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ZLÉA vs Mercosul

vieuxcmaq, Samedi, Mars 17, 2001 - 12:00

Nicolas Lévesque (nicolaslevesque@hotmail.com)

Pour les travailleurs brésiliens également, un accord économique du type de la ZLÉA n’est tout simplement pas acceptable. Pourquoi ? « Parce que les caractéristiques de l’ensemble des accords de libre-échange réalisés jusqu’à maintenant n’apportent aucun, absolument aucun bénéfice pour les travailleurs », de dire Rafael Freire, secrétaire d’organisation à la Centrale unique des travailleurs (CUT), plus important syndicat du Brésil.

(Question) Alors, tenant compte de cette affirmation, pourquoi la CUT est-elle disposée à participer au sein du Mercosul ?

(Rafael Freire) « Le Mercosul est différent. Selon les négociations actuelles, la ZLÉA se propose d’être une zone de libre-échange comme le nom lui-même l’indique. Dans le cas du Mercosul, il se propose d’être un marché commun. Le Mercosul aujourd’hui est déjà plus qu’une zone de libre-échange. Le Mercosul est une union politique imparfaite. Il existe déjà dans le Mercosul des politiques de tarifs extérieurs communs entre les quatre pays. Ceci donne une opportunité de développement d’un marché avec un certain niveau de réglementation interne. Le Mercosul se propose aussi, même si ce n’est pas encore vrai aujourd’hui, de traiter de thèmes concernant l’intégration des quatre pays, autant au niveau social ou culturel. Nous voyons le Mercosul comme une possibilité d’intégration des peuples. Par contre, c’est certain que la logique de construction du Mercosul respecte la logique nationale des quatre pays. Et comme la vision des quatre pays est très semblable, c’est-à-dire une vision néolibérale, il est alors plus difficile d’avoir dans le Mercosul une connotation sociale si la politique interne des pays continue dans ce sens. »

(Question) Si, en tant que syndicat brésilien, vous percevez des avantages au Mercosul, n’est-ce pas parce que le Brésil a l’économie la plus forte des quatre pays, donc que le Brésil joue au sein du Mercosul le même rôle que les Etats-Unis joueraient au sein de la ZLÉA ?

(Rafael Freire) « Plus ou moins. Ça dépend de la logique que suivront les gouvernements pour poursuivre l’intégration. Le Brésil est le plus grand pays du Mercosul, le pays le plus fort économiquement, celui qui détient le plus gros PIB. Mais il y a un autre pays, qui n’a pas une économie aussi forte que le Brésil, mais qui est forte tout de même; l’Argentine. Et il y a deux autres économies plus fragiles qui sont les économies uruguayenne et paraguayenne, mais avec des différences. L’Uruguay a le meilleur niveau social des quatre pays, même s’il a une économie plus fragile. Ce pays a encore le meilleur niveau de droits sociaux, au niveau de l’éducation et de la santé. Alors le Brésil a besoin d’analyser les perspectives, de regarder ce qu’on peut en retirer comme avantages. Peut-être que le gouvernement brésilien entend par « avantages » la possibilité pour les grandes entreprises brésiliennes de pouvoir établir des industries en Argentine et en Uruguay. Mais nous, nous travaillons selon une autre logique. Nous travaillons pour obtenir une intégration qui doit nécessairement compter sur une complémentarité économique. Le Brésil, comme le plus grand pays de la région, devrait aussi initier des politiques qui consistent à résoudre des problèmes qui existent dans notre région. Pour revenir au parallèle que j’ai établi plus tôt, le Mercosul est différent de la ZLÉA puisqu’il y a un mécanisme de défense des droits des travailleurs. La déclaration sur les droits des travailleurs, la commission du Mercosul sur le travail, sont des espaces que nous avons pour remettre en question les politiques officielles. Dans ce sens, le Mercosul est différent de la ZLÉA, c’est pour cette raison que la CUT accepte le Mercosul. En réalité, la vision que nous avons à la CUT, et à la coordination des centrales syndicales du Mercosul, parce que nous ne sommes pas dans le Mercosul de façon individuelle; la vision que nous avons à la base est une vision de construction d’une action de la classe ouvrière dans la région et non seulement des travailleurs du Brésil, de l’Argentine, du Paraguay et de l’Uruguay individuellement. Notre implication, à la CUT, a comme perspective la dispute d’un modèle d’intégration, nous voulons un autre type d’intégration. Nous articulons beaucoup de critiques par rapport au Mercosul de la façon dont il existe présentement. Nous discutons à l’intérieure même du Mercosul pour le changer, pour qu’il reflète davantage notre vision des choses. »

(Question) Pour revenir à la ZLÉA en tant que tel, croyez-vous qu’il est possible de changer cet accord pour qu’il soit davantage semblable au Mercosul, afin qu’on tienne compte des revendications travailleurs pour que ceux-ci puissent en bénéficier? Ou est-il mieux d’arrêter simplement les négociations parce qu’il n’y a rien à en tirer ?

(Rafael Freire) De mon propre avis, je crois que transformer le processus actuel signifie réorienter les négociations. Je ne crois pas beaucoup à cette réorientation des négociations en tenant compte des revendications que les Etats-Unis ont amenées à la table des négociations. S’il y avait vraiment une perspective de changement de la part des Etats-Unis et du Canada, l’Aléna serait déjà un processus plus avancé que ce qu’il est aujourd’hui. Je crois que les Etats-Unis veulent simplement étendre les portés de l’Aléna au reste du continent américain. Personnellement je crois que le mieux pour notre région est d’arrêter la ZLÉA et d’établir plutôt des mécanismes d’intégration des pays, tout en respectant les réalités culturelles de chacun. Mais il est évidemment difficile de travailler avec le pays le plus puissant de la planète (Etats-Unis), parce que ses objectifs sont très clairs.

