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L'Amérique aux Américains

vieuxcmaq, Samedi, Mars 24, 2001 - 12:00

Nicolas Binette (nicbin@bargitophene.com)

La thèse ici soutenue est que la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) proposée par l'Organisation de États américains (OÉA), bien plus que la simple continuation logique du libre-échangisme (ALÉ/ALÉNA), est aussi la prochaine étape dans le processus d’américanisation de l’Amérique toute entière.

Mots-clés: ZLÉA, Sommet des Amériques, États-Unis d'Amérique, annexion, Union Européenne, Euro, Dollar américain.

Le 11 mars 2001, en direct de Québec.

La thèse ici soutenue est que la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) proposée par l'Organisation de États américains (OÉA), bien plus que la simple continuation logique du libre-échangisme (ALÉ/ALÉNA), est aussi la prochaine étape dans le processus d’américanisation de l’Amérique toute entière.

La tendance expansionniste des États-Unis ne date pas d’hier. La seule sémantique nous l’indique clairement. En se baptisant États-Unis d’Amérique, les congressistes avaient déjà, lors de la déclaration d’Indépendance de 1776, cette idée derrière la tête d’étendre leur règne à tout le continent, sans même s’en cacher d’ailleurs. L’Amérique, c’était eux, les Américains. La tendance s’est confirmée par la suite, les États-Unis décrivant une expansion territoriale constante (annexion de la Louisiane (1803), la Floride (1819), l’Oregon (1846), le Texas, le Nouveau-Mexique et la Californie (au terme de la guerre avec le Mexique de 1846-1848), puis l’Alaska (acheté aux russes en 1867) et Hawaii (1898), établissement d’un protectorat sur Cuba, Porto Rico et les Philippines (1898), prise de contrôle de Panamá (1903)), expansion qui ne sera stoppée qu’avec le krach de Wall Street, en 1929 (lequel obligera toutefois l’abandon de Cuba, du Porto Rico et des Philippines).

Dès le début du XIXe s., il fallut admettre la supériorité de l’industrie des États-Unis, cette ancienne colonie qui, ayant hérité d’une version épurée de l’impérialisme européen, connaissait une croissance économique fulgurante. Aussi, il devint assez vite unanime que les autres colonies d’Amérique (dont le Canada) lui seraient un jour ou l’autre annexées, et cette croyance dura longtemps. En 1888, Engels visitait l’Amérique du Nord, et, de passage au Canada, écrivait : « Dans dix ans, ce Canada à demi endormi sera mûr pour l’annexion, et les fermiers du Manitoba, etc., la réclameront d’eux-mêmes. De toute façon, le pays est déjà annexé sur le plan social : les hôtels, les journaux, la publicité, etc., tout cela se fait sur le modèle américain. »(1). Ce qui, malgré l’erreur de pronostic, conserve sa part de vérité. L’idée d’une fusion du Canada aux États-Unis ne s’est pas complètement évanouie depuis. Eisenhower disait, presque 70 ans plus tard, qu’il n’y aurait qu’à « cueillir le fruit lorsqu’il sera mûr ».

Europe : laboratoire politique américain
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L’économie mondiale en pleine mutation du début du XXe s. (et conséquemment le krach de 1929) finit par freiner l’Amérique sur son élan. L’économie américaine ne reprendra sa cadence que très lentement. L’impérialisme ne suffit plus, il faut développer d’autres méthodes.

C’est la guerre de 1939-1945 qui redonnera aux États-Unis leur second souffle, sortis grands vainqueurs de cette guerre, avec en prime une économie qui bat son plein. En 1948, le plan Marshall, « d’une très grande importance, tant par sa portée politique que par la générosité, sans précédant dans l’histoire, dont il témoigne »(2), est destiné à reconstruire l’Europe d’après-guerre et à relever l’économie européenne (tout en s’assurant l’ouverture sur d’importants marchés). Plusieurs alliances européennes, militaires ou non, vouées à neutraliser l’Allemagne (la Société des Nations, les Nations Unies, les Traités de Dunkerque et de Bruxelles, etc.) évolueront jusqu’à 1949, avec le concours important des États-Unis, en faveur de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) (et à ce stade, la « menace » ne sera plus allemande, mais soviétique). L’interventionnisme américain en Europe, autant sur une base économique que militaire, permettra aux États-Unis de modeler tant bien que mal la nouvelle Europe, jusqu’à ce que l’Union Européenne voie finalement le jour.

