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CONGO/BUKAVU: L'EROSION AGGRAVE ENCORE LA CATASTROPHE HUMANITAIRE

vieuxcmaq, Mardi, Avril 3, 2001 - 11:00

YORO ZORIANA (yoro.zoriana@club.lemonde.fr)

Comment la SOCIETE CIVILE de Bukavu peut-elle faire face à l'érosion, lorsqu'elle s'additionne à l'état de délabrement total dans lequel est plongé l'Est du Congo depuis 1996, lorsque la guerre s'est installée en système ?
L'érosion de Kadutu, et à plus large échelle la destruction des infrastructures économiques, sanitaires et éducatives ainsi que le déplacement massif de populations ne doit-il pas faire aussi appel à notre responsabilité de citoyens du premier monde, celui d'où partent tant de décisions dont dépend le tiers monde ?

BUKAVU: L'EROSION AGGRAVE ENCORE LA CATASTROPHE HUMANITAIRE

Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis mon précédent passage à Bukavu, il y a six mois. L'expression n'est pas tout à fait bien choisie. De l'eau, il y en a partout, des ponts, pas beaucoup. L'étranger s'étonne toujours quand il arrive à Bukavu, de cet exercice d'équilibre quotidien pour les piétons qui tentent, tant bien que mal, de ne pas s'étaler dans la boue. Les sentiers qui relient les différentes collines sont de véritables patinoires, et les rues sont généralement recouvertes de boues, à tel point qu'un des ronds-points central autrefois nommé le rond point du 24 novembre a été rebaptisé place des 35 cm de boue.

Mais il y a pire : la ville est entrain de s'écrouler par pans entiers sous l'effet de l'érosion. Chaque semaine, des familles perdent leur maison, des gens sont enterrés vivants, des routes disparaissent, emportées par les eaux. Un endroit où passait il y a six mois une route en goudron a laissé place, trois mètres plus bas à un véritable torrent. Une maison toujours occupée surplombe déjà le précipice de 7 m creusé par l'eau. Des infrastructures publiques sont menacées : écoles, universités, centres de production de médicaments, couvents, centres pastoraux. L'érosion prend les proportions d'une véritable catastrophe, seule la durée du phénomène, étalé sur plusieurs années en occulte la gravité, alors même qu'ici une action urgente a des chances de sauver beaucoup plus de gens.

Comment en est-on arrivé là ? Les quartiers les plus populaires, comme Kadutu, ont connu une spéculation à outrance sur les terrains, menant à une occupation anarchique de la colline. Aucun investissement n'a été fait par l'Etat pour la canalisation des eaux. Dans le même temps, la situation de guerre voyait la pression démographique sur la colline s'accroître dangereusement et obligeait la société civile à se pencher d'abord sur l'aide humanitaire aux déplacés, l'empêchant d'envisager des travaux d'infrastructure. Aujourd'hui, plus de 200 000 personnes vivent dans des quartiers voués à la disparition, mais s'accrochent désespérément à cette colline, dans un dénuement total. (La société civile est un organe structuré regroupant différents organismes actifs dans la société: ONG locales, églises, syndicats, associations, etc., dont les représentants se réunissent régulièrement.)

Comment peut-on faire face à ce problème, lorsqu'il s'additionne à l'état de délabrement total dans lequel est plongé l'Est du Congo depuis 1996, lorsque la guerre s'est installée en système ? La ville avait depuis longtemps pris l'habitude de se débrouiller malgré l'Etat : un Etat prédateur qui n'investit pas mais plutôt qui fait obstructions aux différentes initiatives de développement venant de la base, de la société civile, et de divers organismes d'Eglises. Comme nous l'explique un responsable de la société civile: "Depuis les deux guerres de libération-occupation, l'Etat - aujourd'hui dans les mains du RCD , téléguidé par le Rwanda - n'est plus seulement prédateur mais aussi destructeur. Le contrôle du Rwanda s'est renforcé sur les administrations, par un remplacement systématique des responsables par des gérants pro-rwandais, essentiellement banyamulenge. Les recettes douanières et les métaux précieux sont régulièrement acheminés vers le Rwanda. De nouvelles taxes sur les routes ont été instaurées, alors que l'on ne fait rien pour les entretenir."

