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Sommet anti-peuples : Quatre raisons de descendre dans la rue et dire non

vieuxcmaq, Mardi, Mars 20, 2001 - 12:00

Marc Boutin (cbv@oricom.ca)

Avril 2001, les résidants de Québec n'auront jamais eu autant de bonnes raisons de descendre dans la rue. Dans son contenu comme dans sa forme, le spectacle qu'offriront les 34 chefs d'état mérite la réprobation générale. Marc Boutin, de Droit de parole, donne, dans un éditorial paru en mars, quatre raisons de dire non au Sommet des Amériques.

Éditorial - Droit de parole, mars 2001

Le Sommet anti-peuples: quatre raisons de descendre dans la rue et dire non

par Marc Boutin

Québec, avril 2001. Les Québéquois (1) n'auront jamais eu autant de bonnes raisons de descendre dans la rue. Dans son contenu comme dans sa forme, le spectacle qu'offriront les 34 chefs d'état mérite la réprobation générale.

Première raison: un huis clos antidémocratique
Depuis quand un élu a-t-il le droit de négocier en cachette des ententes qui concernent ceux et celles qui l'ont élu. Cette question se pose avec d'autant plus d'acuité dans le cas du Sommet de Québec, qu'on y discutera en huis clos de l'avenir de l'ensemble des peuples d'Amérique. Depuis les débuts de notre civilisation - pensons à l'agora athénienne - la tradition veut que la discussion démocratique se déroule au grand jour devant public. Cette tradition fut remise à l'ordre du jour et ce, de façon spectaculaire, lorsque la Révolution française sonna la fin de la récréation pour les monarchies. Dans chaque enceinte démocratique, on convie le peuple et on lui réserve un espace particulier.

C'est le cas à l'Hôtel de ville, à l'Assemblée nationale, aux Communes, aux Nations-unies, partout, dans chaque province, dans chaque pays démocratique, dans chaque forum international légal, etc. Il y a là, une assurance qui cautionne le bon déroulement des procédures et qui permet à chacun, quel que soit sa fortune, de vérifier le travail de ses mandataires. Il y a là aussi une mesure d'ordre préventif, qui rend plus difficile, plus gênant pour les fondés de pouvoir de nous en passer "une p'tite vite".

Or voici qu'à Québec les chefs d'état se sont mandatés pour négocier l'avenir de l'Amérique derrière des portes closes, dans le dos de ceux qui les ont élus et qui payent leurs salaires. Déjà, dans sa forme, le Sommet est inacceptable.

Deuxième raison: le mur, une construction illégale
Or, non seulement les ententes seront-elles négociées à huis clos, mais voici qu'on érige un mur de quatre kilomètres qui empêchera la société civile québécoise de manifester sa désapprobation et qui aura comme effet d'exclure les citoyens de leur propre ville. Qui a le mandat pour ériger un tel mur et construire un tel périmètre en plein cœur de la capitale? Lorsque la question fut posée au représentant de la GRC au cours d'une réunion d'information (2) tenue au mois de janvier 2001, la réponse, laconique, s'est résumée aux deux mots qui suivent : "un comité". Pas de répliques permises. Autres questions pour monsieur l'agent : "Le périmètre est-il légal et de qui vient l'autorisation pour ériger un mur en pleine ville?". Réponse : "je ne fais pas partie du contentieux." "Ah bon! Merci pour la soirée d'information".

On peut comprendre l'agent de la GRC d'utiliser la langue de bois car la vérité eut été incriminante. Le mur n'est pas légal; personne n'a de mandat pour l'ériger, ni les élus, ni la police, ni l'armée; personne n'a le droit d'ériger des murs sur la place publique sans un mandat démocratique clair et un débat préalable. Non seulement le droit de fréquenter la place publique en démocratie est-il sacré mais la place publique elle-même est un endroit sacré. Les élus veulent faire un spectacle de prestige sur la place publique, ils choisissent un centre-ville habité pour le faire mais paradoxalement, ils décident d'en interdire l'accès aux propres citoyens de la ville et même de tenir leur spectacle à huis clos. La contradiction est flagrante, l'injustice est criante. Tant qu'à jouer à la cachette, pourquoi nos élus ne tiennent-ils pas leurs assises dans les îles Caïman, avec leurs amis capitalistes, ou dans un camp militaire entouré en permanence de soldats armés et de barbelés comme celui de Valcartier.

L'entêtement des chefs d'état à vouloir s'emmurer de la sorte dans un centre-ville qu'on aura déserté de force prouve une chose : ils ourdissent quelque chose de croche.

Troisième raison: au Sommet se négocie une injustice, celle de dérober aux peuples la capacité d'intervenir sur leur propre territoire
Malgré toute cette mise en scène tordue, vous croyez peut-être que vos mandataires se préparent à négocier des "ententes" qui favoriseront notre prospérité et celle de nos enfants. Sans blague?

Voici le côté croche de l'affaire. Nos politiciens disent s'appuyer sur des principes d'égalité de traitement et de "libre" concurrence pour négocier un espace américain libre de contraintes légalistes, un espace au-dessus des lois nationales. Évidemment, toute cette liberté et ces beaux principes valent pour les compagnies multinationales. L'abolition des frontières permettra à ces compagnies de se soustraire aux lois protectionnistes et aux règlements nationaux qui protègent l'environnement de la pollution industrielle et qui mettent des freins à l'exploitation des enfants et des travailleurs en général. Comme l'écrivait Janette Habel, du Centre d'études sur l'Amérique latine et les Caraïbes dans Le Monde Diplomatique 3 "...il s'agit de permettre au renard de pénétrer librement dans le poulailler, parmi des poules également libres..."