Les États-Unis tireront, au fil de leurs interventions non seulement en Europe, mais aussi dans de nombreux pays du monde, une riche expérience de l’économie politique et des engrenages du néolibéralisme. Expérience qu’ils se garderont bien de ne pas mettre en pratique chez eux.

Préparer le terrain pour la Grande Amérique
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Pendant tout ce temps, l’expansionnisme américain n’a pas été relégué aux calendes grecques, tout au contraire : on préparait tranquillement le terrain. Entre autres, l’Union panaméricaine devient en 1948 l’Organisation des États américains (OÉA), regroupant initialement 21 pays membres (le Canada n’y adhérera étrangement qu’en 1990). L’OÉA compte aujourd’hui 34 pays membres, soit tous les pays des Amériques exception faite de Cuba, et est responsable des Sommets des Amériques(3). Ces Sommets cadrent dans la mission de l’établissement d’une Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA), synthèse à l’échelle continentale de dizaines d’autres accords commerciaux régionaux, plus ou moins fructueux, que le dernier siècle a vu naître. L’espace n’est pas ici suffisant à l’analyse détaillée des implications et enjeux de cette future Zone, mais il serait néanmoins appropriée d’établir un certain tracé des tendances qui sont à sa souche.

Le scénario américain correspondra, en certains aspects, à celui de la formation de l’Union Européenne. Mais cette fois, il ne sera pas question de commettre les mêmes erreurs, et certaines futilités ne seront pas nécessaires. Par exemple, on omettra la création d’une instance supérieure de gouvernement, ce qui évitera de s’embourber dans une certaine « lenteur » inhérente à la démocratie. Contrairement à l’Europe, les Amériques disposent déjà d’une Union (et ce depuis belle lurette : les États-Unis d’Amérique) et, par conséquent, d’une monnaie américaine. La force économique des Amériques, contrastant totalement avec le schéma européen, est fortement centralisée aux États-Unis. On peut s’attendre à ce que le dollar américain, sans pourtant échapper à la juridiction des États-Unis, se fraye un chemin, à moyen terme, dans tous les pays membres de l’OÉA(4). Rappelons qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser le dollar U.S. comme tel, qu’il est fort probable que les diverses monnaies, afin de faciliter les opérations financières et de donner force et cohésion face au marché mondial (et face à l’Euro), soient simplement indexées sur le dollar américain, du moins dans un premier temps.

Le modèle de l’unification américaine a donc nettement évolué en deux siècles. L’annexion pure et simple de nouveaux territoires aux États-Unis n’est plus une urgence. On travaille dorénavant sur l’annexion économique et politique des différents états : sur la subordination de leur développement à celui des États-Unis. Une fois que les particularités économiques et politiques de chacun des pays des Amériques se seront estompées, lorsque toutes leurs économies, déréglementées, se seront effectivement libéralisées, le poids des gouvernements s’en trouvera neutralisé. On assistera alors à une « annexion » graduelle et naturelle de tous les pays à la Grande Amérique. Cette méthode présente l’avantage de permettre un contrôle du développement des marchés, sans avoir à s’embêter avec la gestion de la démocratie de toutes les nations impliquées (ni à adopter l’espagnol comme langue nationale!). Les supposées préoccupations environnementales ou sociales scandées par l’OÉA ne sont évidemment que des alibis, servant avant tout, en bout de ligne, la cause États-Unienne plutôt que celle des plus démunis.
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Notes:

(1) Friedrich Engels, dans Marx et Engels, La guerre civile aux États-Unis, collection 10-18, 1970. P. 281.

(2) Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, quatrième édition, Paris 1956. P. 8.

(3) Miami 1994, Santiago (Chili) 1998, et (bientôt) Québec 2001.

(4) Le Salvador a adopté récemment le dollar américain, et d'autres pays d'Amérique latine s'engagent dans cette voie. Aussi, on parle de plus en plus d'un indexation du dollar canadien à l'américain, certaines hypothèses fixant le délai
entre 10 et 20 ans.

Dossier Mondialisation de Bargitophène Co/Nicolas Binette


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