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Humaniser le Capital: l'impossible pari de la sociale-démocratie

vieuxcmaq, Mardi, Avril 3, 2001 - 11:00

Mathieu Houle-Courcelles (mathieuhc@hotmail.com)

Au fur et à mesure que se rapproche l'échéance du Sommet des Amériques, la gauche institutionnelle abat ses dernières cartes. Le jeu auquel se livrent les directions des centrales syndicales et certaines grosses ONG relève plus d'une stratégie de relations publiques que d'une réelle opposition politique à la ZLEA. Le résultat est mitigé: pendant que ces groupes trouvent des appuis inattendus du côté de l'intelligentsia politicienne et mass-médiatique, ils se coupent de leur base militante et se dissocient de plus en plus ouvertement des "casseurs" et des "anarchistes" qui entendent bien jeter un peu de désarroi dans le show hyper planifié prévu à Québec au mois d'avril.

Au fur et à mesure que se rapproche l'échéance du Sommet des Amériques, la gauche institutionnelle abat ses dernières cartes. Le jeu auquel se livrent les directions des centrales syndicales et certaines grosses ONG relève plus d'une stratégie de relations publiques que d'une réelle opposition politique à la ZLEA. Le résultat est mitigé: pendant que ces groupes trouvent des appuis inattendus du côté de l'intelligentsia politicienne et mass-médiatique, ils se coupent de leur base militante et se dissocient de plus en plus ouvertement des "casseurs" et des "anarchistes" qui entendent bien jeter un peu de désarroi dans le show hyper planifié prévu à Québec au mois d'avril.

La position du Réseau québécois sur l'intégration continentale (RQIC) à propos de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) est pour le moins ambiguë. Elle tient en trois grandes revendications: nous ne sommes pas contre la mondialisation des marchés, mais bien contre la ZLEA dans sa version actuelle; nous souhaitons que cet accord de libre-échange puisse inclure des clauses sociales protégeant l'environnement, les conditions de travail et l'exercice de nos droits démocratiques; nous voulons être consulté au même titre que les hommes d'affaires de l'Americas Business Forum (ABF). Ce programme réformiste a l'avantage de ne pas être trop difficile à défendre face à "l'opinion publique", c'est-à-dire devant les médias de masse. En choisissant de mettre l'emphase sur l'absence de "transparence" du processus et la nécessaire "participation de la société civile" aux négociations, leur campagne sur la ZLEA ne remet pas fondamentalement en question les idées reçues concernant le libre-échange. Plus transparente et accueillante aux suggestions des groupes de pression, la ZLEA serait-elle acceptable pour autant?

La principale "qualité" de ces positions demeure leur pragmatisme: elles peuvent raisonnablement s'inscrire dans le cadre du Sommet des Amériques en restant acceptables aux yeux de certains libéraux modérés. Ainsi, les éditorialistes du "Globe and Mail" (Toronto), du "Soleil" (Québec) et du "Devoir" (Montréal) donnent globalement leur appui aux revendications du RQIC et au prochain "Sommet des Peuples": il faut démocratiser la mondialisation des marchés le plus rapidement possible pour la rendre légitime aux yeux de la population. Il s'agit d'un retournement par rapport à la situation qui prévalait au moment des événements de Seattle. Depuis le mois de novembre 1999, les mass médias ont retransmis des images venant des quatre coins du monde montrant qu'une opposition populaire, adoptant un discours et une pratique venant rompre avec l'habituel ronron de la politique officielle, prenait la rue pour dénoncer le nouveau visage du capitalisme: la mondialisation des marchés. Ce mouvement diversifié et pluraliste, débordant largement l'influence des groupes établis, manifeste bruyamment chaque fois que la caravane de l'économie de marché s'arrête en ville. Cette autonomie radicale commence à inquiéter de nombreux observateurs éclairés: quel soulagement de voir des groupes plus "responsables" prendre le relais en cherchant à récupérer une partie de ce mouvement en éveil, comme c'est notamment le cas du Nouveau Parti Démocratique (NPD) au Canada. Pur opportunisme? C'est plutôt une question de survie pour la gauche du Capital.

Cette crise de la sociale démocratie est liée de près avec celle de l'État providence, durement mis à l'épreuve depuis la signature des premières ententes de libre-échange à la fin des années '80. A l'époque, des membres du RQIC (la CSN, la FTQ et la CEQ) s'étaient opposés à l'accord de libre-échange canado-américain (ALE) avec beaucoup de véhémence au nom de la protection des acquis sociaux. Mais sans véritable projet mobilisateur, les syndicats et les autres groupes engagés dans cette lutte restèrent sur la défensive. Leur rejet du libre-échange était fondé sur le statut quo, alors que les milieux d'affaires offraient la croissance économique et la création d'emplois comme rêve en pâture pour l'opinion publique. Nous connaissons l'issue du combat: une fois adopté, ce premier accord de libre-échange a permis de restructurer l'économie et la société canadienne en fonction des intérêts de l'entreprise privée, mais au détriment de nos conditions de travail, de l'environnement et des programmes sociaux.