Les chefs d'état veulent créer un espace économique totalement ouvert à la libre circulation des capitaux et des marchandises. Mais, ce même espace, ils entendent l'interdire à la libre circulation des travailleurs qui n'auront d'autre choix que de se laisser exploiter dans leur pays avec les salaires de misère qui sont les leurs et à se faire bâillonner en tant que syndiqués. Lorsque ces mêmes travailleurs voudront eux aussi à profiter du "libre-échange" pour travailler aux États-Unis ou ailleurs et jouir de meilleurs salaires, on leur tirera dessus comme on le fait déjà aux États-Unis, à la frontière mexicaine. Un poids deux mesures et merci Mr. Bush pour votre liberté.

Ne soyons pas naïfs. L'hôte véritable du sommet est bien W. Bush et non Jean Chrétien qui n'est là que pour polir les bottes du cow-boy. D'ailleurs W. et Jean Chrétien sont bien satisfaits du choix de Québec comme site du Sommet. Le premier a l'assurance que des émeutes comme celles de Seattle ne se répéteront pas de son côté de la frontière. Le second, qui carbure au ressentiment, est bien content d'embêter et d'humilier le gouvernement du Québec dans sa propre cour. Ce sont les États-Unis qui, depuis 1992 avec papa Bush, travaillent à mettre en place une zone de libre-échange dans les trois Amériques (ZLÉA) : un projet appuyé par les deux partis au congrès étasunien. Après l'échec de Seattle où on projetait un espace de libre échange intercontinental [les pays du tiers monde, appuyés par les manifestants ayant refusé de suivre], les États-Unis, qui servent d'état-façade pour les multinationales les plus puissantes de la planète, se rabattent sur l'Amérique.

Le libre échange favorise les gros pays, les grosses compagnies, et défavorise les petits. Il enrichit une minorité déjà riche à l'extrême et appauvrit la majorité. Les États-Unis sont sûrs de sortir gagnants de l'exercice; tous les autres pays y perdront leur autonomie et plusieurs leur chemise. Toujours dans Le Monde Diplomatique (3), on peut lire qu'il s'agira d'une "...libéralisation asymétrique illustrée par le fait que le PNB (4) des États-Unis est seize fois plus important que celui du Brésil, vingt-cinq fois plus important que celui du Mexique, et trente fois plus que celui de l'Argentine, sans parler des écarts abyssaux avec les pays les plus pauvres du continent". Les leaders politiques canadiens, qui depuis l'ère Mulroney alignent leur pensée sur celle de la politique extérieure des États-Unis, cherchent dans cette affaire à tirer leur épingle d'un jeu immoral. Ce jeu est exactement le contraire de la démocratie et il s'appelle "au plus fort la poche".

Quatrième raison: un guet-apens pour le Québec
C'est pas par amour pour notre pittoresque ville que le gouvernement fédéral a proposé Québec aux Étasuniens comme site pour le Sommet. Le gouvernement fédéral savait qu'il y avait une sale job de répression qui accompagnait son spectacle de reddition aux forces capitalistes. Il en a profité pour tendre un piège à nos naïves autorités locales. "Occupez-vous de la répression, on s'occupe du reste". Or, ces autorités, salivant à l'idée de participer un tant soit peu au lichage de bottes du président des États-Unis, sont tombées tête première dans le piège et en ont profité pour nous donner un échantillon de ce que serait une démocratie à la sauce péquiste. Elles ont ouvert leur prison pour nous recevoir, elles ont offert leur police pour nous taper dessus et ont cautionné, avec la GRC, l'idée saugrenue du périmètre de sécurité. Un p'tit biscuit frappé au Québec avec ça?

Et mal leur en pris à nos péquistes car Stéphane a dit "non, non et non, c'est le Canada qui reçoit"; déclaration qui veut dire "c'est Jean qui liche, pas toi Landry".

Au Sommet de Québec, le pouvoir élu, censé représenter et agir sur mandat de la société civile (c'est-à-dire chacun de nous dans notre légitimité politique), s'apprête à baisser les bras devant les milieux d'affaires et le capital privé et anonyme. Il n'y a pas d'honneur, pour une ville et une société qui se respectent, à accueillir de tels événements. Huis clos antidémocratique, périmètre illégal, ententes immorales, aplaventrisme québécois, la présence d'un W. Bush champion de la peine de mort, les raisons pleuvent pour nous inciter à sortir dans la rue dire non à un sommet qui se trame sur notre dos et sur celui des peuples de l'Amérique.

1. Québéquois avec un "q" réfère aux citoyens de la Ville; Québécois avec un c aux nationaux. Réf. Jean-Louis Gagnon.
2 . Réunion organisée le 24 janvier par le Conseil de quartier du Faubourg Saint-Jean
3. Janette Habel, Intégration à marche forcée pour les Amériques, Le Monde Diplomatique, octobre 2000.
4. Produit national brut.



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