans parler de leurs importants impacts extérieurs. Au niveau politique, notons le résultat historique de 24% obtenu par Paul Cliche et soutenu par une coalition de groupes politiques et sociaux. Dans ce contexte, il faudra bien tirer les leçons de la lutte vers Québec contre la ZLÉA et savoir construire sur cette victoire un mouvement social et politique fort et unitaire capable d'articuler des alternatives pour mettre fin à la dictature des marchés.

La mobilisation autour du Sommet

La lutte contre la ZLÉA à Québec, une victoire

La campagne vers Québec, entre le 16 et le 22 avril 2001, a mobilisé l'essentiel des forces militantes québécoises et une grande partie de celles du Canada-anglais et du Nord-Est des États-Unis. Soulignons tout de suite la grande victoire que représente la très forte mobilisation contre le Sommet des Amériques, dépassant toutes les prévisions, particulièrement les 60 000 marcheurSEs de la Marche des peuples, les 20 000 manifestantEs entourant le Mur de la honte et les 3000 personnes ayant participé au Sommet des peuples. Au niveau qualitatif, une conscientisation de la population (démontrée par les derniers sondages ), une prise de position clairement anti-ZLÉA du Sommet des peuples et une radicalisation anticapitaliste de milliers de militantEs, se sont opérées lors de cette campagne étalée sur une année et demie. Voici donc les différents acteurs qui ont permis ce succès.

L'avancée politique au Sommet des Peuples et le RQIC

Une grande partie des organisations de masse (centrales syndicales, regroupements populaires) se sont retrouvées dans le RQIC, section québécoise de l'Alliance sociale continentale (dont la section canadienne-anglaise est Common Frontiers). Ayant été responsable d'une partie importante de la mobilisation de la Marche des peuples (et de son trajet décevant), le RQIC était aussi le principal responsable du Sommet des peuples. On ne peut que souligner le travail entourant la déclaration finale du Sommet des Peuples qui a statué que la ZLÉA était un projet "néolibéral, raciste, sexiste et destructeur de l'environnement". Par contre, peut-on parler de 'consensus fort', alors que les directions syndicales québécoises ont depuis répété leur "Oui à la ZLÉA" avec leurs inutiles clauses sociales?

Il faut souligner que cette mobilisation de masse a été menée essentiellement sur des revendications (non corporatistes) contre la mondialisation du capital, ce qui dénote une politisation certaine de la base. Notons une participation importante des groupes du Canada-anglais, depuis longtemps mobilisés sur la question du libre-échange, et particulièrement des syndicats TCA (automobile) et SCFP (fonction publique) et du Council of Canadians.

Mentionnons le rôle central dans la campagne vers Québec joué par le groupe de solidarité internationale Alternatives, qui a su être à la fois à la coordination du RQIC, de l'ASC, à la Table de Convergence, OQP 2001, la GOMM et au CMAQ (Centre des médias alternatifs du Québec). Le CMAQ a été un lieu important pour diffuser de l'information critique sur les enjeux et manifestations entourant le Sommet.

La Table de convergence, nouvelle coalition à gauche du RQIC

Née autour de Québec 2001 en réaction à la fermeture du RQIC, la Table de Convergence est une nouvelle coalition réunissant plusieurs syndicats indépendants (FIIQ-infirmières, SFPQ-fonctionnaires, FAC-professeurs de cégep), la Fédération des Femmes, des rassemblements de groupes populaires et étudiants (FRAPRU-logement social, FEUQ-étudiantEs cégepienNEs, FECQ-étudiantEs universitaires), des groupes autonomes comme ATTAC et Opération SalAMI et les coalitions régionales (OQP, GOMM, CAZO). La Table a mené une campagne sur le thème de la "libération des textes de la ZLÉA" culminant par une action de désobéissance civile à Ottawa et a diffusé plusieurs dizaines de milliers de journaux contre la ZLÉA. Elle a pourtant été peu présente pendant le Sommet, entre autres à cause d'un refus de participer aux actions de masse non violentes (manif de la GOMM) se rendant près du Mur de la honte. La Table a su jouer son rôle de pôle anti-ZLÉA qui a permis de créer, autant envers les médias que les groupes militants des Amériques et du Québec, une brèche importante dans le discours ambigu du RQIC qui ne pouvait se déclarer ouvertement contre la ZLÉA à cause des 3 centrales syndicales.