(Question) Y-a-t-il qu’un seul pays qui profiterait de l’établissement de la ZLÉA?

(Rafael Freire) Je crois que les Etats-Unis et le Canada en bénéfiecieront. En fait, ces pays vont en bénéficier mais seulement dans la perspective des gouvernements et des grandes entreprises, je ne sais pas s’il pourrait y avoir des bénéfices au niveau de la population. Je crois même que la population du Canada aussi pourrait subir des préjudices. De ce que je connais du Canada, c’est un des pays qui maintient, du moins jusqu’à quelques années en arrière, un plus grand niveau de conditions sociales, tout comme certains États européens. Jusqu’à il y a dix ans en arrière le niveau de protection social était sensiblement élevé. Alors je crois que par la logique de l’ouverture commerciale et par la logique des grandes entreprises, ce type de protection sociale comme il y a au Canada diminuera certainement, telles la sécurité d’emploi et l’éducation. Je crois que ce risque est élevé. Par contre les grandes entreprises canadiennes bénéficieront certainement des accords de libre-échange. De dire si c’est bon ou pas, ça dépend évidemment du point de vue. Mon point de vue est certainement différent de celui d’un grand entrepreneur.

(Question) Nous sommes au 21e siècle, depuis quelques années le monde est entré dans l’ère de la globalisation et du néo-libaralisme, croyez-vous qu’il y a une alternative au modèle dominant actuellement?

(Rafael Freire) Je crois qu’il y a des signes, en ce début de 21e siècle, qui laissent entrevoir une diminution de la portée que le néo-libéralisme a imposé au monde entier dans les décennies ’80 et ’90. Le questionnement envers le néolibéralisme est chaque fois plus fort. Je crois que nous pourrons avoir, dans les deux prochaines décennies de ce nouveau siècle, des transformations importantes en relation au modèle de relations économiques qui existe dans le monde aujourd’hui. Je crois beaucoup en cette transformation. Une preuve qui m’amène à y croire est l’unification de luttes importantes qui questionnent la politique néolibérale et la politique globalisante néolibérale. D’ailleurs, nous ne sommes pas contre l’internationalisme, l’union des peuples, la libre circulation des travailleurs, nous sommes en faveur de tout ça. Les questionnements que l’on entend maintenant par rapport aux accords de l’OMC et la création de l’Alliance sociale continentale représentent aussi un pas en avant pour contrer le néo-libéralisme puisqu’il n’y avait rien de semblable dans la décennie ’80 et durant la première moitié de la décennie ’90. Nous avons uni les mouvements sociaux et les mouvements syndicaux dans une lutte unique, ce qui implique que le néolibéralisme va être de plus en plus critiqué. Le Forum social mondial, en janvier dernier à Porto Alegre, est une démonstration de la diversité des mouvements qui existent à travers le monde et qui questionnent la politique néolibérale globalisante et la possibilité de l’unification internationale de la lutte en opposition à cette politique néolibréale. La résistance au néolibéralisme est le premier pas pour la construction d’une alternative. Je crois en la possibilité de construire une alternative. Des expériences d’alternatives existent déjà dans le monde entier. Par exemple, aujourd’hui se terminera la marche des Zapatistes dans la ville de Mexico qui revendiquent un espace propre pour les indigènes avec des lois particulières, plus de respect à leur égard et un autre type de société au Mexique. L’expériece de budget participatif que nous avons ici au Brésil, dans la ville de Porto Alegre dans l’État de Rio Grande do Sul, et des expériences en ce sens dans d’autres villes partout dans le monde laissent croire en la possibilité de construction d’alternatives réelles. Je suis de ceux qui croient que le 21e siècle est un siècle qui permettra de requestionner la perversité du néo-libéralisme, qui a eu une influence terrible dans les deux dernières décennies du vingtième siècle.

(Question) Quels sont les actions que la CUT peut entreprendre pour contrer la ZLÉA et tous ces accords de libre-échange et pour contrer la vision économique que les institutions comme l’OMC tentent d’imposer.

(Rafael Freire) Nous travaillons sous deux aspects. Le premier aspect est celui de la mobilisation. Et nous le faisons depuis le début, après la première réunion où la ZLÉA a été abordée à Miami en 1994. Nous étions à Miami, en dehors des négociations, avec d’autres mouvements syndicaux pour tenter de savoir de quoi il s’agissait. Nous avons entrepris le processus de mobilisation depuis ce temps. Maintenant, nous serons au début d’avril en Argentine, la CUT devrait y envoyer environ 600 délégués syndicaux, ce qui n’est pas peu, parce que dispendieux au niveau financier, et nous serons aussi à Québec. Ça fait parti du processus de mobilisation pour contrer le projet. Le second élément sur lequel nous travaillons est la construction de politiques alternatives dans différents domaines. Nous, à la CUT, avons l’opinion que pour transformer le Mercosul ou pour avoir quelque alternative à la ZLÉA sur le continent américain, nous ne pouvons pas traiter seulement des thèmes reliés à la question ouvrières, nous devons aussi traité de thèmes comme la politique industrielle, la politique agricole, l’environnement, le système financier et bien d’autres choses.

Entrevue avec Rafael Freire Neto, réalisée le 12 mars 2001 à São Paulo au Brésil.

Site internet de la CUT
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