Au début des années '90, lors des négociations sur l'accord de libre-échange nord-américain (ALENA), les mouvements sociaux se lancèrent une fois de plus dans la bataille contre cette nouvelle offensive patronale, mais avec plus de "nuances" que par le passé. Exit le rejet pur et simple du programme néolibéral: bienvenue aux "clauses sociales" protégeant les emplois et l'environnement. C'est en considérant les conséquences néfastes du premier accord que ces groupes proposèrent d'inclure dans le texte de l'ALENA des dispositions faisant prévaloir le respect des normes du travail sur la liberté du commerce. En bout de ligne, ils n'obtinrent que de maigres accords parallèles sur ces enjeux, sans véritable portée ni pouvoir particulier pour faire respecter leurs dispositions. Pendant ce temps, les investisseurs obtenaient avec les chapitres 10 et 11 de l'ALENA une protection inégalée qui allait faire l'envie des patrons du monde entier.

Ces deux défaites expliquent en partie les positions actuelles du RQIC et de Common Frontiers (son homologue canadien), caractérisées par un louvoiement constant face au pouvoir. Leur critique du libre-échange est constamment réajustée en fonction de leurs chances d'obtenir enfin quelque chose du gouvernement. Idéalement, plusieurs groupes souhaitent accéder aux tables de négociations comme interlocuteurs officiels de la population auprès des Chefs d'États impliqués dans le processus de la ZLEA, au même titre que les hommes d'affaires membres de l'ABF. Cette stratégie a des chances d'aboutir à un résultat tangible: le gouvernement canadien commence à sentir la soupe chaude et cherche une façon commode de redonner à ses projets libre-échangistes leur semblant de légitimité aux yeux de "l'opinion publique". Démocratiser la mondialisation, l'enjeu est de taille pour un gouvernement centralisateur et autoritaire qui a du mal à convaincre la population de sa bonne foi. Peut-être jugera-t-il politiquement rentable de se trouver de nouveaux alliés parmi les membres de Common Frontiers ou du RQIC afin de donner aux nouveaux habits du capitalisme ce qu'il faut d'ouverture aux "propositions constructives" de la "société civile" pour faire taire les critiques.

Ce processus de récupération politique a d'ores et déjà commencé. Des représentants du RQIC négocient en privé avec Pierre Pettigrew (Ministre des affaires étrangères), John Manley (Ministre du commerce international) et Marc Lortie (diplomate de carrière chargé de la planification du Sommet des Amériques) les modalités d'une entente commune. Cette déclaration permettra-t-elle au gouvernement fédéral de faire bonne figure en matière de démocratie? Une chose est sûre: la "société civile" obtient des centaines de milliers de dollars pour son Sommet des Peuples et entrevoit la possibilité de gagner un statut à la hauteur de ses ambitions. Ce marchandage entre interlocuteurs "responsables et démocratiques" n'est pas sans soulever beaucoup de questions, notamment à l'intérieur de certains groupes membres du RQIC où une opposition commence à prendre ses distances par rapport à cette stratégie de collaboration avec le pouvoir.

Humaniser le Capital? Démocratiser ses initiatives? C'est le vieux fond de commerce de l'État-providence qu'on utilise une fois de plus pour canaliser l'opposition à la mondialisation des marchés vers des voies sans issues. Plutôt que de renouveler leur discours et d'adopter une pratique plus militante, les membres du RQIC et de Common Frontiers s'enfoncent dans le lobbying tous azimuts. Se souciant avant tout d'être "réalistes" aux yeux de "l'opinion publique", ces coalitions se limitent à proposer des ajustements aux accords de libre-échange au lieu de questionner les fondements de la logique d'accumulation du Capital. De plus en plus de personnes ne sont plus dupes face à l'hypocrisie et au conformisme de ce jeu de politiciens. Quoi qu'en pensent certains, la ZLEA est tout à fait "transparente": elle est un maillon de nos chaînes qu'il faut apprendre à déconstruire pour commencer à parler collectivement de liberté. Attendrons-nous d'avoir le texte de cet accord pour manifester clairement notre opposition aux principes mêmes du libre-marché? A force d'utiliser un langage compatible avec celui du pouvoir, on fini par oublier la nature du système qui a mis au monde de pareils mécanismes de destruction sociale.



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