L'Alliance par la base avec les coalitions régionales

L'odyssée de Québec a permis l'émergence de nouvelles coalitions régionales (OQP 2001 à Québec, la GOMM à Montréal, la coalition citoyenne à Hull, Mobilisation for Global Justice à Toronto, Halifax et plusieurs autres villes de l'Ontario, une autre à Trois-Rivières) qui ont uni des groupes locaux des différents secteurs de luttes (syndicaux, étudiants, populaires, solidarité internationale, politiques) et de différents niveaux de "radicalité" autour de plates-formes clairement anti-néolibérales et anti-ZLÉA. C'est plus de 6000 personnes qu'elles ont pu mobiliser pour la manifestation de la GOMM du vendredi 20 et 7000 pour celle d'OQP, le samedi 21 (pour se joindre à la Marche des peuples).

Notons l'énorme travail effectué par les membres d'OQP 2001 dans l'organisation de la campagne régionale pré-Sommet et surtout de la logistique (hébergement, bouffe, centre de convergence) pendant le Sommet. Ce travail logistique a été effectué de concert avec la CASA (Comité d'accueil du Sommet des Amériques) et les militantEs étudiantEs des 3 cégeps et de l'université de la région de Québec .

50 000 étudiantEs québécois en grève

Le mouvement étudiant québécois a maintenu sa tradition de combativité lors de la campagne entourant le Sommet, et ce, malgré le fait que les principales fédérations étudiantes (FECQ et FEUQ) soient passées complètement à côté de cette lutte centrale. C'est plus de 50 000 étudiantEs provenant de 17 institutions qui ont été, sous une forme ou une autre, en grève. Les étudiantEs ont été massivement présentEs lors des manifestations menant au Mur de la honte et ont joué un rôle central dans les coalitions régionales comme dans la CLAC et la CASA.

Les femmes en marche

La Marche mondiale des femmes est sûrement, avec la mobilisation contre la ZLÉA, le plus grand apport du Québec à la lutte contre la mondialisation de la pauvreté. L'automne dernier, c'est 30 000 personnes à Montréal et un nombre impressionnant à Québec, Ottawa et dans toutes les régions du Québec, mais surtout du monde entier, qui se sont mobilisées. C'est pourtant un refus clair des revendications portées par les femmes qui fut la réponse des gouvernements péquiste québécois et libéral fédéral. La campagne vers Québec s'est imposée comme la suite de la Marche au Québec.

Il faut noter l'émergence de nouveaux groupes de jeunes féministes radicales qui a pris la forme culturelle des Radical Cheerleaders et des Amères Noëlle (à Québec), dont une des caractéristiques est de diffuser à un large public des idées anti-patriarcales, anti-capitalistes et anti-étatiques par le moyen de chansons présentées théâtralement. Les femmes de l'Opération SalAMI ont aussi été à l'origine d'une action réunissant des femmes de toutes les Amériques près du mur de la honte, lors du Sommet.

Le renouveau de l'anticapitalisme

Un des éléments des plus dynamiques lors de la campagne contre le Sommet a été l'apport qualitatif des groupes et individus anticapitalistes à la radicalisation d'une partie significative du mouvement. Le mouvement anarchiste et socialiste a permis cette avancée incontournable en mettant de l'avant une critique radicale du capitalisme et du patriarcat et en la diffusant massivement. Bien sûr, l'idée de réclamer 'Les vies avant les profits', 'Nous ne sommes pas une marchandise' et 'Un autre monde est possible' est profondément anti-capitaliste, mais ceux et celles qui l'ont mis de l'avant n'ont pas touTEs mené leur raisonnement jusqu'au bout.

Le mouvement libertaire et la CLAC-CASA

Une autre grande nouveauté née avec le Sommet est la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC), à Montréal et le Comité d'accueil (puis d'adieu) du Sommet des Amériques (CASA) à Québec, coalitions d'individus réunissant ensemble près de 200 militantEs. Ces groupes à dominance libertaire ont organisé les deux consultas qui ont réuni une cinquantaine de groupes de tout le nord-ouest américain pour coordonner leurs actions lors du Sommet. La principale de ces actions a été la manifestation du vendredi 20 qui a réuni autour de 7000 militantEs et qui a mené à la chute du Mur de la honte, une des victoires symboliques les plus puissantes du Sommet.

