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Histoire populaire : Le squat d'Overdale n'était pas le premier au Québec

vieuxcmaq, Jeudi, Août 2, 2001 - 11:00

Bernard Vallée (abc@defg.hij)

Pour situer socialement et politiquement ces squatters, les médias ont pertinemment fait référence aux mouvements d'occupation d'immeubles désaffectés en Europe. Mais en fouillant leurs propres archives montréalaises, ils auraient pu trouver d'autres exemples de squats qui, comme celui de la rue Overdale, ont voulu et ont réussi à alerter l'opinion publique sur la crise du logement et forcer les pouvoirs publics à assumer leurs responsabilités dans le domaine du logement social

Squatters: des précédents

Depuis quelques jours, à l'appel du Comité des sans emploi, plusieurs dizaines de personnes occupent un édifice patrimonial de la rue Overdale dans l'ouest du centre-ville, immeuble rescapé d'une opération brutale d'expulsion et de démolition des années 1980. Ces squatters dénoncent la pénurie de logement et exigent la construction de logements sociaux. Pour situer socialement et politiquement ces squatters, les médias ont pertinemment fait référence aux mouvements d'occupation d'immeubles désaffectés en Europe. Mais en fouillant leurs propres archives montréalaises, ils auraient pu trouver d'autres exemples de squats qui, comme celui de la rue Overdale, ont voulu et ont réussi à alerter l'opinion publique sur la crise du logement et forcer les pouvoirs publics à assumer leurs responsabilités dans le domaine du logement social.

Rue Saint-Norbert

Le 1er août 1975, un groupe de citoyens montréalais commençaient l'occupation de 49 logements de la superbe petite rue Saint-Norbert. Ces squatters voulaient empêcher la démolition de cette rue par la Ville de Montréal. Celle-ci prétendait avoir besoin du terrain pour aménager une cour de voirie municipale entre les rues Saint-Dominique et de Bullion, au sud du couvent du Bon-Pasteur. Les locataires, personnes âgées et étudiants à faibles revenus, avaient été expulsés à la suite de l'expropriation de la rue.

Pendant près d'un mois, les occupants, soutenus par le Comité logement Saint-Louis et appuyés par Sauvons-Montréal, le RCM et de nombreux groupes populaires, réussirent à mobiliser l'opinion publique autour de la crise du logement et des démolitions massives effectuées par ou avec la bénédiction de l'administration Drapeau (on évalue aujourd'hui à près de 40000 le nombre de logements détruits entre 1965 et 1975).

Après la démolition de la rue, qui s'effectua à la fin août, et comme l'avait prévu le Comité de lutte de la rue Saint-Norbert, la Ville n'entreprit aucun aménagement d'une cour de voirie, ce qui était prévisible vu la forte pente du terrain. Elle mit celui-ci en réserve pendant plus de vingt ans et l'on y trouve aujourd'hui des condos luxueux, comme l'avaient prédit les occupants en 1973.

Par contre, on doit souligner que cette action, ajoutée à toutes celles qui virent des citoyens s'opposer vigoureusement et avec éclat au saccage de l'espace et du patrimoine urbain par l'administration municipale et les promoteurs immobiliers, secoua l'inertie des leaders d'opinion face à l'incroyable mépris de l'administration municipale pour les citoyens et sensibilisa la population aux enjeux du développement urbain. Ces actions directes donnèrent également des arguments à ceux qui, au sein de l'appareil municipal et dans l'opposition, voulaient imprimer une volonté de changement sur les politiques de logement et de conservation du patrimoine. Il est certain que ce puissant mouvement d'éducation populaire et d'action collective urbaine fut un des facteurs qui permirent de faire entrer l'opposition progressiste à l'hôtel de ville et d'abattre plus tard l'odieux régime "de copains, de coquins et de requins" du Parti civique.

Le mouvement de 1946-1947

Tels que recensés dans le livre de Marc H. Choko, intitulé "Crises du logement à Montréal" (Éditions coopératives Albert Saint-Martin, Montréal, 1980), voici d'autres exemples de sqatts que Montréal a connus.