Mais alors que cette saignée empêche tout redressement économique et toute initiative de sauvegarde de l'environnement, des actions destructives sont également organisées. Une enquête de la société civile montre comment autour de Bukavu, les nouveaux contingents arrivés du Rwanda, ont systématiquement attaqué des infrastructures sociales tels que dispensaires, écoles, hôpitaux, paroisses,
provoquant des déplacement importants de populations, imputés ensuite aux interahamwe par les officiels du RCD. Trop occupés à se remplir les poches, construisant sur tout le littoral du lac Kivu de splendides villas, les officiels du RCD n'ont encore rien présenté pour lutter contre l'érosion. Lorsqu'en Janvier, une équipe de sénateurs américains a voulu rencontrer la société civile, les autorités locales les ont tout simplement empêché de sortir de leur véhicule. Chez notre interlocuteur de la société civile, une lassitude et un sentiment de découragement face à la situation se dégagent : «Nous en avons encore pour longtemps. Nous attendions la visite d'un collectif d'associations italiennes qui avait l'intention d'organiser ici, une grande rencontre pour réfléchir sur la situation et y apporter des réponses non-violentes. L'action s'appelait Anch'io a Bukavu. Tout a été bloqué par le Rwanda.

Finalement, le voyage a été fait, mais à Butembo, région du Nord Kivu sous contrôle Ugandais.» Un intellectuel, représentant d'un centre de consultance nous explique pourquoi les ONG locales ne reçoivent plus un franc de l'étranger : «les relais étrangers de la société civile sont paralysés, soit parce que le RCD bloque toute initiative, soit parce que l'Est du Congo étant occupé, aucun fonds ne peut être donné par des organismes publics tant nationaux que venant de la Communauté Européenne ou des Nations Unies, sauf pour l'aide alimentaire et médicale. Nous ne pouvons donc plus compter sur les financements importants bilatéraux ou multilatéraux ; et les travaux d'infrastructure qui pourraient sauver Kadutu, bien que très urgents, ne sont pas une priorité pour eux.» Après la mort de Monseigneur Kataliko, on semble ici avoir touché le fonds. «Notre sentiment, disait un jeune prêtre, c'est que l'opinion internationale fait la sieste.»

Pourtant il reste une volonté et une énergie forte dans les mouvements associatifs pour organiser la sauvegarde de l'environnement et préserver l'avenir, en formant les jeunes. Le responsable de la Caritas nous explique qu'ils ont pu, ces cinq dernières années construire une école dans chaque paroisse du diocèse. «Même si on peut nous prendre pour des fous de construire en temps de guerre, il est primordial de sauvegarder la formation, qui permet de garder l'espoir aux parents, et d'espérer une sortie du tunnel.» Sur l'île Idjwi un programme a été mis en route il y a quelques années pour aider les enfants à payer leur minerval. «Nous avons demandé à chaque enfant de faire dans son jardin une pépinière d'arbres, qui devaient ensuite être replantés en bordure des routes et comme barrières anti-érosives dans les champs à flanc
de colline. Pour chaque arbre, les enfants recevaient 2 francs belges, versés directement au compte de l'école pour payer leur minerval.» Ce programme a eu un énorme succès auprès des enfants, et a également largement contribué à la lutte anti-érosive à Idjwi.

Face aux graves problèmes humanitaires créés et perpétués par la guerre, le déplacement des populations, l'incapacité de gérer les problèmes environnementaux, de répondre aux besoins de santé et d'éducation, il est temps de remettre les responsables politiques tant du Nord que du Sud devant leurs responsabilités. Si il est normal de se mobiliser pour aider les victimes d'une catastrophe naturelle, nous devons d'autant plus nous attaquer aux drames créés par l'homme lui-même. Une étude récente faite par des chercheurs belges montre qu'une partie important de l'aide de la communauté européenne au Rwanda passe dans l'armement . Une autre étude faite par des organisations humanitaires estime le nombre de morts dus à cette guerre à plus de 1,7 millions de personnes. L'érosion de Kadutu, et à plus large échelle la destruction des infrastructures économiques, sanitaires et éducatives ainsi que le déplacement massif de populations ne doit il pas faire aussi appel à notre responsabilité de citoyens du premier
monde, celui d'ou partent tant de décisions dont dépend le tiers monde ? Et comme le disait ce jeune prêtre : «Combien de temps encore faudra-t-il pour que l'opinion publique européenne sorte de sa sieste ?»

Marche pour la paix au Kivu
www.unimondo.org/bukavu


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