Les militantEs de la CLAC et la CASA proposent une vision décentralisée de la démocratie (assemblées générales ouvertes à touTEs) et une analyse radicale et souvent intéressante du capitalisme et du patriarcat. Par contre, certains membres de la mouvance anarchiste dans la CLAC-CASA (ou en dehors) développent une attitude clairement avant-gardiste, gauchiste, substitutionniste et sectaire. Ainsi, certainNEs refusent de travailler avec le mouvement de masse et les groupes réformistes, ils et elles analysent la situation sociale à partir de la minorité mobilisée (et non pas de toute la société), tout en glorifiant la spontanéité et la destruction de propriété et en refusant les structures organisationnelles, jugées automatiquement comme autoritaires. Ce courant fort n'est pourtant pas hégémonique dans ce jeune mouvement ouvert et multiforme où militantEs étudiantEs, populaires et politiques, ex-SalAMIstes et partisanNEs des Black Block s'y côtoient. Notons aussi que les décisions de la Table de convergence et d'OQP 2001 d'exclure la CLAC (pour finalement établir une collaboration nécessaire et très fructueuse avec la CASA, pour ce qui est d'OQP) expriment plutôt la volonté d'une partie du mouvement de rejeter les milliers de personnes radicalisées dans la lutte à la mondialisation capitaliste, sur la base d'une vision dogmatique de la non-violence (souvent imposée par les médias, les politiciens ou les groupes de droite).

Les socialistes et le mouvement social

Un grand nombre d'anticapitalistes, membres du PDS , d'IS , du PCQ , du RAP et individuels, ont décidé de s'investir directement dans le mouvement social organisé pour contribuer à sa construction et sa radicalisation, ce qui est le cas de nombreuxSES militantEs dans les syndicats, les groupes populaires et étudiants et les coalitions régionales. Le rôle important des socialistes a permis un apport théorique et pratique important dans une perspective unitaire de front commun contre la ZLÉA. Parallèlement à la campagne contre le Sommet, les élections de Mercier, qui ont mobilisé un grand nombre de socialistes de la région montréalaise, se sont soldées par une autre victoire morale importante, soit un résultat de 24% pour Paul Cliche, le candidat de la gauche unie.

La question des tactiques à employer

Les changements quantitatifs et qualitatifs de la mobilisation et de la répression des dernières années poussent plusieurs à mener une réflexion sur les tactiques de lutte à utiliser lors d'un Sommet comme celui de Québec. Mentionnons d'abord quelques faits. La ville de Québec a d'abord été la cible d'une spectaculaire campagne de peur menée dans les médias dès le début de l'automne 2000. Les actions qui finalement auront lieu à Québec en avril ont rassemblé près de 20 000 personnes le long du Mur de la honte. La casse de la part des manifestantEs a été très limitée, quelques rares vitrines de commerce (banque, hôtel, édifice abandonné) brisées principalement lors de la nuit du samedi 21, en dehors de toute manifestation organisée. C'est surtout une grande solidarité entre les habitantEs des quartiers centraux et les militantEs de diverses origines qui s'est construite contre le Sommet, le Mur de la honte et le gazage massif du centre-ville par la police. Par contre, lors d'autres sommets, il semble y avoir eu une certaine utilisation des casseurs et d'agents provocateurs par la police pour justifier une répression plus généralisée, le cas de Gênes, où des fascistes ont été utilisés, étant sûrement le plus poussé à date.

Nous avons donc, d'un côté, des dénonciations sans nuance des actions le long de la clôture par certainEs dirigeantEs du mouvement social institutionnalisé, et de l'autre côté, certains actes isolés de vandalisme gratuits pouvant être utilisés par la police. La division du mouvement est un des objectifs premiers du pouvoir en place et il faut tout faire pour l'éviter, tout en préservant sa diversité. Pour ce faire, il faut tout d'abord développer des axes stratégiques autour desquels tous devraient articuler leur travail. Viser une conscientisation-radicalisation et une mobilisation de masse par un front commun large respectant la diversité des tactiques, voilà peut-être l'axe stratégique central qui devrait nous guider. Ainsi, pour consolider la dynamique de montée des luttes, il faut encourager l'interaction des secteurs très mobilisés autour de la lutte à la mondialisation capitaliste (le mouvement étudiant, les secteurs anticapitalistes) et le reste du mouvement social et politique qui semble s'éveiller, mais qui porte encore le poids des reculs des années 1980 et 1990.