Le 27 octobre 1946, trois familles de vétérans de la guerre occupent illégalement le 4509, rue Saint-Denis, une ancienne barbotte. Une quinzaine de taxis "Vétérans" manifestent leur appui en bloquant la circulation à l'angle de Saint-Denis et Mont-Royal. Trois jours auparavant, une autre occupation s'était amorcée dans une autre maison de jeu clandestine au 2054, rue McGilI.

En novembre, trois autres familles occupent un logement au 5139 rue Décarie, et le 7 novembre, 18 familles (80 personnes, y compris 45 enfants) occupent les baraquements militaires de l'île Sainte-Hêlène. Le 4 juin 1947, quatre familles occupent l'Hôpital militaire Jacques-Cartier désaffecté et une baraque militaire à Longueuil. Ces événements, qui vont faire la manchette des journaux pendant plusieurs mois, et dans tout le Canada, sont organisés par la Ligue des vétérans sans logis et son dirigeant, le communiste Henri Gagnon.

Pendant plusieurs mois, en 1946 et en 1947, un groupe d'environ 70 familles (300 personnes environ) vont occuper à divers moments près de 80 bâtiments désaffectés, des tripots clandestins, ou plus rarement, des baraquements militaires. Les autorités sont dans l'embarras, d'autant plus que les squatters se disent prêts à payer leur loyer, et qu'ils payent leur électricité!

La Deuxième Guerre mondiale vient de finir. À Montréal, c'est la pire pénurie de logements jamais vécue. Pendant la Grande dépression des années 1930, la construction résidentielle avait quasiment été arrêtée. À cause de leur pauvreté, plusieurs familles s'entassaient dans des logements vétustes et trop petits. Pendant la guerre, tous les matériaux étant rationnés pour l'effort de guerre, la construction ne reprit pas. Et la guerre, en stimulant l'activité industrielle, avait attiré en ville de nombreux travailleurs et travailleuses des campagnes. À Montréal, de 1940 à 1945, la population augmenta de 65000 personnes, et le nombre de logements vacants tomba à zéro... Les familles s'entassaient encore plus; 40% des logements sont occupés par plus d'une famille; 1400 familles logent dans des entrepôts; on voit jusqu'à 10 familles se partager une maison de 10 pièces, avec une seule salle de bains. Les experts estimaient qu'en 1943 il manquait 14 500 logements.

Le gouvernement fédéral mit sur pied une société d'État, la Wartime Housing, pour construire des maisons qu'on voulait temporaires pour loger principalement les ouvriers à proximité des industries de guerre: c'est la première vague de construction (1941-1945).

À la fin de la guerre, lorsque vétérans, combattants et prisonniers rentrent chez eux, nombreux sont ceux qui cherchent vainement à se loger avec leur jeune famille. Le gouvernement se rend compte que le problème du logement qu'il avait cru temporaire semble vouloir devenir chronique. On estime alors qu'il va falloir construire 16400 logements immédiatement et 50000 de plus avant 1950 pour répondre aux besoins!

Les propriétaires, eux, profitent: les loyers grimpent et l'on doit "acheter sa clé", ou acheter les vieux meubles fournis. Les familles avec enfants subissent de la discrimination. La pénurie de logements est totale.

Les gouvernements ne bougent pas. S'organise alors un regroupement, la Ligue des vétérans sans logis, qui va mener un mouvement de pression à l'aide d'actions originaIes, qui vont recevoir l'appui de l'opinion publique qui préfère voir des immeubles occupés par des sans logis plutôt que par des tripots ou que de rester désaffectés. (...)

Certains peuvent regretter que l'on doive souvent poser des gestes d'éclat illégaux, bien que pacifiques, pour faire avancer les causes sociales. Mais l'histoire nous montre qu'on ne serait pas rendu très loin dans la conquête d'une pleine citoyenneté et le respect des droits fondamentaux comme celui du logement, si les citoyens avaient attendu sagement la réalisation des promesses d'élection.

L'auteur fut un des responsables de l'occupation de la rue Saint-Norbert, en 1975.

(piqué au site de La Presse - 2 août 2001)



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