Mais dans le détail, que faire comme action pendant un Sommet? Manifestations, blocages, destruction du matériel répressif, pose de banderoles géantes, théâtre de rue… l'imagination est notre seule limite et notre meilleure arme. Par contre, la casse de petits commerçants ou de résidences privées, tout comme l'utilisation d'armes offensives, devrait être exclue. L'idée est de négocier, lors de rencontres ouvertes à tous les groupes, la place de chacune des actions, tant que celles-ci n'empiètent pas sur celles des autres, un peu sur le modèle des consultas. Ainsi, la relative non-violence des manifestations organisées contre le Mur de la honte n'a pas été le fait des fiers à bras des centrales syndicales mais plutôt d'une conscientisation préalable des militantEs de l'extérieur par les groupes de la ville de Québec, particulièrement le Comité populaire St-Jean-Baptiste.

L'organisation d'une simple manifestation ou d'une action de désobéissance civile non-violente implique toujours un risque de violence, engendré par la police ou des agents provocateurs payés par elle. Dès que le pouvoir se sent menacé, l'appareil de répression se met en marche; souvenons-nous que l'occupation militaire du Québec, la suspension de toutes les libertés civiles et des arrestations massives et injustifiées menées lors de la Crise d'octobre ont eu lieu à l'apogée de l'État-providence et de la 'social-démocratie', il y a à peine 30 ans. Il faudra prévoir une montée de la répression et nous devrons y répondre par une montée de la solidarité, notre arme la plus forte.

Les perspectives d'avenir

Au Québec, la lutte contre l'AMI, et surtout la Marche mondiale des femmes et la lutte contre la ZLÉA vers le Sommet de Québec, ont redynamisé une partie importante du mouvement social et politique québécois. La question actuelle est de savoir quelles campagnes politiques et quels pôles militants peuvent permettre d'amplifier cette dynamique de montée des luttes. Ces campagnes doivent être capables de mobiliser massivement en touchant des enjeux concrets pour la majorité. Elles doivent aussi permettre une politisation radicalisante en faisant le lien avec les causes structurelles des problèmes combattus et par le fait même, pousser à unir les divers groupes et personnes impliquées dans une lutte commune.

Suite au Sommet, il faut tout d'abord mener une campagne contre la répression et pour le droit à la dissidence. Il faut surtout continuer à travailler contre la mondialisation du capital (libre-échange, solidarité internationale) et faire le lien avec les luttes nationales et locales, particulièrement dans le cadre d'une campagne pour le refinancement des programmes sociaux et contre les privatisations.

Campagne contre la répression et pour le droit à la dissidence

La répression lors du Sommet des Amériques a coûté 100 millions $, mobilisé 6000 policiers qui ont lancé 906 balles de caoutchouc et 5 148 grenades de gaz lacrymogène et arrêté plus de 450 personnes. Le droit de manifester est absolument fondamental et ne doit jamais être pris pour acquis. Suite au Sommet, il devient donc urgent de supporter nos camarades arrêtéEs et le comité légal les supportant, en exigeant, comme le fait la Ligue des droits et libertés : l'abandon des procédures pour toutes les personnes inculpées ou accusées ; la destruction des fichiers de toutes les personnes arrêtées qu'elles aient fait ou non l'objet de poursuites ; la reconnaissance publique par les autorités concernées de la violation des droits fondamentaux ; le dédommagement pour les préjudices matériels et moraux subis. Il faut aussi la constitution rapide d'une commission publique d'enquête sur les agissements de la police et finalement l'interdiction totale de l'utilisation des balles de caoutchouc au pays.

Campagne contre le libre-échange et la mondialisation du capital

La lutte contre la ZLÉA doit être continuée et liée à celle contre le FMI et la Banque Mondiale, l'OMC, le G8 et l'OTAN. Il ne faut pourtant pas tomber dans une dynamique activiste de course d'un sommet à l'autre, mais plutôt ancrer la lutte mondiale dans les réalités locales. Il faut aussi mener un long travail d'éducation populaire radical et accessible sur les enjeux, conséquences et alternatives à la mondialisation.

La question démocratique est un angle intéressant pour faire éclater à la face de touTEs le caractère régressif des rencontres économiques mondiales. Contre la ZLÉA, l'idée d'un référendum pan-américain permettrait un vaste débat sur la question, mais une disproportion des moyens que nous avons face à l'État et le patronat limite fortement les possibilités d'un débat à forces égales.

À court terme, la prochaine grande étape importante est la rencontre du FMI et de la Banque mondiale, à Washington les 2-3 octobre, qui permettra de réfléchir sur la question de l'annulation des dettes des pays du Tiers Monde. De plus, la lutte contre l'OMC, culminant en novembre cette année, devrait permettre de développer une analyse critique de l'AGCS (GATS), l'Accord général sur le commerce des services. Cet accord visant la privatisation forcée des services publics est peu connu au Québec. Finalement, l'année 2001-2002 devrait culminer par le G8 en Alberta, dont la campagne devrait porter sur les alternatives à présenter face à la mondialisation néolibérale (alternatives déjà défendu de façon autonome par certains groupes):
· L'abolition des dettes des pays du Tiers-Monde
· L'instauration d'une taxe sur les transactions internationales (ex :Taxe Tobin)
· L'abolition des paradis fiscaux
· L'annulation du Plan Colombie
· L'abolition de l'ALENA, la ZLÉA, l'APEC, l'OMC, le FMI, la Banque Mondiale et l'OTAN

Certaines luttes internationalistes doivent aussi nous animer : la dénonciation de l'impérialisme militaire (américain et de l'OTAN) avec le Plan Colombie, les guerres des Balkans, l'embargo contre l'Irak, l'oppression israélienne contre les Palestiniens. L'appui des luttes autochtones doit aussi être développé.

Une lutte concrète : la campagne pour le réinvestissement massif dans les programmes sociaux / contre les privatisations

La lutte à la mondialisation de la misère doit être articulée aux luttes nationales et locales déjà en cours, ou, si l'on préfère, il faut savoir comment enraciner un mouvement qui vole d'un sommet à l'autre. Pensons aux luttes concrètes sur le salaire minimum, la syndicalisation des Mc Do, les mises à pied massives (Bell, Nortel, Air Canada), ou les différentes luttes écologistes (eau, air, forêt). Ces luttes doivent être supportées par la mouvance antimondialisation des marchés offrant une contribution théorique sur l'origine commune des problèmes combattus et les méthodes pratiques de lutte originale et festive, ce qui peut faire la différence.

Plus encore que ces luttes sectorielles, la lutte pour le réinvestissement massif dans les programmes sociaux et contre les privatisations peut faire office de suite nationale au Sommet. En effet, elle peut unifier les différentes luttes sectorielles (éducation, santé, lutte à la pauvreté, logement social, équité salariale, écologie, financement autonome des groupes populaires…) dans un vaste front commun sur des objectifs clairs et mobilisateurs (les conséquences négatives des coupures et privatisations étant connues et comprises par la majorité). De plus, une ouverture sur la fiscalité (des riches et des entreprises, les paradis fiscaux, etc.) et sur la gestion démocratique des services publics peut mener à une politisation radicalisante des personnes impliquées dans ou sympathisantes au réinvestissement.

Situation du mouvement social québécois

Le contexte de montée des luttes lié aux mobilisations historiques contre le Sommet et pour la Marche mondiale des femmes offre certaines possibilités de recomposition du mouvement social et politique québécois.

Du côté du RQIC, la radicalisation du Sommet des peuples risque d'avoir un effet positif, mais le poids des centrales syndicales risque de ramener le réseau au rythme lent d'avant le Sommet, celui-ci redevenant alors une coalition thématique parmi tant d'autres (coalition sur l'aide sociale, l'assurance-chômage, le Collectif d'élimination de la pauvreté, etc.). Nécessaires, avec leur million de membres, pour créer la masse critique capable de renverser les politiques néolibérales, les centrales sont menées par des directions qui veulent perpétuer leur stratégie de concertation (avec le PQ ou dans l'OIT) et ne pas dresser de bilan critique du Sommet. Ainsi, la fin de la concertation avec le PQ, la création d'un front commun mobiliseur et combatif, particulièrement pour un réinvestissement massif dans les programmes sociaux / contre les privatisations, contre la ZLÉA et pour la syndicalisation des jobs précaires, sont des enjeux sur lesquels la gauche syndicale (malheureusement mal organiséee) se confrontera à la bureaucratie encore à la direction. En attendant, certains syndicats indépendants et sections locales des centrales plus à gauche, à l'aide d'un forum intersyndical solide, pourraient accentuer la politisation et la mobilisation que le Sommet a amorcées, en critiquant les directions et en travaillant concrètement en lien avec le mouvement populaire et étudiant.

La Table de convergence, par le sommet, et les coalitions régionales (et la CASA-CLAC dans une moindre mesure), par la base, risquent d'être, à court terme, les lieux où le mouvement social et politique plus combatif pourra conjuguer ses efforts dans luttes locales et mondiales. Des liens entre les deux premiers et Solidarité Populaire Québec (SPQ), qui réunissait à peu près tout le mouvement social québécois sauf les centrales syndicales, qui viennent de partir, pourraient être fructueux.



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